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Italie, Grande-Bretagne, quelques réflexions sur la situation en Europe

vendredi 30 août 2019, par Denis COLLIN

Deux événements marquent l’actualité européenne. L’explosion du gouvernement « gialloverde » en Italie et l’annonce d’une coalition M5S-PD sous la direction de Giuseppe Conte, d’une part, la décision de Boris Johnson de suspendre le Parlement pour l’empêcher de bloquer la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, d’autre part. Le premier de ces événements était prévisible parce que les orientations de la Lega et du M5S étaient, au fond, contradictoires, même si la souveraineté italienne et la méfiance vis-à-vis de l’UE semblaient former une base commune à ces deux partis dits (bêtement) populistes. La décision de Boris Johnson, toute constitutionnelle qu’elle soit, ne manque pas d’étonner. Les Britanniques ont voté pour le Brexit parce que rien ne peut être au-dessus du Parlement britannique et surtout pas cette damnée « commission » de l’UE et voilà que le Parlement est brutalement rabaissé avec l’accord de la Reine, venue pour rappeler que la monarchie n’est pas simplement un décor en carton-pâte.

Ces deux événements expriment toutes les contradictions de la situation présente. D’un côté les peuples ne supportent pas l’arrogance de l’UE qui les met en coupe réglée, mais d’un autre côté quand il s’agit d’en tirer des conclusions radicales, les choses sont plus compliquées. Salvini rompt avec le M5S sur une ligne de rapprochement avec l’UE (TAV, baisse des impôts, politique pro-entreprises) et le M5S se défend en passant un accord avec le PD sur la base d’un réalignement sur l’UE. Si cette bouillie politique est possible, c’est d’abord parce que les Italiens, s’ils veulent ne pas être les victimes de l’UE, ne sont pourtant pas favorables à la sortie sur le mode anglais. Souvent, nos amis « souverainistes » prennent leurs désirs pour des réalités, mais ils feraient bien de réfléchir à cette réalité-là : que l’Italie, deuxième puissance industrielle d’Europe, sorte de l’UE, ce n’est pas une perspective attrayante pour la majorité des Italiens, même s’ils savent combien est élevée la facture dont ils doivent s’acquitter pour avoir été les « bons élèves » des doctrinaires de la Commission. Un bon « tien », même maigrelet, vaut sans mieux que deux « tu l’auras ». Pour des raisons liées à l’histoire et à la réalité présente, les choses se présentent différemment pour les Britanniques. Ils ont voté « Leave » et attendent que la classe politique passe aux actes. Mais cette majorité est bien fragile et personne ne se risque à vouloir le retour aux urnes. D’où l’utilisation de cette ficelle constitutionnelle, qui permet au Premier Ministre de faire passer sa politique sans risquer d’être désavoué.
De cette situation, je tirerais trois conclusions :

La première : les peuples ne suivent pas des doctrines, aussi belles soient-elles mais tentent de se défendre sans sombrer dans des aventures aux issues douteuses. Pourquoi les partis souverainistes français sont-ils si émiettés et ne recueillent que quelques pourcents des suffrages ?

La deuxième : la souveraineté du peuple ne se limite pas à sortir des traités européens. On peut très bien être hors UE et tout aussi soumis – par exemple à la puissance américaine ou à celle grandissante de la Chine. Être libre, ce n’est pas seulement une proclamation de pure forme, il faut renverser la véritable source de la servitude qui est le mode de production capitaliste. Salvini et Johnson sont d’accord sur l’essentiel avec Juncker, Macron et Merkel : il faut défendre le capitalisme.

La troisième : il n’y aura pas de grand soir qui s’ouvrirait sur les décombres de cette construction abracadabrantesque qu’est l’UE. Pour être réellement indépendants, pour recouvrer notre souveraineté nationale, il faut d’abord trouver les voies et les moyens de s’opposer à l’ennemi national, c’est-à-dire notre propre gouvernement, celui qui saccage les libertés et les acquis sociaux sans qu’on ait besoin de le lui commander. L’UE n’est pas une mystérieuse puissance qui se subordonnerait les gouvernements nationaux : elle n’est que la résultante des forces des représentants des différentes classes dirigeantes qui exercent leur domination d’abord sur le terrain national.

Encore une fois, n’oublions pas Lénine : « l’ennemi est dans notre pays ».