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L’attentat de Nice, causes réelles et dangers prévisibles…

… Ou la « complicité » politique des « élites » dirigeantes.

Par Jacques Cotta • Actualités • Jeudi 21/07/2016 • 1 commentaire  • Lu 4002 fois • Version imprimable


Après le crime de masse commis à Nice Promenade des anglais, des certitudes plus contradictoires les unes que les autres ont été formulées d’heure en heure, de jour en jour, par les mêmes hommes politiques, commentateurs et « spécialistes du terrorisme » sur un ton ne souffrant aucune discussion. Chaque déclaration avait l’ambition de nous éclairer sur la personnalité du tueur, sur ses motivations, sur ses liens avec l’organisation terroriste internationale.

Ainsi a-t-on appris successivement :

a/ que l’assassin au camion était un membre de Daech et que « son implication dans les rangs de l’organisation terroriste » ne faisait aucun doute.

b/ puis qu’il était sans doute « un loup solitaire », « n’étant pas l’objet d’une fiche S », mais ayant tout de même été déjà poursuivi pour violences, avant qu’on apprenne qu’il avait été pris dans une altercation avec un automobiliste, ce qui est selon les chiffres officiels le cas d’un conducteur sur deux. Dans le même registre, qu’il était violent avec sa femme ce qui là encore le range dans la moitié des hommes qui vivant en couple ont un comportement pour le moins répréhensible.

c/ puis que le même était connu pour son goût du porc, de l’alcool, des relations sexuelles débridées, pour un comportement assez éloigné de celui que revendiquent en règle générale les djihadistes

d/ puis qu’il s’agirait d’un « fou », un « déséquilibré » en instance de divorce, criblé de dettes, qui aurait « pété les plombs ».

e/ Enfin, pour boucler la boucle, que l’assassin s’était radicalisé à toute vitesse dans les derniers jours, se laissant d’ailleurs « pousser la barbe une semaine environ avant l’assassinat de plus de 80 personnes, hommes, femmes et enfants » à l’issue du feu d’artifice du 14 juillet, ce qui là encore le range dans une catégorie bien fournie.

Tout cela évacue la seule question qui vaille : quel que soit le profil exact et sans doute contradictoire du tueur, comment et pourquoi a-t’il répondu aux recommandations des chefs islamistes radicaux dont aucun lien apparent ne peut laisser paraître des relations particulières en décidant d’assassiner par tous les moyens –là un camion loué pour l’occasion- les « mécréants » en masse ? Où a-t-il donc trouvé l’énergie pour commettre les crimes du 14 juillet alors que quelques jours avant il était totalement insoupçonnable ?

 

L’énergie du tueur

Un fou isolé, déprimé, passant à l’acte aujourd’hui dans le crime de masse comme il aurait pu le faire hier par un simple suicide ? L’explication est un peu courte.

C’est une idéologie qui est en cause, sans d’ailleurs que l’assassin n’ait un réel besoin d’y adhérer dans le détail. L’ambiance suffit. Cette idéologie qui trouve son expression dans l’affichage de la barbarie la plus élaborée rappelle le Nazisme qui il y a un peu plus de 70 ans embrasait l’Europe et le monde. A y regarder de plus près d’ailleurs, les profils des assassins et plus généralement des bandes djihadistes n’est pas très éloigné de celui des bandes nazis qui dès le début semaient la terreur : relations entre la pègre, le « lumpenprolétariat » et le grand capital, haine féroce de la culture exprimée spectaculairement aujourd’hui dans les destructions des œuvres millénaires lorsqu’hier il s’agissait de faire des brasiers avec les œuvres littéraires, haine de la démocratie, du débat, grossièreté des anathèmes et « arguments » mettant en scène aujourd’hui le mécréant comme hier le juif, etc…

Peu à peu cette idéologie s’impose comme une évidence, forte des capitulations successives sur le terrain de la laïcité notamment. C’est une succession d’abandons au nom du « respect des différences » qui ont abouti à opposer une catégorie à une autre, à rendre perceptibles les appels au meurtre dans des têtes qui pourtant n’ont pas forcément grand-chose à voir avec les prédicateurs de Daech ou autres fous de dieu.

Au lendemain du meurtre de masse de Nice, on entend un « mea culpa » monter au sein des élites promptes à condamner une laïcité trop stricte au profit d’une laïcité « ouverte » qui se caractériserait par l’acceptation des religions, des signes religieux, des valeurs religieuses dans la sphère publique. Mais n’est-ce pas précisément cela qui a armé le tueur ? La question est importante car de sa réponse découle une certaine perception des dangers qui guettent notamment la société française. Car alors le tueur de Nice ne serait pas un « dingue » isolé, mais exprimerait la possibilité pour des milliers qui aujourd’hui s’ignorent de passer à l’acte en tuant massivement, histoire d’en finir de façon spectaculaire, en remplissant une mission dont l’ordre diffus viendrait d’ailleurs.

Existe-t-il un autre remède vis-à-vis de l’ennemi islamique aujourd’hui que celui utilisé hier contre la religion catholique : la réaffirmation des valeurs de la république et l’intransigeance à tous les niveaux pour en imposer le respect sans faille. L’ennemi a une base théorique et toute capitulation est coupable. L’adaptation de la république aux valeurs religieuses – toutes les valeurs religieuses, singulièrement aujourd’hui celles de l’islam- est coupable. Les exemples dans le temps abondent. Les cantines scolaires, la non mixité des piscines, le rejet des femmes qualifiées d’impures, le refus de leur serrer la main… Le Droit doit s’imposer sans concession.

Ces questions politiques sont au centre de la situation ouverte avec Charlie Hebdo, le Bataclan et Nice. Et force est de constater que la capitulation est là générale…

Dans son hommage rendu à trois policiers assassinés le 13 janvier, François Hollande déclarait notamment que « la folie terroriste qui les a frappés n’avait ni couleur, ni religion »[1]. N’y a-t-il pas dans cette simple phrase le concentré d’une capitulation largement partagée. Est-il raisonnable de ramener ces actes à de simples manifestations de folies ? Leurs auteurs à de simples déséquilibrés ? Cela alors que ces actes ont une couleur et une religion qui en revendique le contenu, un Islam qui a pris la teinte noire radicale du drapeau de Daech quand sa couleur verte du drapeau Saoudien porte déjà atteinte aux Droits de l'Homme et du Citoyen. Il faut nommer l'ennemi et le situer en tant qu'ennemi, rappelle à juste titre Fatiha Boudjahlat.

Capitulations partagées par une « droite » et une « gauche » qui appellent ensemble au dialogue et à la mesure une fois passés les effets de manche. Capitulation sur tous les fronts – sans oublier celui des relations internationales- rappelée par le juge anti-terroriste Trévidic lorsqu’il déclare notamment que « proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table ». Sans parler des relations développées, entretenues et pas totalement désintéressées[2] avec le « progressiste » Qatar dont la France constitue un de ses terrains de chasse privilégiés…

Au lieu d’aborder ces questions qui ne sont là qu’ébauchées, nous assistons à un concert monotone sur l’union nationale. Mais là encore, derrière les déclarations de circonstance, de quoi s’agit-il vraiment ?

 

Droite Gauche, l’union nationale réalisée

Après Charlie Hebdo, après le Bataclan, la Promenade des Anglais à Nice a provoqué une profonde émotion, à la hauteur de l’acte commis et de ses conséquences. Une minute de recueillement a été respectée dans toute la France. Et au sommet de l’état le président de la république et le premier ministre en ont appelé, comme précédemment, à « l’union nationale contre le terrorisme ». Requête apparemment ignorée cette fois par les leaders de l’opposition qui n’ont pas manqué le lendemain même de l’attentat de mettre l’exécutif en cause pour « son incapacité à assurer la sécurité des français ».

L’union nationale fissurée ? A y regarder de plus près, les questions de posture (à quelques mois des primaires des uns et des autres en vue des présidentielles) n’ont-elles pas pris le pas pour camoufler une union nationale bien ficelée sur le fond des positions exprimées.

a/ A l’intérieur, Hollande, Valls, Juppé, Sarkozy, Lemaire, Le Pen, etc… sont ensemble partisans d’une reconduction de « l’état d’urgence » dont l’inefficacité pour le sujet traité ne fait aucun doute pour personne. De l’aveu même du ministre de l’intérieur, 3000 perquisitions, 300 placements à résidence, voilà le bilan depuis que l’état d’urgence a été décrété. 300 placements à résidence qui pour l’essentiel concernent des militants qui contestent la politique gouvernementale et qui n’ont strictement rien à voir avec les questions liées aux attentats.

Mais qu’importe. En ces temps tragiques il faut pour les hommes politiques « rouler des mécaniques ». Donc les uns et les autres sont engagés dans une surenchère sur le terrain de l’autoritarisme, renforçant le caractère anti démocratique de la 5ème république, tout en niant d’ailleurs le caractère totalement illusoire des mesures prises.

 b/ A l’extérieur, François Hollande annonce le « renforcement des frappes » en Syrie et en Irak. Le débat entre responsables de « gauche » et de « droite » ne porte alors pas sur l’opportunité d’une telle décision. Sans doute sur le tonnage des bombes déversées. Sans que nul ne s’interroge sur la nécessité ou l’efficacité de guerres dans lesquelles nous sommes engagés…

Mais là aussi qu’importe. Œil pour œil, dent pour dent. C’est la loi du Talion qui doit pour les responsables politiques de « gauche » comme de « droite » à tout prix s’imposer. Et le fait que les bombardements et la destruction des états –l’Irak, la Syrie…- créent désordre et suscitent des vocations telles que celle qui a frappé à Nice ne mérite visiblement pas discussion…

Depuis maintenant des années (sans doute faut-il remonter à l’attentat de New-York contre les Twins Towers en 2001), un discours s’est imposé comme représentant celui de la raison. Nous serions en « guerre contre le terrorisme ». Et comme cela est le cas généralement sur un champ de bataille, il nous faudrait taper fort, vite et sans état d’âme pour anéantir l’ennemi et sortir victorieux de la confrontation.

Tous les responsables politiques reprennent le même verbiage et se font donc concurrence pour suggérer les mesures les plus radicales.

  • Que cela n’ait rien réglé depuis plus de dix ans, que la situation ait empiré, que le remède n’ait fait qu’accentuer le mal, tout le monde semble s’en moquer éperdument.
  • Que le massacre de population civiles par centaines et milliers n’émeuve pas grand monde car la Syrie, l’Irak, etc… c’est loin, peu importe.
  • Que l’horreur que provoque la politique des gouvernements occidentaux hors de leurs frontières soit banalisée, pratiquement niée, peu importe.
  • Que l’indifférence de fait face aux massacres en Syrie, en Irak, etc… soit à la hauteur des larmes versées sur la promenade des anglais, là encore peu importe.
  • Que l’action militaire consensuelle jette sur les routes et les mers des centaines de milliers de réfugiés –qu’on refuse par ailleurs derrière l’argument du terrorisme notamment de recueillir dignement- là toujours peu importe.
  • Que les bonnes âmes soient amenées sans même s’en rendre compte à stigmatiser l’étranger (l’assassin de Nice n’était-il pas tunisien) alors que les « bastions islamistes » sont français, là toujours, peu importe.
Pourtant la réalité est là.

Comme l’indique à juste titre Dominique de Villepin[3] (il est assez cocasse de se retrouver Villepiniste en la matière, mais Villepin est bien le seul à avoir tenu tête à la folie va-t-en guerre qui s’est exprimée en Irak notamment), le concept même de « guerre contre le terrorisme » procède d’une incompréhension coupable des processus en cours. Et désarme pour aborder les défis.

Notre problème porte un nom. Plusieurs même. Il suffit de se référer à leurs déclarations successives pour identifier Hollande, Valls, Juppé, Sarkozy, Lemaire, Macron, Fillon, Le Pen etc…

Leur analogie sur le terrain de la « sécurité » malgré les mirages destinés à duper les français est sans ambiguïté. Ils sont sur le même registre, sécuritaire par et pour la 5ème république qu’ils ne se privent d’ailleurs pas de mettre en cause une fois dans l’opposition.

Mais leur analogie est identique sur le terrain social, qui concerne les français au quotidien. La loi El Kohmri en a été, en est une cruelle illustration. Les oppositions ne sont que façade. Ils sont d’accord sur le fond et ne divergent qu’à la marge. Et c’est aussi pour tenter d’affronter l’opposition sociale et politique qui s’est exprimée dans le pays que le « terrorisme » trouve sa fonction et son « utilité » en permettant le renforcement d’un arsenal juridique autoritaire inefficace sur le terrain annoncé, mais d’une totale efficacité sur le terrain social et politique dont cherchent à s’emparer des centaines de milliers….

 

Jacques Cotta

Le 20 juillet 2016



[1] On pourra consulter l’article de Fatiha Boudjahlat, Secrétaire nationale du MRC à l’Education engagée pour la laïcité et l’égalité femme-homme, au titre évocateur « Après les attentats, l’appel qui manque à la Nation : Réarmons la République ! » http://www.huffingtonpost.fr/fatiha-boudjahlat/appel-18-juin-daech-apres-les-attentats-nation-rearmons-la-republique_b_10571024.html

[2] Nous sommes actuellement passés de la 4ème place à la seconde pour la vente d’armes dans le monde.

[3] On retrouvera la déclaration de Dominique de Villepin sur le rôle de la puissance dans les relations internationales à l’adresse suivante https://www.youtube.com/watch?v=FC_34rc-NGE et sur le concept de terrorisme, de guerre, et sur les responsabilités diverses et variées des différents gouvernements à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=aY90k2IL9zw


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Commentaires

Il est plus tard que nous le croyons. par berthierch le Vendredi 22/07/2016 à 19:10

Merci, Jacques d'avoir relevé l'intuition de Villepin qui prend appui sur la croissance chinoise . Pour moi, Villepin, sans doute pour ne point effrayer les auditeurs, témoigne d'une réalité et de tendances qui ont deja dépassé tout point d'équilibre. il faudrait renouer avec les reflexions militantes et savantes de F. Engels et de E. Vaillant concernant l'espece humaine qui n'est toujours pas devenue l'Humanité. il leur fallait  faire face au déploiement des forces sociales, economiques ayant enfanté 14-18 et 39-40. 
Aujourd'hui, nous sommes 7 milliards. Forces et vitesses sociales se sont multipliées. La puissance (= force x vitesse) vitale de l'espece humaine a cru d'un ordre encore superieur. En un mois, cette Espece produits plus de moyens de (sur-) vivre, infrastructures, organisation, etc que le reste de l'humanite accumule et détruit en un an sous le fouet de l'impérialisme et du parasitisme.
Il n'y a pas que la Chine en cause, dont je ne nie pas la bureaucratie et ses methodes. 
En me limitant cependant à l'aspect chinois évoqué par de Villepin, nous devons comprendre le sens profond du "pivot vers l'Asie" décidé par les USA. Il s'agit pour eux de prévenir un inacceptable que seule la force la plus brutale pourrait enrayer. Toutes les "puissances" sont forcées à rejoindre ce "pivot". La Russie a du choisir, ce sera Pekin. Dito des etats les moins progressistes tels que le Pakistan. Hollande n'est que l'envoyé d'Obama pour faire la leçon aux trusts allemands des que ceux-ci font l'ombre de tirer la couverture à eux. Dito, l'UE qui fera tout pour eviter que le capital financier britannique brexite pour deserrer l'etau que Wall Street tente de lui imposer vis a vis de la Chine. Et,en minuscules, nos "frondeurs" abandonnent en rase campagne toute possibilité d'être un recours républicain pour le peuple productif. Ditto, les "frondeurs" associatifs et élus.
Sauf que...Une espece se bat jusqu'au bout, y compris celle des 7 milliards dont toutes les composantes se battent  pour survivre, voire se développer. Moins dans les écrits que dans les faits, les retards, les initiatives. 1789, Valmy, 1945, etc paraissent "soft" par rapport aux affrontements que la presse nous rapporte chaque jour. Erdogan n'est pas ma tasse de thé, mais les convulsions turques et kurdes se nourrissent de la situation intolerable qui est faite aux peuples du moyen orient ( entr'autres)par une oligarchie mondialisée.



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