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Comment éviter une troisième guerre mondiale (éventuellement nucléaire)

jeudi 26 janvier 2023, par Vladimir YEFIMOV

Les médias français, suivant les politiques, caractérisent la guerre en Ukraine comme une guerre entre démocratie et autocratie. Et à première vue, cela paraît plausible. En ce qui concerne l’autocratie, il semble qu’il n’y ait pas de questions ici ; en effet, le régime de Poutine peut être qualifié d’autocratique, c’est-à-dire un régime dans lequel le pouvoir est détenu par un seul homme, qui l’exerce en maître absolu. Le pouvoir du président de la Russie s’appuie sur les personnes qui ont été sélectionnées par lui-même. En ce qui concerne la démocratie, les choses ne sont pas si simples. En grec, la démocratie signifie le pouvoir du peuple et tout Français qui réfléchit est conscient qu’il n’y en a pas vraiment en France. La « démocratie électorale », comme on le sait, ne donne pas le pouvoir au peuple, mais met au pouvoir les personnes qui ont passé les procédures de sélection, procédures qui dépendent très fortement de ceux qui les financent. Les principaux instruments de ces procédures sont les médias, qui en France sont en grande partie privés.
À un moment donné sur LCI, qui consacre la majeure partie de son temps d’antenne à la guerre en Ukraine, l’idée suivante a été émise : cette guerre n’est rien d’autre qu’une guerre par procuration (la guerre par procuration des États-Unis contre la Russie), mais assez rapidement, les journalistes et les autres participants aux émissions de télévision ont cessé de la mentionner Et en fait, si vous abandonnez cette idée, alors, la compréhension de l’essence de ce qui se passe est impossible.

Pour une telle compréhension, il sera utile de revenir à l’année 2003, lorsque les États-Unis ont attaqué l’Irak. Cette année-là, le politologue américain Robert Kagan publie un texte dont les thèses ont été reproduites par le journal Libération de la façon suivante : « Ses thèses ont l’avantage de la simplicité. Arrêtons de prétendre, dit-il, que les Américains et les Européens partagent les mêmes valeurs. Les seconds ont les idées iréniques qui conviennent à leur impuissance militaire tandis que les premiers sont interventionnistes à proportion de leurs gigantesques moyens <...> l’Europe ne peut vivre dans son ‘paradis postmoderne’ que parce que les Etats-Unis <...> prennent sur eux (et ont les moyens) de faire la police dans un reste du monde toujours soumis aux exigences et aux dangers de la lutte des puissances » https://www.liberation.fr/tribune/2003/02/19/reponses-a-robert-kagan_431326/ .
En 2012, un an avant les événements en Ukraine qui ont conduit à la guerre actuelle, ce même Robert Kagan publiait un livre intitulé « Le monde que l’Amérique a fait » (The world America made). Dans la préface de la traduction française de ce livre intitulée « L’ordre mondial américain », Hubert Védrine écrit, entre autres, ce qui suit : « Du point de vue de l’Europe qui espère tant du multilatéralisme, et du monde émergent, comment admettre que la seule solution d’avenir soit, encore et toujours, que l’Amérique conserve cette capacité à façonner un monde qu’elle surplombe et à imposer ses valeurs ? Elle serait donc encore ‘exceptionnelle’, la ‘nation toujours indispensable’ ? Ne peut-on vraiment rien attendre d’un processus global coopératif, d’une concertation au plus haut niveau, comme au sein du G20 ? Ne peut-on concevoir aucune alliance multilatérale pour garantir demain le maintien et l’extension des libertés et du progrès ? Ou se fonder, tout simplement, sur l’aspiration des peuples ? Pour l’auteur [Robert Kagan], c’est clairement non. Et c’est un défi pour les européens ! ».

Ce défi n’a pas été relevé par les Européens en général et les Français en particulier. Et l’une des conséquences est la guerre actuelle sur le territoire de l’Ukraine. Robert Kagan parle d’elle plus ouvertement que beaucoup d’autres. Ci-dessous, je me permets de reproduire le début d’un article intitulé « Ukraine : Robert Kagan passe aux aveux dans Foreign Affairs » : « Dans la version en ligne (mai/juin 2022) de la revue américaine Foreign Affairs, le très influent politologue néo-conservateur Robert Kagan vient de signer un article allant au-delà de la narration occidentale admise sur le conflit russo-ukrainien et intitulé « The Price of Hegemony : Can America Learn to Use Its Power ? » [« Le prix de l’hégémonie : l’Amérique peut-elle apprendre à utiliser son pouvoir ? »]. Passé quasiment inaperçu en Europe, son article a de quoi interpeller, surtout lorsqu’on sait l’influence de Robert Kagan et la place qu’occupe la revue Foreign Affairs dans la politique étrangère américaine. L’auteur de l’article ne passe pas par quatre chemins et annonce la couleur dès les premières lignes : « Bien qu’il soit obscène de blâmer les États-Unis pour l’attaque inhumaine de Poutine contre l’Ukraine, insister sur le fait que l’invasion n’a pas été provoquée induit en erreur. » Pour préciser son propos, Robert Kagan va jusqu’à rappeler que Pearl Harbor fut la conséquence des efforts déployés par les États-Unis pour freiner l’extension japonaise sur le continent asiatique, alors que les attentats du 11 septembre furent en partie une réponse à la présence dominante des États-Unis au Moyen-Orient. Selon lui, il n’en serait pas autrement aujourd’hui : les choix russes sont une réponse à l’hégémonie croissante des États-Unis et de leurs alliés en Europe après la Guerre froide ». https://www.ojim.fr/ukraine-robert-kagan-passe-aux-aveux-dans-foreign-affairs/

En 2003, la France et la Russie ont fait front commun à l’ONU contre la guerre américaine en Irak. Jacques Chirac a alors annoncé que « La France n’acceptera pas et donc refusera » le nouveau projet de résolution en forme d’ultimatum à l’Irak, présenté par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne. « Quelles que soient les circonstances, la France votera ‘non’ parce qu’elle considère, ce soir, qu’il n’y a pas lieu de faire une guerre pour atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé, le désarmement de l’Irak », a-t-il insisté. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères de la Russie, Iouri Fedotov a affirmé : « Nous serons disposés à examiner de nouvelles propositions. Mais il est clair d’ores et déjà que la position de la Russie est arrêtée : la solution consistant à régler la crise par la force est inacceptable pour nous ». Les Etats-Unis ont répondu par des sanctions à cette position de la France et de la Russie. Le secrétaire d’État américain, Colin Powell, a affirmé que la France aurait à subir des conséquences pour son opposition à Washington sur le conflit en Irak. Il n’a pas précisé ce qu’elles pourraient être, se bornant à indiquer que l’attitude opiniâtre de Paris au Conseil de Sécurité ne pouvait rester sans suite.
Il est clair que ni le président Jacques Chirac, ni aucun homme politique français qui ne se plie pas devant les Etats-Unis, ni Vladimir Poutine, ne convenaient aux dirigeants américains en tant que chefs de leurs pays. Ils devaient être remplacés par d’autres politiques plus accommodants envers les États-Unis. En France, ce n’était pas si difficile à faire : les trois hommes politiques français, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron qui ont succédé à Jacques Chirac en tant que présidents français, se sont adaptés à l’allégeance américaine dans le cadre du programme Young Leaders – French-American Foundation.

Avec la Russie de Vladimir Poutine, c’était beaucoup plus difficile à faire, et il a été décidé de le faire via l’Ukraine. Cela a commencé en Ukraine en 2004 avec l’élection du Président Iouchtechenko, dont l’épouse était agent de la CIA https://www.afrique-asie.fr/ukraine-katerina-iouchtechenko-ancienne-premiere-dame-et-agent-de-la-cia/. Depuis cette époque, les États-Unis ont renforcé et armé les néonazis en Ukraine https://www.pressegauche.org/Comment-les-Etats-Unis-ont-renforce-et-arme-les-neonazis-en-Ukraine , néonazis qui servaient à propager l’hostilité envers la Russie dans le pays, et à le préparer idéologiquement et militairement pour la future guerre avec celle-ci. Les événements de 2014 sur Maidan et le changement ultérieur du gouvernement de l’Ukraine pour des politiciens pro-américains ont suivi cette direction. L’actuel président américain Joe Biden (à l’époque vice-président) et Victoria Nuland, maintenant (depuis 2021) sous-secrétaire d’Etat pour les Affaires politiques (à l’époque responsable de l’Ukraine pour le Département d’État) ont joué un rôle significatif dans l’organisation de cette direction. C’était Victoria Nuland qui négociait la livraison d’une aide militaire à l’armée ukrainienne. Par ailleurs, Victoria Nuland était - et est toujours - l’épouse de Robert Kagan, mentionné ci-dessus. Dans une conversation téléphonique avec l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, à propos des candidats aux postes du gouvernement en Ukraine, elle a prononcé cette phrase scandaleuse : « Que l’UE aille se faire foutre » (Fuck the EU). Le dernier maillon de l’américanisation du pouvoir ukrainien a été l’élection du président Vladimir Zelensky qui dès le début de son mandant a bien démontré sa position pro-américaine.

Maintenant, il y a de plus en plus de signes que la guerre actuelle en Ukraine dégénère progressivement en une guerre à grande échelle entre la Russie et l’OTAN. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a averti le 6 janvier 2023 qu’il craignait qu’une guerre totale entre la Russie et l’OTAN soit une « possibilité réelle ». « Je crains que la guerre en Ukraine ne devienne incontrôlable et ne s’étende à une guerre majeure entre l’OTAN et la Russie », a-t-il déclaré, selon The Telegraph. « Si les choses tournent mal, elles peuvent tourner horriblement mal. » https://www.les-crises.fr/pour-le-chef-de-l-otan-une-guerre-totale-avec-la-russie-est-une-reelle-possibilite/ . Certains anciens hauts fonctionnaires impliqués dans les émissions de LCI affirment que, dans des conditions de défaite de l’armée ukrainienne, il sera inévitable d’introduire des troupes des pays de l’OTAN sur le territoire de l’Ukraine. Ainsi, ce que dit maintenant la propagande de Poutine, à savoir que la guerre sur le territoire de l’Ukraine est une guerre entre la Russie et l’OTAN, deviendra une réalité complète. Poutine reçoit le soutien de la population russe avec cette idée. L’introduction de troupes de l’OTAN en Ukraine signifiera le début de la troisième guerre mondiale. Les Français ne sont objectivement pas du tout intéressés par un tel déploiement d’événements. Ils doivent comprendre que ce n’est pas leur guerre et qu’ils doivent empêcher son développement. Ils peuvent le faire par des actions anti-guerre massives. Ces actions anti-guerre en France pourraient servir d’exemple aux populations d’autres pays européens et des États-Unis. Les citoyens de la Russie et de l’Ukraine peuvent également se joindre à ces actions. Ils doivent comprendre dans quel piège diabolique les États-Unis les ont poussés. Ainsi, Poutine et Zelensky pourraient perdre complètement leur soutien dans leurs pays, et les participants aux hostilités des deux côtés cesseraient de s’entretuer et exigeront le changement de leurs gouvernements qui établiront une paix fiable et durable entre les deux pays.

Messages

  • Il est étonnant qu’ici ce soit la propagande pro-russe qui circule, sur la base d’interprétations fantaisistes et conspirationnistes venues notamment de sources orientées (comme l’est par exemple le site cité Donbass Insider). Ce récit, qui emprunte des allégations non prouvées (l’appartenance d’une telle à la CIA) qui extrapole (l’importance accordée aux néo-nazis, idéologie à propos de laquelle on oublie celle du fondateur de la milice « privée » Wagner, l’importance de la corruption en Ukraine qui semblerait différente de celle existante aussi bien en Russie que dans les pays ex-URSS, et dont on semble exempt en France alors que l’on parle de plus en plus d’États narco-trafiquants pour la Hollande et même Belgique, sans parler de l’Italie dont 1/4 des entreprises auraient des origines mafieuses, etc.), qui prend pour argent comptant les propos de responsables néo-cons, va jusqu’à sous-entendre que Chirac a été (presque) remplacé par des soumis aux USA, etc. tout cela est d’une grande superficialité.
    Quant au fait de faire croire qu’en comparaison avec un autocrate le système démocratique en France serait lui aussi défaillant, c’est vraiment étouffer l’existence de partis, de syndicats, d’associations, de médias, entre autres, permettant à des contre-pouvoirs réels d’exister.
    Désolé, il m’est difficile de cautionner tant d’approximations et d’amalgames.
    Dites-nous plutôt quel aurait dû être le choix du gouvernement ukrainien élu par rapport à l’agression militaire poutinienne ? Et que devrait-il faire aujourd’hui par rapport à l’annexion de 20 % de son territoire ?

  • Un peu simpliste l’opposition autocratie / démocratie. Macron choisit son entourage et la Russie connaît des élections avec des partis. Ce n’est pas la Corée du Nord etc...

  • Quelques jours et semaines avant l’invasion russe, Poutine avait pressé les Américains de répondre à ses demandes de discussions concernant la sécurité de son territoire, le nucléaire etc.. Manoeuvre ou pas les Russes voyaient bien que l’Ukraine finirait par servir les intérêts de l’Otan c’est à dire des Américains.

    Effectivement l’administration américaine, non seulement avec le livre de Brzezinski, écrit en 1997, mais dès avant l’effondrement de l’Urss en 1991 avait conçu le projet "d’affaiblir la Russie" pour ne pas dire "la détruire" en cassant cet ensemble historique dit "impérial".

    Cela était visible par la manière dont ils sont intervenus contre Gorbatchev qui voulait restaurer "un socialisme à visage humain" et qui n’en avait ni les hommes ni les moyens. Reagan ne pouvait accepter cela avec sa vision manichéenne du "bien et du mal" partagée par tous les présidents us.

    Eltsine a été leur grand homme. Il a ruiné la Russie, cassé les anciennes solidarités (ou dépendances selon l’analyse politique à laquelle on adhère) avec les autres républiques "socialistes soviétiques" ; le grand bazar donc, alors que lui et sa famille s’enrichissait honteusement.

    Gorbatchev était un homme plus consensuel avec "l’occident", ,très différent de Poutine, ce qui lui a été fatal. Rappelons que Poutine n’a pas assisté aux funérailles de Gorbatchev, car il le rend responsable de la liquidation de l’Urss.

    D’autre part il reste aussi à observer que l’administration américaine des "Affaires étrangères" US a été longtemps le siège de Madeleine Albright, d’origine Tchécoslovaque dont les parents avaient fuit l’entrée d’Hitler en 1939. Elle a toujours soutenu l’extension de l’Otan vers les pays de l’Est. Sa position anti russe était très marquée d’une manière indélébile.

    Les USA était à ses yeux la "nation indispensable" pour la démocratie et la paix, malgré le nombre de guerres effrayantes des Usa depuis la fin de la seconde guerre mondiale auxquelles elle a participé lors de son "règne".
    Elle a formé et fortement influencé tous les jeunes diplomates qui lui ont succédé et donc la politique extérieur des Usa.
    En tant que d’origine Tchèque, la Tchéquie envahie par les Allemands mais délivrée par les Russes, ont pouvait s’attendre à une vision plus équilibrée. Mais rien à faire. L’invasion russe de 1968 a indéniablement marqué les Russes du seau des démons.

    L’existence de la Russie était donc essentiellement un danger permanent pour la démocratie et les droits de l’homme.

    Les Américains ont mis près de 80 ans pour arriver à leur fin et réaliser leur stratégie anti russe par l’intermédiaire de l’Ukraine.

  • M. Gabriel Galice a bien raison quand il indique que M. Macron choisit son entourage mais la différence avec M. Poutine consiste dans le fait que le pouvoir de M. Macron n’est pas fondé sur les personnes qu’il a choisies, ce qui est le cas pour M. Poutine. Dans le système poutinien, les partis politiques officiels joue un rôle de simulacre d’un système qui existe par exemple en France. Les dirigeants de ces partis peuvent être considérés comme des comédiens jouant une pièce de théâtre, pièce écrite continuellement depuis le Kremlin. Mais ce n’est pas par hasard que M. Macron a commencé sa campagne électorale à New-York. Ceux qui ont bien observé cette campagne en France pouvaient bien remarquer que celui-ci n’a pas eu de problèmes pour la financer.

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