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L’affaire Andrea Kotarac, membre de la FI qui appelle à voter RN…

lundi 20 mai 2019, par Jacques COTTA

Responsabilité individuelle ou bien plutôt collective ? Comment et pourquoi un membre de la FI peut appeler à voter RN ?

L’ « affaire » Kotarac, cet élu FI qui appelle à voter pour le RN, ne mériterait que peu d’attention s’il ne s’agissait comme l’indiquent le Parti de Gauche et la France Insoumise que d’un simple égarement personnel. Mais prendre le problème ainsi revient à évacuer toute réflexion et discussion politiques. On me reprochera de vouloir à tout prix trouver des poux dans la tonsure insoumise, mais il n’en n’est rien. Les véritables questions sont les suivantes : comment et pourquoi un militant considéré unanimement jusque là comme un modèle peut-ils du jour au lendemain passer du côté obscur de la face ? S’agit-il vraiment d’un cas isolé ou est-il l’expression de quelque chose de plus général ? Voilà qui mérite à mon sens d’être abordé.

Les faits

Sur un plateau de télévision, Andréa Kotarac aborde bille en tête la question des élections européennes. "J’appelle à voter pour la seule liste souverainiste, qui met en avant l’indépendance de la France et qui est la mieux à même de faire barrage à Emmanuel Macron et de faire barrage à ce rouleau compresseur anti-social", lance le conseiller FI de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Passons sur les vertus imaginaires qu’il attribue au RN. Le RN n’est en effet en rien un « liste souverainiste qui met en avant l’indépendance de la France ». Cet attribut est purement médiatique. Dans la réalité le RN est tout autant que les autres attaché à l’UE et à l’Euro avec lesquels il exclut la rupture. Ses oppositions et « coups de gueule » servent à capter le mécontentement légitime des citoyens envers les institutions européennes, sans en remettre en question les causes.

Ce qui est plus important est l’analyse des réactions suscitées par la déclaration de Kotarac.

Jean Luc Mélenchon a beau dénoncer "un coup monté", "une boule puante de fin de campagne », l’histoire n’est-elle pas en réalité beaucoup plus simple et embarrassante que cela ?

1/Comme je l’ai expliqué dans le papier « Tambouilles électorales contre principes politiques » sur « La sociale », l’attitude de Kotarac ne trouve t’elle pas tout simplement son origine dans l’orientation de la FI ? A force d’avoir expliqué que ces élections devaient être un référendum anti-Macron, Kotarac passe aux actes. Qui est en meilleure position pour battre Macron ? Il appelle donc dans cette logique à voter RN. D’un point de vue arithmétique, son raisonnement a sa logique. Mais comment l’arithmétique est-elle parvenue à supplanter la politique ? C’est bien l’axe même de la campagne de la FI qui devrait être interrogé.

2/Les interrogations feintes de Manon Aubry qui interroge sur l’identité de jeune élu de 30 ans "qu’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam", ne tromperont personne et ne pourront que rajouter de la confusion à la confusion. Andrea Kotarac n’est en effet pas n’importe qui. A moins de considérer que la sélection des militants ne signifie rien à la FI, Kotarac a été reconnu et mis en avant par Jean Luc Mélenchon lui-même durant la campagne des présidentielles. Candidat aux législatives dans la 7e circonscription du Rhône en 2017, il était arrivé troisième au premier tour, avec 13,34% des voix. C’est lors d’un déplacement à Vaulx-en-Velin que Jean Luc Mélenchon avait déclaré, "Quand je vois des jeunes, comme Elliott Aubin et Andréa Kotarac, prêts à reprendre le flambeau, je me dis que La France Insoumise a réussi. Je me dis que le fil rouge n’est pas près d’être rompu ».

Jeter aux orties aujourd’hui ce qu’on a adoré hier, cela ne va pas, ni politiquement, ni moralement d’ailleurs.

La politique

L’existence de Katarac ne peut s’expliquer sérieusement ni par les « tares » du principal intéressé, ni par un manque de clairvoyance de Mélenchon qui le propulsait il y a deux ans, ni par l’absence de lucidité des électeurs du Rhône qui lui auraient donné une légitimité en se faisant duper.

L’individualisation des responsabilités n’explique strictement rien. C’est une mauvaise piste, une voie sans issue, pour chercher à comprendre les causes de ce que le PG qualifie de « dérive individuelle vers le fascisme ». N’est-ce pas plutôt l’évolution de la politique de la FI et des orientations développées par son principal responsable qui devraient être questionnés ?

Durant la dernière campagne présidentielle, sur les questions de fond que sont celles de la Nation, de la souveraineté, de l’indépendance nationale, sur la question de l’UE notamment, Jean Luc Mélenchon a affirmé une orientation franchement républicaine qui a permis à des franges importantes de renouer avec la politique et de se retrouver avec la FI. Il a aussi fait de la question sociale le coeur d’une campagne qui donnait sens au combat pour la république sociale. Les résultats ont été palpables, dans les quartiers populaires notamment où depuis des décennies ouvriers, salaries, chômeurs, jeunes et retraités tournaient le dos à des partis tous assimilés à la même orientation dont les couches populaires n’avaient rien à attendre. C’est en parlant au peuple dans sa diversité, en se réappropriant le discours et les symboles républicains, que Jean Luc Mélenchon est parvenu notamment à décrocher des pans entiers de l’électorat lepéniste qui jusque là se saisissait du FN pour combattre le système.

Quelques mois après les élections, JLM a tourné à 180° sur une série de questions, désorientant à la fois militants, sympathisants et électeurs. L’appel au peuple est devenu un appel à la gauche dont il se serait agi de prendre le leadership. La souveraineté inscrite dans le plan A et le plan B s’est vue réduite à la volonté de « sauver l’Europe » comme l’a expliqué Emmanuel Maurel, transfuge socialiste sur la liste FI, à l’abandon de toute ligne de rupture comme le précisait la tête de liste en personne, Manon Aubry. Les principes politiques ont été bradés de fait sur la question européenne, et « battre Macron » s’est substitué à « défaire l’UE ». Les élections au parlement européen sont en effet le cadre de légitimation de l’UE contre laquelle le peuple français a dit NON en 2005, contre laquelle les grecs ont résisté, contre laquelle l’ensemble des peuples européens ont à chaque reprise exprimé leur mécontentement, leur rejet. Les élections européennes sont le cadre qui permet de légitimer le système qui s’oppose en France aux GJ, à leurs revendications sociales et démocratiques. Les citoyens qui dans leur grande majorité boycottent cette élection de s’y trompent pas. Et pourtant, faisant fi de cette réalité, la FI décide de concourir en présentant sa liste aux européennes.

Là commencent les vraies difficultés. Sur quoi en effet tenter de convaincre à voter pour sa liste aux européennes ?

  • Pour une autre Europe ? Un peu général et suffisamment langue de bois pour être partagé par toutes les listes, de LREM au PCF.
  • Pour une Europe sociale ? Voilà du déjà vu, entendu et testé avec la réussite que l’on connait.

L’Europe ne faisant pas recette, « battre Macron » en période de Gilets jaunes était le mot d’ordre qui devait être payant. D’où la confusion introduite par la FI elle-même. Kotarac en est l’expression, qui prenant au mot la consigne insoumise, décide d’appeler à voter pour la liste susceptible de passer devant Macron, celle du RN.

Conclusion

L’abandon des principes politiques au profit de l’électoralisme européen est responsable de la décision de Kotarac. Il eut été plus clair de la part de la FI de poser les problèmes franchement :

 Quelle que soit la majorité au parlement européen, la politique de l’UE sera inchangée.
 Se présenter et donc voter dans ce cadre relève de la mystification puisqu’il est impossible d’en changer la politique.
 Le seul effet de ces élections ne peut être que la légitimation de l’UE dont les peuples ont tout intérêt à se défaire.
- Le boycott constitue donc la réponse au refus de cautionner l’UE à travers les élections, le refus de la diversion d’où qu’elle vienne constitue donc la seule réponse à la mascarade électorale européenne.

Parmi les arguments partagés par tous les candidats à ces élections, de la FI au RN au passant par LR, l’abstention ferait le jeu de Macron. Que diront les médias s’il arrive en tête, questionnent les inquiets ? Ce ne sera pas pour les rassurer, mais quel que soit le résultat, les médias aux mains de l’oligarchie ne diront à priori rien de véritablement désobligeant pour le locataire de l’Elysée.

Mais revenons à l’arithmétique qui parfois peut épouser la cause politique. Si comme il est possible 60% du corps électoral s’abstient, la liste en tête créditée dans le meilleur des cas de 25% des suffrages exprimés ne représentera que 10% du corps électoral. Certes elle pourra se réclamer d’une légitimité électorale, mais sera totalement désavouée, illégitime politiquement et démocratiquement. Pour la suite, la lutte des classes telle qu’elle s’exprime sous nos yeux de façon aiguë depuis 6 mois, les rapports sociaux dans le pays, les réactions paralysantes pour le pouvoir, l’amplification du mouvement amorcé avec les Gilets jaunes face aux volontés de Macron de poursuivre, cela aura évidemment une importance cruciale. Tout casser avec 10% du corps électoral derrière soi, même si la 5ème république anti démocratique l’autorise, cela devient pour le maitre d’oeuvre très difficile, voire impossible.

Et c’est cela qui compte. C’est cet aspect occulté par la FI, qui a conduit Kotarac à faire un choix dont la responsabilité est pour le moins collective…