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« Macron démission »…

…mot d’ordre unificateur des gilets jaunes, de la france d’en bas.

dimanche 25 novembre 2018, par Jacques COTTA

Comme tout bon joueur de poker qui se respecte, Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur, est coutumier du mensonge. Dans les cartes cela peut paraît-il rapporter gros. En politique, l’exercice est plus risqué. Ce 24 novembre, ses services ont dénombré 106 301 manifestants dans les rangs des gilets jaunes. Le trois cent unième laisse rêveur… Pour Paris, dés 12h15, le ministre lui-même annonçait la participation de 5000 personnes sur les champs Elysées… La bataille de chiffres est absurde. Les images parlent d’elles-mêmes et confirment l’impression ressentie sur place. Sur l’avenue elle-même comme dans les rues adjacentes, de l’Etoile au rond-point des champs, plusieurs dizaines de milliers - 25 à 30 000 au moins- se pressaient dès le matin pour converger sur la « plus belle avenue du monde ».
Un contenu renforcé

Chaque jour confirme et renforce un peu plus ce que les jours précédents avaient déjà révélé.
 Le coeur revendicatif se cristallise sur le pouvoir d’achat, la question du gasoil étant la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de l’exaspération.
 Le mot d’ordre centralisateur lancé et repris spontanément met le Président de la République au centre : « Macron démission… »
 Les manifestants représentent une France qui depuis des années est ignorée, méprisée, rejetée. C’est la France du NON au référendum de 2005 qui avait déjoué toutes les manoeuvres -politiques, médiatiques notamment- en rejetant le projet de constitution européenne, qui réapparait sur la scène de l’histoire. Cette France est faite des ouvriers, des salariés, des travailleurs, des retraités, des jeunes... Il suffit d’y aller, de voir, de discuter. C’est en réalité un front de classe qui se constitue contre la politique d’Emmanuel Macron, le front de classe d’une France qui discute, réfléchit, qui fraternise, qui se veut solidaire lorsque sont vantés les mérites de l’individualisme et du chacun pour soi.

Comme en 2005, La France des gilets jaune est la France majoritaire. C’est ce qui excède le pouvoir qui représente l’oligarchie, qui sert le capital financier, qui applique lorsqu’il ne les devance pas les desiderata de l’Union Européenne. Cette France ne s’est pas engagée par hasard. Silencieuse jusque là, elle est aujourd’hui excédée et c’est en profondeur que se trouvent les ressorts des mobilisations, blocages, manifestations…
Basses manoeuvres gouvernementales

Contre cette France toutes les tentatives sont bonnes.
 La provocation sur les Champs-Elysées où quelques palissades brulées sont ridiculement appelées à la rescousse pour tenter de discréditer, dans l’affolement, un mouvement soutenu par plus de 77% des français.
 La mise en cause de gilets jaunes comme Lepénistes, au prétexte que Marine Le Pen a soutenu leur mouvement depuis le début et s’est étonnée que l’avenue des champs-Elysées leur soit interdite.

Marine Le Pen est ainsi dénoncée par le ministre Castaner, et par quelques parlementaires « En Marche » en panne d’arguments, dans la continuité des déclarations d’Emmanuel Macron qui souhaiterait se présenter aux prochaines élections européennes comme chef des « progressistes » opposés aux « nationalistes » ou autres « fascistes ». Voila pourquoi elle est le coeur de cible qui dans d’autres circonstances aurait pu être occupé par Mélenchon par exemple.

La tentative politicienne ne peut avoir aucun effet sur les français, sinon sur les organisations syndicales qui devraient être au coeur des mouvements dont le moteur est le pouvoir d’achat, le droit de se loger, de se nourrir, de se déplacer, de se soigner… Sans doute Martinez et ses semblables trouveront là justification à leur absence, coupant un peu plus le mouvement syndical de la france réelle.
Macron dans l’impasse

Il existe derrière ces gesticulations gouvernementales une impasse politique qui angoisse à juste titre jusqu’au plus haut niveau de l’état. Le président de la république va tenter de présenter une série de mesures qui toutes vont s’avérer être plus dilatoires et catastrophiques politiquement les unes que les autres. Les centaines de milliers de français qui depuis des jours manifestent et bloquent ne veulent ni d’un saupoudrage d’aides diverses et variées, ni d’une nouvelle grand-messe comme il y en a déjà eu tant sur l’écologie, les « moyens de transports », la « mobilité » lorsque de toute évidence les mesures prises -bus Macron contre service public ferroviaire- ou les mesures prévues -exonération du coût de la carte grise poids lourds- vont à l’encontre des intentions affichées et de la raison minimale.

Selon certains députés "En Marche" qui se risquent à défendre dans le contexte actuel la politique macronienne, il y aurait une contradiction entre la volonté « moins de taxes » et l’exigence « plus de services publics », les unes devant permettre le financement des autres. Il existe pourtant deux solutions immédiates pour régler la question, deux solutions qui posent bien le problème central des manifestations, « Macron démission ».
 Revenir sans hésiter sur la suppression de l’ISF synonime d’un manque à gagner de 5 milliards d’euros, soit le montant attendu des taxes que rejettent les français.
 Refuser les exigences de la Commission européenne en sortant des seuils imposés, quitte à laisser courir les déficits pour permettre les financements demandés. Engager un bras de fer avec Bruxelles comme cela est pour le moment fait en Italie pour les retraites, les investissements et autres engagements pris vis à vis du peuple italien… S’engager dans une voie de rupture avec l’union européenne...

Mais l’une et l’autre montrent bien qu’Emmanuel Macron est coincé. Représentant de l’oligarchie, l’ancien banquier de chez Rothschild ne peut se dédire vis à vis de ses amis qui l’ont porté au pouvoir pour être servis, pas plus qu’il ne peut défier l’UE dont il doit par essence faire respecter les directives et décisions contre l’intérêt du peuple français.

Voila notamment pourquoi ce qui est engagé dans le pays marquera durablement l’avenir. Il ne s’agit d’un feu de paille à aucun point de vue. Ni pour les français qui n’en peuvent plus. Ni pour le pouvoir qui ne peut rien. Il s’agit d’un moment de la lutte des classes que l’idéologie dominante voulait faire croire révolue. Contrairement aux « optimistes » qui veulent se rassurer en pariant sur un essoufflement, ne sommes nous pas à la veille d’une grande confrontation ?