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La terre tremble pour les Cinq Etoiles

Chronique des derniers événements en Italie

jeudi 21 février 2019, par Denis COLLIN

Deux faits importants dans la vie politique italienne. D’un côté, l’affaire Salvini-Diciotto et de l’autre l’élection régionale des Abruzzes. En tant que ministre de l’intérieur, Salvini avait interdit le débarquement des réfugiés recueillis par le bateau « Diciotto ». La justice, considérant que quelques principes de droit international avaient été violés a demandé la comparution de Salvini. Mais le ministre ne pouvait comparaître sans un vote du Parlement. Dilemme pour les M5S : soit rester fidèles à leurs principes antérieurs et laisser Salvini face aux juges, ce qui aurait brisé l’alliance gouvernementale et aurait précipité des élections qui auraient étrillé le M5S, soit refuser de traduire Salvini en justice. Pour ne pas décider, Di Maio s’en est remis au vote sur le réseau Rousseau des inscrits du M5S. 55000 Italiens, dans des conditions incontrôlables par ailleurs, ont donc décidé du sort de Salvini et ont « sauvé » l’alliance Lega/M5S. Dans le même moment politique l’autre élément important est l’élection régionale des Abruzzes. La coalition de droite menée par la Lega, avec Forza Italia et les Fratelli d’Italia (dernier rejeton du MSI mais qu’on ne peut plus guère qualifier de néofasciste) rafle la mise avec plus de 49% des suffrages et à l’intérieur de la coalition, c’est la Lega qui triomphe avec 27%, laminant au passage les amis de Berlusconi. Le M5S de son côté atteint à peine 20%, mais perdant plus de la moitié de ses électeurs par rapport à la législative de mars 2018. Il devance certes le PD (11%) mais la coalition du centrosinistra atteint tout de même 31% des voix. Si on se projette dans des législatives anticipées, le M5S n’occuperait plus du tout la position centrale et on retrouverait un bon vieil affrontement centradestra/centrosinistra, mais avec la coalition de droite sous l’hégémonie de Salvini. Bref, l’alliance Lega/M5S est sur un terrain très fragile et ses jours pourraient bien être comptés, même si, pour le moment Salvini n’a pas intérêt à apparaître comme celui qui brise ce gouvernement toujours populaire.

Certains amis italiens défendent Di Maio et pensent qu’il a bien agi pour défendre le gouvernement M5S/Lega dont ils pensent qu’il est un rempart contre les menées de l’UE. Je suis au regret de constater qu’ils se trompent. Le M5S a certainement vendu son droit d’ainesse pour un plat de lentilles en sauvant Salvini des « griffes » (pas très acérées) de la justice. Le scénario de l’élimination du M5S est prêt. D’autres choses vont s’y ajouter comme le conflit sur la ligne du « à grande vitesse » entre Lyon et Turin. Le M5S faisait des opposants farouches à ce projet délirant (57 km de tunnels pour doubler la voie actuelle qui fonctionne à 30% de ses capacités). Mais Salvini pense que ce projet est une bonne chose afin que les hommes et les marchandises circulent vite... C’est un des points qui permettent de réconcilier Salvini et le patronat européiste mais aussi les PME exportatrices du Nord qui se sont ralliées à la Lega en raison de ses positions antifiscales et hostiles à la redistribution mais n’ont pas du tout envie de passer à la caisse pour payer les « fantaisies » sociales du M5S.

Si on ne veut pas trop se raconter d’histoires, le gouvernement italien, en faisant avaliser son budget rectifié par la Commission a tout simplement admis l’autorité de cette Commission, alors qu’il était en position de force pour défier l’UE : on reprochait à l’Italie un déficit de 2,4% du PIB alors que les Français donneurs de leçons adoptaient un déficit de plus de 3% (3,4% aujourd’hui). En outre, contributeur net au budget européen, l’Italie pouvait se moquer des menaces de sanctions agitées par le freluquet Moscovici. Malheureusement la pusillanimité des dirigeants l’a emporté. Résultat, on n’a pas du tout un budget de relance puisque le déficit ne sert qu’à payer la dette et on se prépare à un budget rectificatif en cours d’année, compte-tenu de la mauvaise situation économique de l’Italie.

Comme l’Allemagne, l’Italie a vu sa production industrielle chuter et comme l’Allemagne, c’est un pays industriel, pas un pays parasitaire comme la Grande-Bretagne ou la France où l’on considère la finance comme une « industrie ». Les difficultés de l’Allemagne et de l’Italie annoncent des temps difficiles et la pression des milieux financiers sera encore plus forte.

Chers amis souverainistes italiens, si chers à mon cœur, je vous adjure de cesser de vous laisser obnubiler par les tours de prestidigitation de cet excellent bateleur qu’est Salvini. Et il va falloir penser à ce qui pourrait remplacer le M5S.