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Enterrer la gauche

dimanche 19 janvier 2025, par Denis COLLIN

Ici et là on suppute, on se lamente, on vitupère, on voue aux gémonies, on fait des plans sur la comète à propos de la gauche. Avec l’éclatement de fait du NFP avec le ralliement camouflé du PS à Bayrou, on a multiplié les commentaires. Les uns se désolent : encore une fois, la gauche se divise et va donc perdre. Pour d’autres, c’est une clarification : débarrassés des traîtres du PS, on va pouvoir reconstruire une vraie gauche. Et ainsi de suite… Le problème est que l’avenir de la gauche est une question qui n’intéresse plus personne, à part quelques intoxiqués de la politique et quelques apparatchiks et les élus et autres prébendiers.

On l’a dit et redit sur ce site. On a écrit sur le sujet : voir L’illusion plurielle de Denis Collin et Jacques Cotta (JC Lattès, 2001) ou Après la gauche de Denis Collin (Perspectives libres, 2018). La gauche a été, pour le meilleur et bien trop souvent, un moment de l’histoire politique, mais ce moment est terminé. L’alliance du mouvement ouvrier et des couches bourgeoises ou petites bourgeoises « progressistes » ne peut plus jouer aucun rôle pour la bonne raison que le vieux mouvement ouvrier est mourant et que la bourgeoisie est tout entière « progressiste » à sa manière, c’est-à-dire unie autour des objectifs généraux du capital, dans tous les domaines et, par conséquent, elle veut se débarrasser du boulet que constituent les classes laborieuses.

Une partie de la gauche est lancée sur une trajectoire folle : c’est le cas de LFI qui devient de plus en plus le « parti des Arabes », selon l’aveu de certains de ses sympathisants. Un radicalisme social assez bidon se combine avec une orientation pro-islamiste de plus en plus extravagante, une orientation où l’on peut voir la main de la cinquième colonne islamiste type « frères musulmans ». La dénonciation du pouvoir et de sa police s’accompagne de revendications autoritaires de plus en plus marquées – la demande d’interdiction de parole de tous ceux qui mettent en cause l’idéologie LFI, par exemple. Défenseurs de toutes les bêtises « woke », la LFI soutient ardemment des partisans de la soumission des femmes, de la pendaison des homosexuels et de la suppression de tout ce qui rappelle la liberté de pensée. Le processus qui atteint LFI rappelle furieusement la dérive de certains courants radicaux vers ce qu’on a appelé fascisme. Mussolini et Doriot ne sont pas très loin – en changeant ce qui doit être changé, évidemment. Quoi qu’il en soit, LFI est en train de sortir de la tradition socialiste et communiste dont elle est issue. Personne ne peut imaginer ce que donnerait un Mélenchon au pouvoir et on se console en se disant qu’ils n’auront jamais la moindre possibilité de gouverner.

Le PCF est un fantôme. Ses dirigeants errent entre des protestations de fidélité à sa tradition, l’acceptation de toutes les innovations les plus extravagantes. Ils auraient bien suivi Faure dans ses conciliabules, mais sans oser franchir le pas. Électoralement, le PCF peut faire ce qu’il veut, il ne sort pas du trou. Ne parlons pas des Verts qui ne sont classés à gauche que leurs alliances, et sont représentés par des décérébré.e.s.

Tous ces gens qui se disent la gauche ne sont par ailleurs d’accord que sur presque rien d’important. Leurs positions internationales, par exemple, sont parfois complètement opposées. Un « front de gauche » quel qu’il soit, est voué à n’être qu’une coalition de circonstance pour sauver les meubles. Mais la gauche, toutes tendances confondues, est à un niveau historique très bas : Un bon quart de l’électorat et pas de « réserves » puisque l’abstentionnisme a été relativement moins fort que de coutume aux derrières élections.

Comme dit l’Évangile, laissons les morts enterrer les morts.

Denis Collin, le 19 janvier.