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Pogrom à Jit

dimanche 18 août 2024, par Denis COLLIN

Des colons israéliens s’en sont pris à une communauté palestinienne du village de Jit dans ce qu’il faut bien appeler un pogrom. Un mort et un blessé grave par balles, des blessés, des destructions. Ce n’est pas le premier cas du genre. Mais là, un pas a été franchi.

« Il s’agit d’une minorité extrémiste qui porte préjudice à la population des colons respectueux des lois, à la colonisation dans son ensemble, et à [la réputation] d’Israël dans le monde, pendant une période particulièrement sensible et difficile », a réagi le président d’Israël, Isaac Herzog. « Les forces de l’ordre doivent agir immédiatement contre ce phénomène grave et traduire les contrevenants en justice », a ajouté le président.

La situation est gravissime et la réaction du président Herzog en donne toute la mesure. Herzog ne met pas en cause la colonisation des territoires palestiniens occupés, mais il doit bien constater que les actions des ultras sont en train de miner le crédit international d’Israël. On ne peut s’empêcher de penser que Herzog a aussi en tête l’interminable opération de représailles sur Gaza… Un dirigeant ultra israélien trouve normal et « moral » d’affamer les deux millions d’habitants de Gaza. Il aurait voulu donner des arguments solides à tous ceux qui dénoncent Israël comme État génocidaire, il ne s’y serait pas pris autrement.

Je ne discute pas une minute le droit de l’État d’Israël à défendre son existence. Je n’ai absolument rien contre les opérations pour en finir avec le Hamas — ce groupe, comme ses « cousins » de Daesh, AQMI, et tutti quanti fait partie des grandes calamités mondiales. Mais cela ne donne pas tous les droits !

Le droit d’Israël s’exerce dans les frontières reconnues de 1948 et normalement pas au-delà. Je sais bien que les frontières ne sont pas intangibles et qu’en matière de droit international c’est bien souvent la force qui fait le droit. Mais pas plus d’un autre État, Israël ne peut revendiquer une expansion illimitée, le « Grand Israël ». Si encore Israël se contentait d’annexer politiquement les territoires occupés, mais il s’agit d’autre chose : les ultras qui forment l’ossature du gouvernement Netanyahou veulent l’expulsion des Palestiniens et accaparent leurs terres. À cela, il ne peut y avoir aucune justification politique ou morale.

Israël a le droit de se défendre, mais pas par tous les moyens. On me dira que la fin justifie les moyens. Certes, mais à condition que les moyens ne ruinent pas la fin poursuivie. Le précédent de la Deuxième Guerre mondiale devrait nous servir de leçon. Généralement, les Alliés (URSS comprise) se sont refusés à appliquer aux Allemands les traitements que la Wehrmacht et la SS avaient fait subir aux populations occupées. Même si on peut questionner les bombardements massifs, le comportement des troupes russes en Pologne et en Allemagne ou encore les bombes atomiques sur le Japon. L’historien dira : les choses se sont passées ainsi, mais le politique ou le moraliste n’en déduira pas que ces faits donnent un droit. On peut comprendre que les victimes fassent d’excellents bourreaux, mais ce n’est pas moralement admissible.

On doit d’autant plus questionner la politique israélienne que le Hamas est en partie une créature israélienne et singulièrement des manœuvres tordues de l’actuel Premier ministre et que la question reste suspendue des raisons qui font que les services de l’État hébreu, généralement très efficaces, n’ont rien vu venir avant le 7 octobre. Si Netanyahou avait voulu monter une provocation pour lui donner les mains libres ?

Le plus grave peut-être est que l’abaissement moral et l’affaiblissement d’Israël découleront de cette situation. Les USA n’assureront pas toujours la sécurité d’Israël et si leurs intérêts le commandent ils laisseront tomber les Israéliens comme ils ont déjà abandonné un grand nombre de leurs alliés. Et alors les 8 millions de Juifs perdus au millier 200 ou 300 millions d’Arabes musulmans ne feront pas le poids. De nombreux Israéliens en sont conscients et certains commencent à émigrer, à trouver des points de chute ailleurs.

Denis Collin – 18 août 2024