Les leçons des élections américaines qui donnent la majorité de délégués aux républicains, ce qui assure donc l’accession de Trump à la tête des Etats-Unis, alors que la totalité du scrutin n’est pas encore dépouillé, ne peuvent être que générales. Mais elles sont d’autant plus importantes que déjà se dessinent pour l’avenir quelques tendances qui n’intéressent pas seulement les américains, mais qui nous concernent directement.
Alors que les « belles gens », aux USA et ailleurs, en France notamment, réduisaient le scrutin américain à l’opposition entre le bien, évidemment « démocrate », et le mal, comme de bien entendu « républicain », les voilà tous se réveillant avec la gueule de bois. Ils ont une mine d’autant plus déconfite qu’ils n’ont pas compris grand chose à l’affrontement électoral outre-atlantique. Une fois encore instituts de sondages, grands médias et éditorialistes en sont pour leurs frais.
Même si cela va sans dire, je précise qu’il ne s’agit pas ici de privilégier l’un ou l’autre des adversaires, de faire un choix à distance, alors que chacun à sa façon est un fervent défenseur du capitalisme, de l’exploitation, de l’oppression de millions d’individus. La seule question à ce stade qui mérite notre attention est de savoir pour quelles raisons les électeurs ont fait ce choix qui, si on en croit les tenants de la gauche comme de la droite, au niveau international comme en France, de Barnier à Mélenchon en passant par Macron, Faure et les autres, est le plus mauvais qui pouvait être fait.
- La partie du corps électoral qui a voté Trump est loin de se réduire à des américains rétrogrades qui comme l’indiquent quelques commentateurs bienpensants refuseraient la modernité.
Les vieilles accusations aussi inopérantes qu’erronées du type « nationalistes » ou « fascistes » formulées aujourd’hui contre les américains qui ont voté Trump, comme hier contre les Français qui votaient Le Pen, n’expliquent rien. Elles permettent juste de ne pas poser les questions politiques. Plus, elles ne permettent pas de comprendre les raisons pour lesquelles des états tels le Wisconsin ou la Pennsylvanie dévastés par la crise économique depuis la crise financière de 2008, où le chômage a explosé, où des quartiers entiers sont laissés à l’abandon, ont voté Trump. Le « racisme » appelé à la rescousse pour tenter de trouver une explication -même si une part des électeurs est motivée par un réflexe anti-noirs, anti-mexicains, ou autre- ne permet pas plus de comprendre.
Et l’évocation des milliardaires donnant une force irrésistible à Trump n’est pas plus satisfaisante. Selon le journal Forbes en effet, si 51 milliardaires ont soutenu financièrement le candidat républicain dont Elon Musk et beaucoup d’autres dans la finance, Kamala Harris fait mieux avec 81 milliardaires derrière elle dont Michael Bloomberg, de l’agence du même nom, le patron de LinkedIn ou encore Steven Spielberg.
En réalité, c’est à Biden et aux démocrates au pouvoir durant les dernières années tout autant qu’à sa campagne que Trump doit en partie son succès.
Donald Trump a parlé aux américains à travers des thèmes de campagne qui ont fait mouche : le combat contre l’inflation,le combat pour le pouvoir d’achat, le combat contre l’immigration irrégulière, le combat pour la sécurité, sans oublier le combat pour la paix, pour cesser l’aide militaire et financière à l’Ukraine, ce qui tranche avec la position de l’administration démocrate jusque là au pouvoir, ce qui tranche aussi avec l’ensemble des forces politiques de notre pays qui à l’assemblée nationale comme au parlement européen votent dans un même élan des milliards d’aide à Kiev au profit de l’industrie d’armement. Pour l’électorat juif, il a affirmé son soutien à Israel et à son "ami Netanyahou" tout en déclarant qu’il mettrait fin à la guerre au moyen orient, comme en Ukraine.
- Kamala Harris, loin de développer un programme a consacré l’essentiel de son énergie aux minorités à la mode woke et a fait campagne contre Trump,
Elle a ainsi évité les sujets de fond qui pourtant sont ceux qui intéressent les américains, relativisant dans sa campagne l’obamacare par exemple ou encore le prétendu clivage démocrate-républicain sur les armes, qui se révèle bien artificiel…
La seule différence entre la candidate démocrate américaine battue et la gauche française, notamment sur le néo-féminisme revendiqué, est à sa décharge. Aux USA la question de l’avortement est bien réelle dans plusieurs états, alors qu’en France depuis l’adoption de la loi Veil, nul ne propose de la remettre en cause.
La campagne de Kamela Harris est une défaite révélatrice du wokisme. Les minorités que les démocrates croyaient acquises ont partagé leur vote avec les républicains, une grande partie se montrant plus concernée par les questions économiques et sociales que par les sujets identitaires ou communautaires. La politique woke a échoué dans sa tentative de substituer aux classes sociales les minorités de genre, « racisées », « post-coloniales », « religieuses », de pratiques sexuelles, LGBTQ +++, les noirs, les mexicains, les femmes, et autres...
En France les réactions n’ont pas manqué. Celle de Jean Luc Mélenchon ou de Manuel Bompart méritent attention. Pour le premier, « Quand il n’y a plus de gauche, il n’y a pas de limite à droite. Quand il n’y a pas de bataille de programme, l’élection devient un casting. La victoire de Trump est la conséquence imparable de cette situation. » Et pour son second, « On ne bat pas l’extrême droite réactionnaire sans un projet alternatif clair. »
Mais que reprochent-ils exactement aux démocrates qui ont développé le programme de la gauche française, leur programme, à la sauce américaine ?
Ces élections américaines, enfin font apparaitre que le capitalisme atteint aux USA un degré de décomposition politique et morale qu’il était difficile d’apprécier à ce point.
> Le vainqueur a joué gros. Pour Trump en effet, c’était soit la maison blanche, le bureau oval, soit la case prison. L’homme est en effet poursuivi pour plusieurs chefs d’inculpation, et son élection lui offre un sursis salutaire.
> Son opposante démocrate, Kamela Harris, a pris la relève d’un Biden gâteux, incapable d’assurer trois mots, pourtant pressenti pour continuer à porter les couleurs de son camp.
Entre un repris de justice, un gâteux et sa doublure, quels représentants, quel combat de titans !
Dans ce marasme général, la grève menée par des dizaines de milliers d’ouvriers de l’automobile durant six semaines il y a un an, faisant partiellement céder les trois principaux constructeurs états-uniens, les « Big Three », que sont General Motors, Ford, et Stellantis, pour l’augmentation des salaires, demeure une lueur d’espoir, à la hauteur de l’inquiétude qu’elle a suscitée chez les représentants des deux camps, démocrates et républicains, officiellement opposés. Dernièrement ce sont les dockers américains qui faisaient céder les employeurs, obtenant une augmentation de plus de 60% sur six ans, ravivant la lutte des classes sous un jour nouveau. Une série d’autres conflits sont aujourd’hui en cours.
Lorsque la vie reprend le dessus…
Jacques Cotta
Le 6 novembre 2024
Messages
1. Après l’Election de Trump, premières leçons…, 7 novembre, 08:14, par Cording1
Pour les états cités et bien d’autres la crise est antérieure à 2008 mais date de la desindustrialisation à partir des choix économiques de mondialisation et globalisation choisis et mis en œuvre par l’administration Clinton.
2. Après l’Election de Trump, premières leçons…, 7 novembre, 09:08, par VINCENT
Merci
Une analyse qui tranche avec le flot continu de poncifs qui ont précédé et qui suivent ces élections dont le résultat aurait dû nous être présenté avant tout comme bien prévisible si nos médias qu’ils soient dits du service public ou propriété des milliardaires faisaient leur job.
Fait occulté et frappant : le désintérêt massif des électeurs US pour ces élections où le choix offert était bien entre deux politiques toutes deux au service des mêmes intérêts et en conséquence logiquement la participation a été d’à peine de plus de 1 électeur sur 2 !!
3. Après l’Election de Trump, premières leçons…, 7 novembre, 10:23, par RV
pour info
Actualités : Déclaration de Sanders sur le résultat de l’élection présidentielle de 2024
6 novembre 2024
BURLINGTON, Vt. Le sénateur Bernie Sanders (I-Vt.) a publié aujourd’hui la déclaration suivante en réponse au résultat de l’élection présidentielle de 2024 :
Il ne faut pas s’étonner que le Parti démocrate, qui a abandonné la classe ouvrière, se rende compte que la classe ouvrière l’a abandonné. D’abord, c’était la classe ouvrière blanche, et maintenant ce sont aussi les travailleurs latinos et noirs. Alors que les dirigeants démocrates défendent le statu quo, le peuple américain est en colère et veut du changement. Et ils ont raison.
Aujourd’hui, alors que les très riches se portent à merveille, 60 % des Américains vivent au jour le jour et l’inégalité des revenus et des richesses n’a jamais été aussi grande. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les salaires hebdomadaires réels, tenant compte de l’inflation, du travailleur américain moyen sont aujourd’hui inférieurs à ce qu’ils étaient il y a 50 ans.
Aujourd’hui, malgré l’explosion des technologies et de la productivité des travailleurs, de nombreux jeunes auront un niveau de vie inférieur à celui de leurs parents. Et nombre d’entre eux craignent que l’intelligence artificielle et la robotique n’aggravent encore la situation.
Aujourd’hui, bien que nous dépensions beaucoup plus par habitant que d’autres pays, nous restons la seule nation riche à ne pas garantir les soins de santé à tous en tant que droit de l’homme et nous payons, de loin, les prix les plus élevés au monde pour les médicaments délivrés sur ordonnance. Nous sommes les seuls, parmi les grands pays, à ne même pas pouvoir garantir aux salariés des congés familiaux et médicaux.
Aujourd’hui, bien que nous dépensions beaucoup plus par habitant que d’autres pays, nous restons la seule nation riche à ne pas garantir les soins de santé à tous en tant que droit de l’homme et nous payons, de loin, les prix les plus élevés au monde pour les médicaments délivrés sur ordonnance. Nous sommes les seuls, parmi les grands pays, à ne même pas pouvoir garantir aux salariés des congés familiaux et médicaux.
Aujourd’hui, malgré la forte opposition d’une majorité d’Américains, nous continuons à dépenser des milliards pour financer la guerre totale du gouvernement extrémiste de Netanyahu contre le peuple palestinien, qui a conduit à l’horrible catastrophe humanitaire de la malnutrition de masse et de la famine de milliers d’enfants.
Les grands intérêts financiers et les consultants bien payés qui contrôlent le parti démocrate tireront-ils de véritables leçons de cette campagne désastreuse ? Comprendront-ils la douleur et l’aliénation politique que vivent des dizaines de millions d’Américains ? Ont-ils des idées sur la manière dont nous pouvons nous attaquer à l’oligarchie de plus en plus puissante qui détient tant de pouvoir économique et politique ? Probablement pas.
Dans les semaines et les mois à venir, ceux d’entre nous qui se préoccupent de la démocratie de base et de la justice économique devront avoir des discussions politiques très sérieuses.
Restez à l’écoute.
https://x.com/BernieSanders/status/1854271157135941698
4. Après l’Election de Trump, premières leçons…, 7 novembre, 17:55, par Jacques COTTA
Excellente réaction de Sanders qui concerne le parti démocrate aux USA et qui pourrait s’appliquer en tout point à la prétendue "gauche" française...
5. Après l’Election de Trump, premières leçons…, 8 novembre, 18:28, par RV
Je partage !
https://www.pauljorion.com/blog/2024/11/08/la-tribune-paul-jorion-le-vote-trump-est-lexpression-dune-colere-le-8-novembre-2024/
La Tribune – Paul Jorion : « Le vote Trump est l’expression d’une colère »
Eric Benhamou – 08 Nov 2024 – ENTRETIEN
Anthropologue et essayiste, Paul Jorion décrypte les États-Unis depuis la crise financière de 2007 qu’il a vécue de l’intérieur en tant que banquier en Californie.
6. Après l’Election de Trump, premières leçons…, 11 novembre, 17:31, par Toulouse jmichel
Ce message de Bernie Sanders est trés opportun. Il dit qu’il faut que les démocrates "discutent" ! Mais il n’est plus utile de "discuter" ! Il faut qu’il y ait une scission de ce parti de collaboration de classe et qu’un véritable parti communiste américain soir créé et/ou renforcé. Sinon, la prochaine "convention" de ce parti "démocrate" verra une autre Kamala Harris ou un autre Obama etre élues ! Jm Toulouse