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Sur la nature du gouvernement de Trump

lundi 27 janvier 2025, par Denis COLLIN

Libertariens autoritaires ou fascistes… ou comment les cercles carrés deviennent des catégories politiques.

Ces derniers temps une nouvelle catégorie politique a commencé à irriguer les réseaux sociaux. La victoire de Trump, secondé par Musk marquerait la victoire des libertariens autoritaires dont on trouve d’autres exemples en Europe (Meloni ou Orban) et Argentine (Milei). Affubler ces courants politiques du qualificatif « libertarien » me semble faire preuve d’une confusion inquiétante, car un libertarien autoritaire est semblable à un cercle carré, une impossibilité logique.

La pensée libertarienne a une histoire et quelques figures de proue philosophiques comme Robert Nozick. Les libertariens sont des adversaires résolus de l’État et se trouvent sur ce plan plus proches des anarchistes que de tout autre courant. Nozick commence son livre Anarchie, État, Utopie, pat une longue et tonique citation de Proudhon. Le problème que pose Nozick est tout simplement de savoir s’il existe quelque justification pour admettre un État minimal. Mais comme, par ailleurs, il fait du droit de propriété un droit fondamental, dans le sens de John Locke, son État minimal a comme seule fonction la défense du droit de propriété. Le courant inspiré de Nozick est parfois appelé anarcho-capitalisme. Il y a évidemment de nombreuses demeures dans la maison du Seigneur et autant de courants et sous-courants libertariens qu’on le souhaite. Musk est considéré comme un proche des libertariens, peut-être à raison.

Le problème est que les libertariens sont, normalement, contre toutes les formes d’autoritarisme, contre le nationalisme et contre tout ce qui entrave le marché libre. Or la ligne de Trump n’est pas du tout celle-là. Son protectionnisme est typiquement une forme d’étatisme, assez peu libertarienne. De même sa chasse aux immigrés est une intervention massive de l’État dans l’économie. Sur tous les plans Trump est un nationaliste étasunien de la plus belle eau et un défenseur ardent de l’État régalien. Il est un défenseur de la liberté, mais de la liberté américaine type conquête de l’Ouest, ce pays où le meilleur ami de l’homme est son révolver.

Les cas Orban et Meloni devraient d’ailleurs être traités à part, car ni l’un ni l’autre n’envisage de sortir de cette énorme machine bureaucratique qu’est l’UE, ce qui serait pourtant à leur portée…

La politique de Trump n’a pas besoin de caractéristiques confuses à souhait. Trump défend les intérêts bien compris de la caste des milliardaires, de la high tech autant que du pétrole. Politiquement, c’est un « bonapartisme » au sens que ce mot a pris avec les analyses de Marx dans le 18 brumaire. Comme les républicains contrôlent le Sénat et la Chambre des représentants, Trump a les mains libres et transforme les États-Unis en une démocratie plébiscitaire qui, comme toute démocratie de ce type peut devenir la tyrannie de la majorité. Mais c’est un processus en marche depuis longtemps avec le renforcement continu du pouvoir fédéral depuis la Première Guerre mondiale.

Ce qui nous ennuie avec Trump, c’est de constater 1° que la démocratie américaine n’est pas si attrayante que cela ; 2° que ce type de tendance peut progresser chez nous, car le RN n’est pas plus « fasciste » que Trump, mais on y retrouve les mêmes traits bonapartistes (s’appuyer à la fois sur les riches et sur les travailleurs pour sauver le capitalisme) ; et 3° que, décidément, droite-gauche ça n’a absolument plus aucun sens.

Enfin, les artisans principaux de la victoire de Trump sont les délirants en tous genres, wokes et transmaniaques, qui lui ont servi la soupe avec une constance digne d’une meilleure cause. Contre les délirants, Trump apparaît, en dépit de ses bouffonneries, pour l’incarnation du bon sens. Il fallait le faire !

Denis Collin, le 27 janvier 2025