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Elections européennes, et après…

lundi 27 mai 2019, par Jacques COTTA

Edouard Philippe, le premier ministre, a déclaré, les premiers résultats à peine connus, « qu’il allait poursuivre la feuille de route fixée par le Président de la République ». En d’autres termes, le gouvernement a répondu sans attendre aux revendications de justice sociale que les GJ expriment depuis plus de 6 mois par une nouvelle fin de non recevoir. C’est la première leçon de ces élections. La guerre sociale qui est déclarée dans le pays, loin de trouver un répit, va voir une nouvelle offensive gouvernementale concernant le pouvoir d’achat, les retraites, les soins, les services publics, l’emploi, la précarité, les salaires notamment.

Les illusions ont poussé un nombre d’électeurs plus important que prévu à se diriger vers les urnes. Bien que n’étant qu’un leurre ne servant qu’à légitimer l’Union Européenne dans sa croisade contre les aspirations des peuples et leurs revendications, 50% de nos concitoyens ont décidé de jouer ce jeu de dupes. Les différents appels au boycott n’ont donc pas été entendus. Et contrairement à tous les discours voulant accréditer l’idée que l’abstention servirait d’abord LREM et le FN, c’est bien l’inverse qu’on peut constater. Le vote plus massif que prévu a servi d’abord et avant tout les listes arrivées en tête.

Une part du corps électoral qui s’est déplacé l’a sans doute fait pour sanctionner Macron, oubliant que le vote légitimait l’UE dont Macron est le représentant au pouvoir.
Une autre part l’a fait aussi pour soutenir « le parti de l’ordre » en votant LREM, contre le mouvement social, contre « la chienlit », pour la défense des privilèges des plus privilégiés.
Enfin, le recul de l’abstention marque le succès d’une propagande à toute épreuve : le « grand débat » macronien avait préparé le terrain…

Macron n’est pas De Gaulle…

Ces élections ont été personnalisées à outrance. Emmanuel Macron avait décidé de leur donner une forme de plébiscite en se mettant en avant comme s’il était lui-même tête de liste LREM, désignant Marine Le Pen comme sa principale adversaire. Macron-Le Pen, un troisième tour programmé.

Sous cet angle, Macron connait une défaite indiscutable. Il perd entre le premier tour de la présidentielle et cette élection 3 580 963 voix. La bourgeoisie s’est pourtant portée sur son nom puisque la liste LR s’effondre avec seulement 8,48% des suffrages, soit 4,2% du corps électoral. On peut donc considérer que Macron a rassemblé son socle électoral en siphonnant la droite, le socle de classe qu’il représente et défend.

Mais cet échec est le désaveu de sa politique. C’est d’ailleurs ainsi qu’il s’est lui-même positionné en appelant les français à le soutenir personnellement. Il a été battu. En d’autres temps, comme De Gaulle par exemple, le président aurait tiré les conclusions en tirant sa révérence. Mais Macron n’est pas De Gaulle. Il a d’ailleurs un rapport à la démocratie qui lui interdit de tirer les conséquences du scrutin en démissionnant, comme majoritairement le peuple français le lui a demandé.

Le RN comme gourdin

La liste RN qui arrive en tête a été saisie par nombre d’électeurs comme le gourdin susceptible de porter un coup à Macron, lorsque les autres étaient assimilées à des brindilles. Les appels à « battre Macron » ont poussé au vote FN, comme le cas Kotarac, élu FI, l’a exprimé à quelques jours du scrutin. Ainsi, le vote FN n’est en rien un vote d’adhésion, et pour cause. Sur l’essentiel, le pouvoir d’achat, le Smic, les charges et les services publics, la non amnistie des GJ condamnés, ou encore la 5ème république, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et l’UE ont des positions interchangeables.

EELV ou le chouchou du Medef

Les commentateurs se sont délectés au soir des résultats du score d’EELV, 13,47% des suffrages exprimés, soit 6,7% du corps électoral. EELV a bénéficié d’un propagande grossière et pour le moins trompeuse. Yannick Jadot et EELV sont en effet à l’écologie ce que la chasteté est au bordel. Selon Jadot l’écologie est compatible avec l’économie de Marché lorsque tout montre que la défense de nature, de l’environnement, de la planète nécessite de renverser le système basé sur le capitalisme et le profit maximum. Jadot est d’ailleurs devenu le chouchou du Medef, et ce n’est pas pour rien. Il est macron compatible sur le fond.

La FI ou la fin d’une histoire ?

Enfin, la France Insoumise connait un effondrement sans précédent qui risque de sonner le glas du mouvement gazeux. Alors que Jean Luc Mélenchon se fixait l’objectif du « leadership » à gauche, il se trouve à égalité avec le PS et loin derrière ce qu’il a nommé stupidement comme allié potentiel EELV. La FI a beau se rassurer en parlant de son gain en sièges, l’argument est absurde. Car en réalité, avec 6,31% des exprimés, la FI rassemble 3,15% du corps électoral. Pour mesurer la débâcle, il faut en venir à l’évaporation des voix. Alors qu’à la présidentielle il y a deux ans Jean Luc Mélenchon rassemblait 7 060 885 électeurs, la FI à ces européennes n’en récupère que 1 428 386 soit une perte de 5 639 499 voix ! La FI qui a refusé de tirer le bilan de l’abandon de la ligne « populiste » de Mélenchon qui pourtant a fait son succès il y a deux ans et qui a décidé de se tourner vers « la gauche » récolte les premiers fruits pourris d’une orientation rejetée jusqu’en son sein.

Avec la FI, c’est la gauche en tant que tel qui est laminée. Le PCF disparait pratiquement, n’obtenant même pas le score de 3% lui permettant d’être remboursé. Et FI+PS+PCF+Hammonistes totalisent 18,26% des exprimés, soit à pleine plus de 9% du corps électoral…

Et maintenant ?

Les résultats confirment le pronostic que nous pouvions faire avant les élections : une fois le scrutin passé, les mêmes questions demeurent.

  • D’abord la question sociale, le pouvoir d’achat, la possibilité pour tous de finir les mois, se nourrir, se loger, se soigner, les services publics c’est à dire leur maintien, leur développement, leur reconquête, une autre fiscalité en faveur des « petits », citoyens, travailleurs, artisans, petits patrons, afin notamment de permettre des emplois de proximité, pour supprimer le chômage, et non une fiscalité pour les « gros » dont les cadeaux bénéficient aux actionnaires, tel le CICE (soit 45 milliards par an). La justice fiscale, soit le rétablissement de l’ISF. la baisse de la TVA, impôt particulièrement injuste qui frappe chacun de la même façon… Le droit de vivre pour les catégories les plus faibles, handicapés, invalides… La justice pour les retraités nombreux à ne pouvoir assurer une fin de vie décente…
  • Ensuite la question démocratique concentré dans la formule, « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », l’opposé de la 5ème république anti démocratique dont les institutions donnent de fait les pleins pouvoirs à un président minoritaires dont la politique est rejetée par le peuple.

Dés lors, il est urgent de reprendre les questions sérieusement à la racine.

Peut-il y avoir démocratie sans souveraineté ?

Un peuple soumis à une autre autorité que la sienne peut-il être libre ? Cela ramène à la question de l’UE dont nous savions, avant les élections, qu’elle continuerait d’exister après. L’ensemble des exigences sociales et démocratiques nécessitent de recouvrer notre souveraineté, notre liberté, notre droit de décider et d’agir, le refus de voir toute instance supranationale opposer son veto et imposer sa volonté au peuple, à la Nation.

Peut-il y avoir souveraineté et donc démocratie sous le règne du capital, de la loi du profit qui n’a que faire de l’homme pourvu que « ça rapporte » ?

Les exigences sociales et démocratiques qui existaient avant les élections et qui sont les mêmes après sont-elles compatibles avec le capitalisme, système qui organise les privilèges de quelques-uns au détriment du plus grand nombre ?

L’humanité menacée peut-elle s’en sortir si elle demeure soumise à la l’économie de marché et au règne de la libre entreprise ?

Et enfin, dans la situation actuelle, n’y aurait-il pas urgence à organiser les forces pour répondre collectivement à ces questions et prendre nos affaires en main ?