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Capitalisons l’expérience révolutionnaire

mardi 22 octobre 2024, par Jean-Michel TOULOUSE

Stathis Kouvélakis dans un de ses ouvrages, déplorait à juste titre l’incapacité des classes exploitées à capitaliser leurs expériences et évènements révolutionnaires tout au long de leur histoire.
Force est de constater qu’il avait bien raison et que ce manque persiste encore .
Cette incapacité peut s’observer dans tous les pays et toute l’histoire des peuples. La délibération publique et organisée de la démocratie grecque des Ve et IVe siècles avant notre ère, les harangues sur le comitium romain sous la république, les débats des assemblées villageoises paysannes de la chute de l’empire romain jusqu’aux grandes Jacqueries, les débats des assemblées primaires de 1791 au coup d’Etat de Bonaparte en 1799, les joutes de banquets et les disputes des Ateliers nationaux en 1848, les concertations des Comités et assemblées d’arrondissements sous la Commune de Paris, les débats des Conseils ouvriers du XXe siècle partout ou presque en Europe, les mouvements sociaux depuis 1968 jusqu’aux Gilets Jaunes ... tout cela-et on pourrait dire la meme chose dans tous les pays-a été passé par pertes et profits ! Le meme oubli des avantages acquis par la lutte et des méthodes de combat chèrement testées, le meme oubli de la formation sur le tas, la meme disparition du niveau de politisation « gagné » (comme dirait Rimbaud), la meme disparition de tout le travail associatif de contre-société, caractérisent le diagnostic que l’on peut faire de la situation actuelle. Et ceci sur tous les continents .

Naturellement cette réalité doit etre analysée, et on ne voit pas que cela soucie énormément nos organisations syndicales et politiques . On ne peut s’empécher de faire un rapprochement entre ce qui se passe dans les hopitaux psychiatriques pour beaucoup de malades : au lieu de s’armer pour sortir de l’hopital et affronter la vie réelle, ces malades « s’institutionnalisent », c’est à dire s’habituent à leur condition et adoptent consciemment ou inconsciemment les règles et habitus des l’établissements, ce qui les immunise de la volonté meme d’en sortir.
Pour les syndicats, il y a lieu d’analyser les constats de Stéphane Sirot : tous -y compris la direction confédérale de la CGT- ont adopté le langage patronal (On parle de « partenaires sociaux », de « dialogue social », de « négociations salariales », de « création d emplois » par les seules entreprises, de « création de valeur » par le seul capital !). Tous considèrent le système capitaliste comme naturel et éternel, au point que la CGT a supprimé de ses statuts l’abolition du salariat ! Tous adhèrent à la CES (Confédération « européenne » des Syndicats) dont on sait qu’elle n’est que la courroie de transmission de l’UE . Tous s’inscrivent dans la société bourgeoise alors qu’ils devraient la combattre impitoyablement !
Du coté des partis politiques, ce n’est pas mieux : meme le PCF n’a aucune intention de sortir de l’UE et de l’euro, allant jusqu’à croire en un « euro coopératif » et en une « Europe sociale » …
Tous les partis politiques du RN jusqu’à la « gauche » n’ont qu’une stratégie : accéder au pouvoir sous le capitalisme, et surtout n’en rien changer. Aucun d’entre eux ne propose quoi que ce soit sur « l’entreprise », l’entreprise capitaliste bien sur, considérée comme un modèle a-historique ! Au lieu de dénoncer la société bourgeoise et son idéologie de « l’individualisme méthodologique », ils s’inscrivent dans la course aux places et aux postes, et n’appréhendent la lutte politique que sous la seule forme des « élections » dans le système politique que l’adversaire de classe a exclusivement concocté pour protéger ses intérets et privilèges et interdire tout changement. On a vu avec quel empressement , meme les prétendus « souverainistes » se sont précipités pour présenter « leur » liste aux dernières « élections européennes », trente-huit listes au total, pas une de moins !

Le vaillant combat des anarcho-syndicalistes , des Pouget-Griffuelhes-Pelloutier auxquels on doit une CGT ouvrière et combative, les Bourses du travail et la conception de la grève avec occupation comme outil de combat, la volonté farouche de créer une contre-société à rebours de toutes les « valeurs » bourgeoises... tous ces conquis ont été oubliés, dissimulés,scotomisés, dénigrés voire sabotés.
Aucun syndicat ni parti n’est capable de comprendre que « l’UE » n’est qu’une machine de guerre contre les classes travailleuses et contre la souveraineté populaire. Aucun n’a compris que c’est l’instrument des multinationales financiarisées pour en finir avec l’Etat social.Tous les anciens leaders syndicaux ou politiques -de droite et de « gauche » -finissent dans les fourgons de l’UE, de la CES ou autre satellite ou « ONG » controlé par le Capital.
Aucun n’a véritablement compris comment le capitalisme néolibéral mondialisé et financiarisé concoit l’Etat « moderne » : exclusivement non interventionniste, non planificateur, dérégulateur, destructeur des conquètes sociales et politiques, exclusivement chargé de réprimer les mouvements sociaux et de conditionner idéologiquement les peuples par des mass-médias aux ordres, un Etat « régalien » donc, selon l’euphémisme utilisé par les « élites » bourgeoises . Tous sont prets a bétifier devant « le saut fédéral européen ».
Les prétendus « trotskistes »- que Trotsky lui-meme démentirait aujourd’hui- ne comprennent pas que le Capital se combat d’abord au niveau national et que cela n’empèche en rien l’internationalisme !
Comment alors mettre fin à cet « éternel recommencement », comme si à chaque conflit le mouvement ouvrier et les travailleurs en général- manuels ou intellectuels- devaient réapprendre la totalité du chemin et aller chercher à chaque fois en bas de la pente le rocher qu’ils ont monté à son sommet avec tant de peines, de sacrifices et d’efforts ?
Il n’y a pas de réponse miraculeuse à cette question. Il n’y en a qu’une, marquée au coin de la douleur, de la volonté, de la détermination, de la constance, de la conséquence : c’est le travail de fond politique, syndical, associatif, idéologique dans les profondeurs du peuple pour déconstruire les pièges conceptuels tendus par la bourgeoisie, le patronat et leur Etat, par toutes leurs « constructions » artificielles mises en place pour tenir en lisière les peuples.
Il s’agit-là d’un travail de moyen et long termes car il inclut non seulement le combat contre l’adversaire direct de classe-la bourgeoisie compradorisée- mais aussi contre ses auxiliaires qui ont réussi à s’emparer de certaines des centrales syndicales et de certains des partis politiques de »gauche » ; chacun les reconnaitra car ils bloquent le renversement du système établi depuis deux cent trente ans, très exactement depuis le 9 thermidor An II, le 27 juillet 1794 ! Notre pays a connu tous les régimes, mais la bourgeoisie a toujours réussi à se maintenir au pouvoir, que ce soit sous le Directoire, le Consulat, l’Empire, la restauration, la monarchie « constitutionnelle », le fascisme pétainiste ou les quatre dernières « républiques » !
Il est grand temps que le peuple francais règle ses comptes sous peine de devoir subir pire que ce qu’il a du subir pendant toute cette pèriode .
Il est grand temps que le « prolétariat » de notre temps (ouvriers, employés, cadres, techniciens, fonctionnaires, petits paysans producteurs, dirigeants de TPE, ingénieurs, chercheurs , artisans et commercants qui n’ont pas partie liée avec le capital) se donne des organisations dignes des taches qui l’attendent, et qui soient capables de capitaliser le savoir et l’expèrience des luttes et les transforment en tactiques et stratégies de combat !
Il est temps -comme le disait Lénine- que le peuple revétisse une « chemise propre » et se débarrasse des vieilles peaux corrompues et des collabos de toutes espèces.

Et cette « chemise propre » ne sortira que de ses propres mains !

Jean-Michel Toulouse
17 octobre 2024

Messages

  • La discussion à laquelle invite Jean-Michel Toulouse ouvre quelques pistes de réflexion qui dans la période présente revêtent une grande importance.

    A juste titre il souligne « l’incapacité des classes exploitées à capitaliser leurs expériences et évènements révolutionnaires tout au long de leur histoire ».

    Mais la possibilité pour les classes exploitées de capitaliser « leurs expériences et évènements révolutionnaires » nécessite un outil qui dans l’histoire se nomme un parti. Et ce ne sont pas les classes exploitées qui font défaut, mais leurs prétendues représentations. A chaque étape les "classes exploitées" tentent de repartir au niveau antérieur le plus élevé de leur mobilisation. Mais ce sont à chaque fois les organisations qui parlent en leur nom, syndicales ou politiques, qui se mettent en travers et dénaturent le sens réel du mouvement qui est engagé.

    Dans ses réflexions, Jean-Michel Toulouse souligne fort justement « le même oubli des avantages acquis par la lutte et des méthodes de combat chèrement testées, le même oubli de la formation sur le tas, la même disparition du niveau de politisation « gagné » (comme dirait Rimbaud), la même disparition de tout le travail associatif de contre-société, caractérisent le diagnostic que l’on peut faire de la situation actuelle. Et ceci sur tous les continents ».

    Cela nous ramène à la question précédente. Pour ne pas sombrer dans l’oubli, il faut travailler une mémoire, s’en revendiquer, la transmettre. Et nous devons constater que nul ne s’y est employé. C’est bien l’abandon de la classe ouvrière et de ses alliés dans la lutte des classes par les organisations qui parlent en son nom qui permet de comprendre cette situation. Les partis politiques sans exception dans l’histoire, des partis sociaux-démocrates aux partis staliniens, du PS au PCF sans oublier LFI aujourd’hui, en passant par les organisations dites d’extrême gauche, ont sombré dans les délires « woke » et préfèrent vanter les minorités dans les mouvement sociétaux que la classe ouvrière, les salariés, etc… dans les mouvements sociaux.
    Le fil qui nous relie aux enseignements du passé est de plus en plus ténu et éviter qu’il ne soit rompu est un des enjeux de la période présente.

    Il est temps de revêtir une « chemise propre » pour reprendre comme le fait Jean-Michel Toulouse la parole de Lénine. Pour cela, il faut que chacun apporte ce qu’il a de meilleur, laissant de côté les égos qui sont un obstacle à la libre discussion nécessaire. La discussion devrait porter sur le programme et sur les modes d’organisations qui permettraient de s’en saisir. C’est ce que nous tentons d’aborder sur notre site où on trouvera une série de papiers, dont dernièrement « pour regagner l’électorat RN, justice sociale, morale et décence commune », qui s’inscrivent dans cette discussion…

  • Bonjour à tous. Entièrement d’accord avec Jacques. On observe par ailleurs que la bourgeoisie -elle- sait parfaitement capitaliser son expérience de répression et de manipulation des classes exploitées ! Elle ne repart jamais de zéro !
    On ne résout pas un problème avec les instruments qui l’ont créé (disait Einstein)... Il faut nous donner "une chemise propre" ! Jm Toulouse

  • Si "l’état des lieux" est assez bien dépeint, il manque, me semble-t-il, une donnée déterminante pour comprendre la soumission idéologique des directions politiques et syndicales -CGT et PC-, autrefois outils de défense des travailleurs : partis et syndicats sont financés par les institutions nationales et européennes. Si, de plus, on réduit la notion de démocratie au "droit de voter" ...on ne risque pas de voir très loin dans un avenir transformé (même le programme du CNR n’est à l’ordre du jour d’aucun parti ou mouvement prétendant viser le pouvoir , tel le "nouveau front populaire" ...!) .

    Quant aux trotskystes, on peut rester surpris que leur ...dialectique n’ait pas encore mis en évidence qu’il ne saurait y avoir aucun inter-nationalisme...sans nation ! Ils continuent souvent à considérer que c’est la notion de nation qui serait cause première des guerres. Curieuse analyse matérialiste...estompant un peu les vrais fauteurs de guerre.
    Méc-créant.
    (Blog : "Immondialisation : peuples en solde !")

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