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La nature de Macron et Le Pen : et si le fascisme n’était pas là où le dit la gauche !

mercredi 24 mai 2023, par Jacques COTTA

Les mobilisations qui se sont déroulées durant plus de quatre mois , partant d’une revendication sociale concernant les retraites, le recul de l’âge légal de départ et l’augmentation du nombre de trimestres nécessaires pour toucher une pension complète, ont révélé une crise démocratique, une crise politique et une crise de régime. En peu de temps, des millions de manifestants, travailleurs, jeunes, retraités, ont exprimé leur volonté de « chasser Macron » et de mettre « à bas la Ve république ». A gauche pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, l’objectif d’en finir au plus vite avec la macronie ne semble pas être une priorité. Militants de la FI, de la NUPES, du PCF, nombreux expriment la crainte « au cas où… » de voir le Rassemblement National rafler la mise. Et les discours traditionnels sur le « danger fasciste » reprennent le dessus, faisant passer la réalité au second plan.

Une histoire qui date

Depuis maintenant plusieurs années Emmanuel Macron est de fait le candidat de la gauche. En 2017, Macron et Mélenchon se décernaient en public devant les caméras de télévision, dans une rencontre « improvisée » sur le vieux port de Marseille, un certificat réciproque de respectabilité.

C’est la même pièce de théâtre qui nous est rejouée régulièrement par les mêmes protagonistes auxquels vient s’ajouter tout ce que la gauche compte de « représentants », notamment lors des périodes électorales. La séquence marseillaise de 2017 qui était l’occasion de définir les « fréquentables », les « progressistes » opposés aux « nationalistes », aux « fascistes », s’inscrivait dans les élections européennes qui devaient avoir lieu l’année suivante. Victor Orban le hongrois et Matteo Salvini l’italien étaient appelés à la rescousse. « S’ils ont voulu voir en ma personne leur opposant principal, ils ont raison (…) Il se structure une opposition forte entre nationalistes et progressistes en Europe », déclarait alors Macron. Jean Luc Mélenchon reprenait la partition définie en commun. « Je suis très inquiet » déclarait-il le 20 mai 2018 au grand jury de RTL. « Je ne cesse de répéter que dans toute l’Europe la menace est immense. Parce que en Hongrie c’est déjà des fachos, En Autriche, c’est des fachos, en Pologne ce sont des fachos, en Allemagne il y en a qui apparaissent jusque dans le Bundestag, Et en France … ».

Le Rassemblement National, dont Marine Le Pen banalisée en période calme par les médias unanimes, était mise en avant à la veille des échéances électorales, reprenait le rôle d’épouvantail qui lui était dévolu.

Le plat, pour le moins réchauffé, a été systématiquement resservi pour chaque élection, jusqu’à la dernière confrontation présidentielle où l’on a vu tout ce que la gauche compte de porte-parole — politiques ou syndicaux — appeler directement à « voter Macron pour faire barrage à Le Pen ». C’est ainsi que le président de la République, celui de la réforme des retraites, de la casse des services publics, de la destruction de notre système de santé et d’éducation, le président de l’inflation aux exploits innombrables n’est autre que le président élu par la gauche, dans les faits.

On pouvait légitimement penser que « l’épisode retraites » avait vacciné tout ce beau monde. Mais à entendre les mêmes, on peut constater qu’ils ne se font pas prier pour passer aussi vite que possible de la critique macronienne au danger du « fascisme lepéniste », et donc en toute logique qu’ils se préparent à rebelotter dans les urnes avec celui qui est décrié dans la rue.

Question de principe

Le danger fasciste, lorsqu’il existe, impose de fait l’union de tous les démocrates, par delà leurs divergences, pour défendre les libertés menacées. La question qui se pose est donc assez simple : quelle est la réalité de ce danger aujourd’hui ? Au nom de Le Pen, faut-il accepter le pouvoir de Macron ? Plus, pour s’opposer à Le Pen, faut-il considérer Macron, comme nous y invitent de fait les chefs de la gauche réunie, comme un rempart naturel ?
Ces questions conduisent donc à s’interroger sur la véritable nature du Macronisme et du Lepénisme.

Dans les discours de la gauche comme dans ceux de Macron plane le spectre des années 30. Chacun à sa façon y fait référence. Macron évoque le « populisme » lorsque les peuples aspirent à reprendre leurs affaires en main. Macron et les représentants de la gauche parlent du « racisme » et de la « xénophobie » lorsque des gouvernements européens exigent une politique migratoire différente. Macron dénonce le « souverainisme » que Mélenchon prend garde de ne pas revendiquer lorsqu’un gouvernement en Europe décide une politique contraire aux exigences de l’union européenne, et qualification ultime commune à Macron et Mélenchon, la dénonciation des « fachos » ou du fascisme pour parler pèle mêle des gouvernements hongrois, italien, polonais, de l’AFD en Allemagne, des « démocrates » de Suède, le FPO autrichien, ou encore les gouvernements tchèques, slovaques ou croates, sans omettre chez nous Marine Le Pen et le FN.

Comme je l’ai déjà écrit sur notre site il y a deux ans ici même, l’analyse succincte des forces politiques concernées dément la parole commune de Mélenchon et de Macron. Aussi désagréables que soient les responsables de ces formations politiques qui ont progressé dans une série de pays d’Europe, aussi peu fréquentables soient-ils, ils n’en sont pas pour autant les « fachos » ou « fascistes » dénoncés ici ou là. Répondent-ils en effet aux critères élémentaires du fascisme qui se respecte ? L’abolition de la démocratie ? C’est tout le contraire. Ils se réclament de la démocratie et jouent le jeu des institutions et des constitutions qui régissent leur nation. Le refus du suffrage universel ? Ils en tirent leur pouvoir. Un projet totalitaire ? En général -à l’exception de la Pologne- ils font d’excellents adeptes post-soixante huitards sur une série de faits de société érigés chez nous par les médias et les responsables politiques comme l’échelle de valeur de progressisme. Le responsable hollandais Théo Van Gogh par exemple était assassiné en 2004 par un islamiste car il dénonçait l’immigration musulmane au nom des droits des gays et des femmes ! La xénophobie ? Mais qu’ont-ils à envier à Macron ou Darmanin parlant des italiens, à Merkel évoquant les grecs, ou Mélenchon se lâchant sur les allemands ? Tout cela a d’autant moins de sens que les qualificatifs politiques ne sont utilisés que comme injure, et non pour ce qu’ils veulent dire. Nationaliste ? Ils sont en général assez pro-américain et participent à l’union européenne à laquelle ils reprochent, sans remettre leur appartenance en cause, une ligne trop fédérale et peu démocratique niant les nations, critique qu’il est difficile de ne pas partager. Le racisme enfin ? Sans doute le racisme est-il ce qui a le mieux résisté dans le temps de l’héritage historique propre à chaque nation. La question n’a pas grand chose de moral mais s’inscrit dans une réalité politique, économique et sociale. La destruction des nations sous le coup de la mondialisation que nos gouvernants approuvent et encouragent détruit les nations comme cadre de vie commune. L’immigration est saisie comme une nouvelle menace, agression génératrice de difficultés nouvelles pour les personnes ordinaires. La dernière proposition en date de Macron et consorts, accueillir les immigrés dont nous aurions besoin sur le marché du travail, donc une main d’oeuvre à moindre coût au profit des capitalistes, au détriment de fait des travailleurs installés en France possédant un statut, va générer de nouvelles tensions. L’opposition à l’immigration, que les bonnes consciences résument à l’opposition aux migrants, trouve des causes là aussi politiques, économiques et sociales.

La nature du lepénisme

Les propos de Macron, de Mélenchon et dans leur sillage des responsables de la gauche substituent un sentiment moral à une réalité politique. Le fascisme est une forme de domination du capital qui dans une situation extrême a besoin de détruire physiquement les organisations ouvrières, les syndicats, les associations, les partis, les militants. Lorsque la bourgeoisie ne parvient plus à désamorcer les contradictions explosives de la société, ce sont les bandes armées qui doivent assurer l’essentiel, la centralisation du pouvoir d’état, la destruction des conquêtes ouvrières, la liquidation des organisations ouvrières et démocratiques, l’anéantissement des syndicats, des associations, des partis.
Ici rien de cela. En France par exemple, le parti socialiste et François Hollande, à la suite de l’UMP et Sarkozy, et avant Macron et LREM, ont fait le boulot. L’indépendance des organisations syndicales vis à vis du capital et des gouvernements a été largement entamée par l’Union européenne, dont la confédération européenne des syndicats, à laquelle appartiennent CGT, CFDT, FO, … , est le bras armé dans le monde du travail. Point besoin de parti fasciste pour amoindrir le poids des syndicats. Le boulot est déjà fait.

Pour exister, pour durer, pour remplir son rôle, un mouvement fasciste doit de plus obtenir le soutien actif d’une partie significative du capital. Il lui faut avant de prendre le pouvoir avoir fait la preuve de l’utilisation de ses bandes armées, de ses milices organisées. Il faut à un mouvement fasciste avoir testé son efficacité dans des épreuves de force contre le monde salarié, contre le monde ouvrier. On voit bien que rien de cela ne permet les qualificatifs portés tant par Macron que par Mélenchon.

Le Rassemblement National bénéficie du rejet de la gauche dans le monde du travail. Ce ne sont pas les travailleurs qui ont tourné le dos à la gauche, mais la gauche qui par sa politique durant une trentaine d’années pour la dernière période a tourné le dos au monde du travail. C’est ainsi que le Rassemblement National est devenu électoralement le premier parti ouvrier du pays. Pour son organisation, pour ses militants, pour ses cercles structurés, il se rapproche plus de la conception insoumise d’un "parti gazeux" que d’un parti organisé comme un parti fasciste doit l’être pour assumer son rôle.

Le Rassemblement National promu au rang de premier parti d’opposition par les médias officiels n’est en réalité pas un parti d’opposition. C’est un parti de rechange.

La situation est bien paradoxale. Alors que nombreux dans le monde du travail y voient une porte de sortie « parce que lui, on ne l’a pas essayé », dans le processus de la lutte des classes, le rassemblement national se range du côté des capitalistes contre les travailleurs. La posture sur les retraites ne peut camoufler cette réalité.
(Sur toutes ces questions, "gauche", "droite", "LFI", "RN", "situation sociale", "crise politique"... on pourra se rendre sur ma chaine Youtube

Sur le plan économique il vit sur le flou pour tenter de ratisser large entre plusieurs clientèles qui lui donnent son poids électoral.

  • Sur le pouvoir d’achat il s’oppose à l’augmentation du SMIC, propose la baisse des cotisations sociales —c’est à dire la baisse du salaire différé, socialisé, vieux rêve des capitalistes— et l’encouragement à verser des primes au mérite, c’est à dire à la tête du client, objet de division du monde du travail…
  • Sur le chômage, Marine Le Pen se veut virulente : « Je suis opposée à la philosophie qui est la vôtre —dit-elle aux macronistes— vis à vis de l’indemnisation du chômage. Elle consiste à considérer que si les gens sont au chômage c’est en gros de leur faute… »

Le discours de Marine Le Pen est à prime abord un discours syndical de base des plus respectables. A prime abord seulement, car en même temps, elle propose d’amender la loi en disant : « si on vous propose un CDI à l’issue d’un CDD et que vous le refusez, vous êtes considéré comme démissionnaire, comme ayant choisi une démission qui ne vous ouvre pas droit aux allocations chômage. » Bref, si vous refusez de pérenniser votre embauche dans un boulot insupportable, un « boulot de forçat » ou encore « un boulot de merde » comme on dit communément, et bien fini le chômage….

D’autres exemples plus récent illustrent bien la nature du Rassemblement national.

  • Dans les raffineries Marine le Pen soutient dit-elle les revendications, mais condamne les grèves et approuve les réquisitions des salariés.

Le Rassemblement national est ainsi partisan de l’ordre, l’ordre social, contre toute manifestation qui remet en cause la propriété privée et sur le fond les privilèges des fortunés, en l’occurence des pétroliers.

Les exemples sont multiples et vont tous dans le même sens. Le site « Le média » en a fait un inventaire exhaustif.

Au parlement européen par exemple,

  • Le Rassemblement National vote contre la loi destinée à tenir pour responsables les multinationales en cas de violation de droits humains ou dommages environnementaux…

Les multinationales peuvent être reconnaissantes !

  • Concernant la levée de brevets sur les vaccins, le Rassemblement National vote également contre. La propriété intellectuelle de big Pharma dénoncée par les Gilets jaunes hier est bien protégée….

Là ce sont les grandes firmes pharmaceutiques qui peuvent être reconnaissantes.

  • Sur la défense des travailleurs ubérisés pour qu’ils bénéficient des mêmes protections sociales que les travailleurs sous contrat de travail, ils s’abstiennent…

Monsieur Uber est très reconnaissant…

Bref, pas besoin de diaboliser le rassemblement national en évoquant le fascisme pour ne pas adopter sa politique. Il est un parti de défense des capitalistes, comme l’est Renaissance de Macron et quelque autres.

La seule différence entre Macron et Le Pen réside dans la reconnaissance que porte le système, la 5e république, à l’un plus qu’à l’autre. Mais pour la politique, l’un et l’autre sont synonyme de défense des intérêts capitalistes contre les ouvriers et salariés…

On voit bien que la qualification de fascisme du Rassemblement National n’a pour seul objet et seul effet que la réélection de Macron, ou de tout autre candidat des capitalistes jugé respectable et fréquentable. Cela d’ailleurs au détriment d’une appréciation exacte de la politique de ces candidats, qui rappelle la formule de Pier Paolo Pasolini,« le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle anti-fascisme ». (In lettres luthériennes 1976)

La nature du macronisme

Le rappel des « lettres luthériennes » de Pasolini prend là toute son importance. Car s’il s’agit de parler de fascisme, n’est-ce pas sous la forme de l’anti-fascisme qu’il se manifeste ? N’est-ce pas celui qui le dénonce à cors et à cris, Emmanuel Macron en personne pour ses intérêts électoraux, qui en est le plus proche ?

Evidemment, parler de LREM d’hier ou « Renaissance » d’aujourd’hui comme de partis fascistes serait tout aussi ridicule que d’évoquer le Rassemblement National de la sorte. Mais à y regarder de plus près, Macron n’est-il pas porteur d’une politique qui s’assimile à une sorte de fascisme des temps nouveaux.

Le style de Macron vaut programme. Sa violence verbale, ses excès récurrents, sont synonymes de mépris et d’arrogance. Hors le caractère folklorique de certaines de ses sorties, pour les méthodes et le contenu, n’est-il pas en réalité porteur de la politique assimilée par la gauche au fascisme ?

Quelques questions contiennent en elles la réponse. Qui s’emploie à détruire minutieusement l’état social ? Qui use des méthodes répressives qu’on n’imaginait pas possibles jusque là ? Qui a fait tirer sur le peuple habillé en jaune ? Qui a donné l’ordre d’estropier, de mutiler, d’énucléer des centaines de Français ? Qui ? Sinon Macron lui-même !

Emmanuel Macron et son mouvement sont ultra minoritaires dans le pays. Macron repose sur une petite partie de la minorité du corps électoral qui se déplace toujours pour aller aux urnes et qui s’accommode fort bien de la politique qu’il met en oeuvre. Sa base considère que la mondialisation est synonyme de modernité, et n’a que faire des préoccupations sociales qui concernent la majorité du peuple français. Cette couche, faite de la bourgeoisie fortunée et petite bourgeoisie aisée issue en partie des rangs de gauche, préfère les questions sociétales aux réalités sociales dont elle se moque éperdument. Dés lors Macron a les mains libres pour utiliser à loisir l’arsenal de la Ve république, la constitution anti démocratique, et la force sans limite pour imposer au peuple sa volonté.

Il mêle dans l’exercice du pouvoir les ingrédients de la dictature, de la tyrannie, et du totalitarisme.

Le terme même de dictature remonte à la république romaine. En cas de crise sérieuse, de menace militaire sur Rome par exemple, un magistrat était investi de pouvoirs pratiquement absolu pour prendre les rênes de la cité, théoriquement pour une durée limitée, en principe six mois, avant de revenir à l’organisation normale des pouvoirs publics.
Pour ce qui concerne le caractère exceptionnellement anormal du régime, le pouvoir d’Emmanuel Macron coche toutes les cases. Il a mis en place un fonctionnement politique autoritaire où à l’occasion la marche habituelle de la république est suspendue, maintenant son pouvoir par l’exercice de la violence déchainée. Les épisodes qui font appel aux Gilets jaunes, ou encore à la période Covid, parlent d’eux-mêmes. L’épidémie a été l’occasion d’une législation d’exception. Les libertés ont été entravées, sur la base de déclarations aussi contradictoires qu’incompréhensibles.

La tyrannie est une forme de gouvernement non démocratique dans laquelle le pouvoir est détenu par une seule personne de manière despotique. Alors que l’exécutif est en principe là pour exécuter les décisions du législatif avec la justice comme troisième pouvoir susceptible de jouer un rôle de contrôle et d’équilibre, Emmanuel Macron donne ses ordres aux députés lorsqu’il ne nie pas purement et simplement la représentation nationale. La période récente sur la « loi retraite » est une bonne illustration du caractère tyrannique du pouvoir macronien.

Le totalitarisme permet à une pensée unique émanant d’un pouvoir tyrannique et dictatorial de tout contrôler et de régenter la vie des citoyens en accumulant des contraintes incessantes. Là encore le Covid a donné cours à une série impressionnante. Le rappel est tellement grotesque qu’on a pratiquement peine à croire la réalité vécue pourtant il y a peu de temps. Le droit de consommer debout et pas assis, la nécessité de se signer à soi-même des autorisations de sortie sous peine de contraventions, l’abandon organisée des vieux dans les « Ehpad », le licenciement de personnels non vaccinés, alors que la vaccination n’était pas obligatoire, les libertés piétinées, la déshumanisation organisée, autant de mesures qui n’avaient pour but que de soumettre toujours plus les citoyens au moyens de la double peur, du virus d’abord, et des mesures répressives d’état ensuite.

Avec la dictature, la tyrannie et le totalitarisme, avec un système de gouvernement qui privilégie un capitalisme de connivence, qui utilise à ses fins une pléiade de cabinets spécialisés et privés, qui planifie l’économie en vue de subventionner les grands capitalistes, avec un personnel au service de l’oligarchie qui détient dans ses mains pouvoir économique, politique et médiatique, qui exalte l’état policier comme source de l’ordre, nie les droits et les libertés fondamentales des individus, et fait de l’exécutif le maitre sans borne de la société, il est possible de quitter les fantasmes et rappels historiques inadaptées pour parler du fascisme actuel qui domine, le fascisme macronien, fascisme d’un type nouveau.

Conclusion provisoire

La condamnation politique de Marine Le Pen et du rassemblement national doit être sans équivoque, mais pour de bonnes raisons. Le fascisme historique que la gauche veut y voir pour légitimer son opposition n’est pas cohérent. Ce qui compte est la nature de sa politique, ni plus, ni moins. La rassemblement national est une organisation « gazeuse » qui aurait pu dans les années 1980 constituer « la droite » du RPR, qui n’a d’autre sens aujourd’hui que le maintien des Macron et consorts au pouvoir, et qui dans des circonstances politiques données pourrait constituer une solution de rechange pour les grands capitalistes.

Il est un leurre mis en place pour duper les couches populaires, les travailleurs. La manoeuvre a jusque là assez bien fonctionné avec la complicité d’une gauche tout juste bonne à agiter l’éventail.

En même temps, le soutien apporté à Macron est criminel. C’est lui qui à la tête de l’état porte les coups aux travailleurs dans tous les domaines. Il exerce le pouvoir d’une façon qui illustre à merveille la citation de Pier Paolo Pasolini rappelée précédemment, « le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle anti-fascisme ».

Dans leur propre logique, les responsables de gauche qui le soutiennent au nom du moindre mal préparent la catastrophe qu’ils disent vouloir combattre. Si demain Marine Le Pen accède au pouvoir, elle pourra bénéficier de tout ce que Macron, avec le soutien de la gauche, aura expérimenté, un exercice totalitaire, despotique, tyrannique, et dictatorial …

Jacques Cotta
le 24 mai 2023

Messages

  • Article et offre une analyse intéressante et judicieuse des relations politiques au sein de la 5e république.
    Celle-ci n’étant qu’une resucée de la 3ᵉ, affublées de la reconnaissance de ses chiens de garde que sont les appareils syndicaux dans un rôle d’administration parallèle à celle de l’État. Sans ces derniers, la bourgeoise aurait depuis longtemps jeté ses chiens féroces sur le prolétariat comme elle s’en est déjà montrée capable à de nombreuses reprises.
    Le fascisme a des couleurs différentes selon les pays dans lesquels il sévit. Les groupes fascistes recrutent leurs effectifs dans des milieux variés, surtout parmi la petite bourgeoisie ruinée et enragée par son sort, y inclus dans le prolétariat, notamment les travailleurs appauvris ou les plus pauvres, le lumpenprolétariat. Quand les contradictions sociales internes sont telles que le pouvoir est entravé, que la légalité est enrayée, que l’économie est perturbée, alors la bourgeoise fait surgir ces groupes combatifs, qu’elle paye et arme, les libère des retenues légales, les oblige à agir par tous les modes possibles du terrorisme, de destruction et de guerre pour engager et forcer le prolétariat dans la guerre civile. Le fascisme est l’état de guerre civile pour la bourgeoise. Il ne peut durer longtemps, car ce régime détruit la société, les biens, les marchandises, les humains, incluant la bourgeoisie. Un exemple s’offre à nos yeux actuellement.

  • Bonsoir
    si j’ai à cocher selon votre expression , les cases où je suis d’accord avec vous , j’en coche en effet pas mal .mais j’ai des désaccords. Je vous laisse les définitions de la tyrannie , de l’autocratie ou du totalitarisme qui caractérisent effectivement la plupart des comportements de Macron.
    Cependant je n’entend pas que la Nupes par exemple traite Macron de fasciste. Certains hurluberlus peut-être, ceux que vous appelez les anti-fascistes.
    Idem pour le rassemblement national. je souscris au titre que vous lui attribuez : "parti de rechange ". Du reste, même Jospin il ya des années décrivait le front national comme parti d’extrême droite et non comme parti fasciste.
    Cela dit je me méfie , de la part de Macron précisément, et en raison soit d’une espèce de confusion permanente chez lui soit d’une culture superficielle ou tout simplement de la malhonnêteté qui lui fait dire tout et son contraire... ou n’importe quoi.
    Bien sûr Macron n’est pas fasciste, quelques attitudes et quelques déclarations très appuyées sont là pour interdire tout amalgame éventuel, par exemple :
     les pantalonnades risibles de Macron avec des homos à l’Élysée...
     Ses propos réitérés sur "l’anti-sionisme forme moderne de l’antisémitisme" , cette dernière formule devant être aux yeux du bon peuple un rempart absolu contre tout rapprochement. En réalité, Macron n’ a visiblement rien à faire (j’y reviendrai) de l’antisémitisme, c’est juste un message à l’ami Netanyahou et au CRIF.
    Pourtant , à bien y regarder, en dehors d’un anti-racisme de façade, les objectifs ou les "leviers" d’action sont finalement les mêmes que ceux du fascisme, mais je ne sais pas si précisément à cause de cela on puisse parler de "fascisme d’un genre nouveau". D’accord, sauf erreur , il n’ya pas en France de milice, mais
     là où le fascisme hitlérien, pour prendre un exemple emblématique, interdit la liberté de la presse, le marcionisme dispose d’une presse aux ordres, un internet surveillé, des gens interdits d’antenne...
     alors que le capital allemand a soutenu et subventionné Hitler, le capital français(et européen) a fait élire Macron.
     Hitler a interdit les syndicats, c’est vrai, comme vous le dites, pas "besoin de parti fasciste pour amoindrir les syndicats", mais il n’empêche, Macron - Darmanin criminalise l’action syndicale et dispose de nombreux relais médiatiques pour cela.
     la gleichaltung (mise au pas) allemande s’est traduit en France par une violente répression des manifestations (gilets jaunes) . Et les violences policières sont niées par le gouvernement ; Elles ne semblent pas prêtes de s’arrêter.
     Partis et mouvements politiques ? c’est vrai, pas besoin de les interdire ! Mais je proteste , même si en effet on a vu à Marseille un réaction curieuse de Mélenchon vis à vis du président Macron (vous l’évoquez), Mélenchon a proposé un "programme de rupture", il aurait pu être au deuxième tour, et même en dépit de ses défauts et de la "légèreté" de cette rupture , c’est encore beaucoup trop pour le pouvoir , et on voit avec quelle férocité il est traité (le gouvernement, la presse) tandis que Roussel est promu personnalité de l’année, et courtisé même par Darmanin. C’est normal, le PC d’aujourd’hui ( et depuis longtemps ) n’est plus un contre-pouvoir pour le gouvernement qui n’ a rien à craindre du PS non plus.
     je ne vois pas bien quel parti Hitler pouvait favoriser en dehors du sien ( le zentrum peut-être et les nationalistes) mais aujourd’hui le RN , graduellement montant depuis 40 ans , maintenant record historique en nombre de députés tout de même , remplit bien son rôle d’aide à Macron. Vous avez bien décrit sa politique.

    Enfin, il ya qd même du souci à se faire lorsqu’on entend Macron minimiser, je dis bien minimiser, le rôle de Pétain pendant la seconde guerre mondiale, gommer son anti-sémitisme, mais rappeler qu’il fut un "grand soldat " ! ( Rappelons au passage que c’est factuellement faux, seul le mythe du "vainqueur de Verdun" existe ).
    Dans le même temps, des historiens comme O. Dard ( apprécié par l’action française semble-t-il) font une gentille biographie de Maurras en oubliant là aussi son antisémitisme...
    Durant son ascension politique, avant ses "pleins pouvoirs", Pétain avait dit qu’il fallait surveiller les instituteurs, l’école devant être l’antichambre de la caserne. Nous en avons un petit exemple avec le projet du SNU.
    Alors non, je ne crains pas Erdogan , ni Salvini ni l’actuelle Meloni
    mais bien plutôt tous ces bellicistes qui attisent la guerre, qui ne voient pas ou ne veulent pas voir les héritiers de Stepan Bandera à l’oeuvre et ici nos Pétain en puissance. Ou va la France ?

  • Mille merci pour cette très fine analyse du Macronisme et des errances de la gauche indécise…
    Juste un mot sur ce qui pourrait ressembler à une anecdote, mais qui ne l’est sans doute pas.
    Je n’ai pas le sentiment que grand monde ait beaucoup insisté sur la référence explicite de Macron au fameux « chevaucher le tigre ». Ce n’est pas une création poétique du chef de l’État, mais bel et bien le titre d’un ouvrage "anti-décivilisationnel" du néo-nazi Julius Evola, auteur d’une Synthèse de la doctrine de la race élaborée à la fin des années ’30, et qui travailla pour la SD (Sicherheitsdienst), les services secrets de la SS, fondés par Reinhardt Heydrich. En 1950, il proposera d’ailleurs de créer une communauté européenne modelée sur la Waffen-SS, contre l’idée d’un "fascisme national". Cet homme a toujours nié être un fasciste, mais simplement un "superfasciste"… (Voir sur le personnage, l’article https://it.wikipedia.org/wiki/Julius_Evola et la version française :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Julius_Evola
    (articles écrits par des évolien).

    Voilà pour les sources historiques (inconscientes ?) de la nouvelle mouture d’une vieille figure… On pourrait ajouter à cela le fumeux "concept" de "décivilisation"…

  • Si tous les régimes fascistes (Mussolini, Hitler, dans une moindre mesure Franco) ont été des dictatures, toutes les dictatures ne sont pas "fascistes" : quid de l’URSS de Staline ? des régimes militaires latino-américains ou africains ? des théocraties moyen-orientales ? Ou encore des états autoritaires asiatiques façon Singapour, le pays où tout ce qui n’est pas autorisé est interdit, les citoyens sont surveillés du soir au matin (et réciproquement) et où il y a certes des élections, obligatoires et avec un parti unique : pour le dépouillement du scrutin ça va plus vite...

    C’est plus vers ce modèle là, et celui de la Chine ex communiste, que tend l’évolution du régime chez nous, aidé en cela par une constitution obsolète, écrite par et pour un personnage historique (qu’on l’admire ou qu’on le déteste) dans un contexte de quasi guerre civile. Malgré les brevets "démocratiques" que s’auto-décerne le pouvoir, en sous-entendant lourdement que ses adversaires politiques, eux, ne le sont pas...y compris la "gauche" qui a appelé à voter pour lui. Bravo et encore merci !

    Le dictateur du futur (proche...) n’aura ni bottes, ni moustache ni casquette mais un costard des meilleurs tailleurs londoniens ou parisiens et le dernier I-phone greffé à l’oreille. Point de chars dans les rues, sinon rarement, mais un tas de zinzins électroniques et automatiques pour traquer le moindre mouvement suspect des citoyens, au nom de la "sécurité" et de "l’efficacité" devenues les valeurs suprêmes de la société. Il serait peut-être temps de s’en apercevoir et de tourner enfin la page des références sempiternelles aux années 1930...

  • Bonjour Jacques Cotta,

    C’est une analyse très pertinente, à mon sens. J’ajouterais bien quelques mots. Dimitrov et la IIIème internationale avaient défini des critères pour l’établissement et la définition du fascisme. Pour l’établissement : la crise aigüe du capitalisme, la menace révolutionnaire et la nécessité pour la classe dominante de contrôler tout dans l’Etat, y compris la propagande, afin de permettre la mise au pas et le coulage dans le moule. On voit bien que cela ne vaut pas aujourd’hui : il n’y a plus de menace révolutionnaire depuis 1991, et probablement même un peu avant, la crise devient de plus en plus le mode quotidien de gestion du capitalisme par les dirigeants des puissances impérialistes et leurs mandataires des multinationales, et nos dirigeants modernes, Macron le premier contrôlent déjà tous les leviers et notamment la Presse, les media, en tout cas l’essentiel. Et on a vu combien c’était efficace, question formatage, pendant la dictature sanitaire.
    Donc, il n’y a pas besoin du fascisme pour la Bourgeoisie actuelle, du moins au sens de celui des années 20/30/40.

    Pour ce qui est des critères définissant, il y avait les nervis briseurs de grève, le corporatisme en lieu et place des syndicats interdits, et le rôle important accordé à la petite bourgeoisie. Pour les nervis, vous en avez parlé, les briseurs de grèves ne sont pas du RN, mais de la police et de la justice, les "forces spéciales de répression", comme écrivait Lénine, qui agissent au nom de l’Etat comme les SA et les chemises noires. Pour les syndicats, vous l’avez aussi évoqué. La dernière fois qu’on a interdit les syndicats en France, c’était Pétain, donc le fascisme. La Bourgeoisie française des années 30 avait les yeux de Chimène pour l’Allemagne nazie en disant "Des syndicats compréhensifs, c’est bien, mais pas de syndicats du tout, c’est mieux". Macron fait finalement la même chose, à cette différence près que les syndicats sont tellement abattus et tellement intégrés qu’il n’a pas besoin de les interdire. Mais il les nie, et plus particulièrement les syndicats compréhensifs, voir la loi de transformation de la fonction publique ou son attitude pendant la lutte contre la réforme des retraites, il n’a jamais cherché à donner un os à Berger, il lui a marché dessus. Enfin, la petite bourgeoisie traditionnelle (petits possesseurs des moyens de production) a soutenu Hitler, Mussolini ou Salazar. Et les dirigeants des régimes fascistes étaient le plus souvent issus des couches moyennes, ce que Lénine appelait la petite bourgeoisie idéologique et Clouscard la petite bourgeoisie intellectuelle. Dans ce cadre, Macron coche les trois critères : les nervis, la destruction du syndicat et le soutien et la participation à la direction des affaires d’une importante partie de la petite Bourgeoisie intellectuelle. Ce qui est nouveau c’est que cette frange de la petite Bourgeoisie vient de la gauche et ressemble comme une soeur à celle qui vote à gauche.

    Je termine par une autre citation de Pasolini, qui correspond tout à fait à la situation. Comme membre de la CGT, je me coltine régulièrement la fixette sur le RN, principal ennemi des travailleurs, alors que c’est Macron. Je crois qu’elle est issue des "Ecrits corsaires" : "Depuis que la gauche a adopté l’économie de marché, il ne lui reste plus qu’une seule chose à faire pour garder sa posture de gauche : lutter contre un fascisme qui n’existe pas."

  • Pas un mot sur la xénophobie et le racisme du RN.
    Une absence grave qui met parterre l’argumentaire.

    • La xénophobie et le racisme s’expriment dans les textes, les prises de position. En quoi ce qui est dit au RN aujourd’hui est-il plus raciste ou xénophobe que ce qui est raconté chez les macronistes, ou qui est contenu dans la loi immigration de Macron ?
      De plus, entendons nous sur la signification des mots. Est-ce que demander le contrôle aux frontières, le droit pour l’état de dire qui il accueille ou refuse chez lui, est-ce raciste et xénophobe ?
      Est-ce que la prise en considération de notre république sociale qui serait mise à bas par une immigration sans limite -ce qui malheureusement est une réalité- serait preuve de racisme et xénophobie ?
      Evidemment dans mes questions j’élargis et ne me limite ni au RN, ni à la macronie...

  • On peut ajouter pour c qui ne serait toujours pas convaincus, que Meloni en Italie offre l’exemple de ce que serait un gouvernement rassemblement national, soumission à la Commission européenne, soumission à Washington et à l’OTAN.
    J.L.Mélenchon aurait gagné les présidentielles de 2022 s’il était resté sur la ligne ce 2017, souveraineté nationale, sortie de l’OTAN, contestation des dikats de Bruxelles.
    Le social réuni, le sociétal divise, comment peut on imaginer faire une majorité avec les LGBTI+ et la tolérance d’un islamisme militant ?

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