Le 1er mai 2024 sera comme ses précédents —à l’exception de 2023 avec l’opposition à la réforme des retraites— divisé et déserté. Pourtant, sans que nul n’en parle, des conflits existent dans le pays avec une série de grèves dans des entreprises où les emplois sont menacés et les salaires bloqués. La politique gouvernementale dans les domaines centraux du chômage, de la protection sociale, de la santé, de l’éducation, des libertés en général, dont la liberté d’expression, justifierait une mobilisation unie et déterminée, mais il n’en n’est rien.
Ce 1er mai ne mériterait donc qu’une attention passagère. Pourtant une position lui donne une connotation particulière, pleine de signification. Sans surprise, il s’agit de la CFDT qui exprime tout haut ce que nombreux pensent sans le dire aujourd’hui ouvertement. Elle choisit de mettre en avant la revendication d’une « Europe plus ambitieuse pour les travailleurs et les travailleuses ».
Il faudrait donc que les travailleurs se rassemblent et manifestent pour demander un renforcement de l’Europe, cadre politique qui se trouve entre autre au point de départ des attaques sociales qui pèsent sur les citoyens, salariés, ouvriers, retraités, jeunes et qui menace les nations dans leur existence. Un comble !
Il devient répétitif de rappeler que l’ensemble des revendications qui concernent l’austérité, la vie chère, l’emploi, le salaire, les services publics, la possibilité de se soigner, de s’éduquer, de se loger, de se nourrir correctement, la possibilité de vivre décemment tout simplement pour des millions et millions de français, se heurtent à l’Union européenne, dont les positions sur la guerre sont un excellent et tragique révélateur. Sous l’impulsion de Macron, l’Union européenne s’affirme toujours plus comme l’auxiliaire zélé de l’OTAN et débloque des milliards pour l’Ukraine notamment, qui permettent de faire fructifier l’économie d’armement au détriment des besoins urgents et vitaux des citoyens.
L’Europe qu’il faudrait donc « renforcer » selon la CFDT est celle qui prévoit de supprimer le droit de véto des nations sur les questions essentielles qui déterminent leur existence, et donc de liquider définitivement la souveraineté sans laquelle nul ne pourra plus décider de son propre destin.
Il y a là la cohérence d’Emmanuel Macron qui se verrait sans doute bien en « président de l’Europe » et qui pour cela appelle de ses voeux la liquidation des nations et la suppression des souverainetés nationales au profit d’une soit disant « souveraineté européenne » dont il se réclame ouvertement, et qui ne pourrait que signifier le pouvoir établi, institutionnalisé du capital financier et de ses laqués dont il serait un des principaux représentants au sommet des institutions européennes.
La CFDT poursuit et annonce le programme. Elle souligne dans la bouche de Béatrice Lestic, responsable en charge de « cette journée des travailleurs » et des questions internationales à la CFDT, « le risque de l’extrême droite au pouvoir, et l’importance de la démocratie ».
Le refrain a un air de déjà entendu. Il exprime la ligne sur laquelle surnage depuis le début Emmanuel Macron, à l’instar de ses prédécesseurs, qui agite le « danger totalitaire » ou encore « le risque fasciste » pour incarner le « sauvetage démocratique ». Mais si la ficelle bien qu’assez grosse a fonctionné dans les élections précédentes, elle risque fort ce coup ci, malgré l’aide général dont pourra bénéficier Macron, de faire défaut.
Nul n’est dupe. La faible participation à ce 1er mai 2024 ne peut cacher les mouvement profonds qui agitent la société. Macron et ses conseillers élyséens sont inquiets, et ils ont sans doute raison.
Pour les revendications immédiates qui mettent en cause la politique gouvernementale et patronale, comme pour les revendications internationales marquées par l’opposition à la guerre et aux « efforts » et sacrifices forcés effectués au détriment des intérêts des peuples, l’opposition à Macron, à son gouvernement, et à l’Union européenne, au grand dam de la CFDT et de quelques autres, risquent bien de ne faire qu’un…
Jacques Cotta
Le 1er mai 2024