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Emmanuel Macron persiste et signe…

vendredi 26 avril 2019, par Jacques COTTA

Dans la conférence de presse qui devait résumer les conclusions qu’il tirait à l’issue du grand débat, Emmanuel Macron a voulu rassurer son camp, son socle électoral. C’est un échec car tout le monde sent bien que loin de rétablir le calme, son intervention va vraisemblablement re-mobiliser les troupes qui très majoritairement lui sont opposées. Sur une série de questions, il a asséné un blabla digne du grand débat national, laissant poindre un mépris constant pour les français auxquels il était censé s’adresser. Avant donc de voir ce qu’il indique des préoccupations démocratiques et sociales qui agitent le pays, voyons donc ce qui a été dit pour ne rien dire.

Le bla-bla

Ainsi « la vie de nos concitoyens est inadaptée à l’organisation de notre société » sans jamais se demander si ce n’était pas l’organisation de la société qui était inadaptée à la vie des français, ces français qui ont peur d’à peu prés tout, « le climat », « le numérique », le déclassement social », et qui donc sont responsables de leurs angoisses, de leur sort, de leur situation tellement ils sont incapables de maitriser leurs propres phobies.

Le bla-bla présidentiel a parfois tourné au ridicule, pour la réponse apportée au défi écologique notamment. Hier il s’agissait de stigmatiser les fumeurs de papier maïs et les conducteurs de véhicules diesel portant le GJ, aujourd’hui il s’agit de nommer un énième comité théodule -« le conseil de défense écologique »- composé notamment de 150 citoyens tirés au sort chargés de « réfléchir aux solutions ». Bonne chance… Vite, aux abris !

Bla-bla qui concerne la « proximité de l’état avec les citoyens », la pommade passée aux maires auxquels il refile le bébé de « la fermeture d’écoles » qui sera de leur responsabilité, bla-bla qui concerne « la famille », « la laïcité », « la loi de 1905 », « l’humain », « les frontières », et même « l’immigration » absente du grand débat, mais réintroduite pour les besoins de la cause électorale…

Mais Emmanuel Macron n’a pas fait que blablater. Il a aussi abordé, au cours d’une introduction fleuve à la Fidel Castro -elle était prévue pour 15 minutes, elle aura duré plus d’une heure- les questions qui sont au coeur de la mobilisation des GJ, la question démocratique et la question sociale. Et là où les partisans apeurés de la Macronie annonçaient une révolution présidentielle, c’est au contraire un cap constant, d’une extrême violence, que le président à affirmé.

La Démocratie

Le président de la république a réaffirmé son attachement aux institutions anti démocratiques de la 5ème république avec quelques mesures censées donner le change, mais de façon tellement grossière que nul ne peut se laisser prendre.

 un saupoudrage de proportionnelle « pour donner une place à toutes les formations politiques » à condition que ne soit pas remis en cause le fonctionnement majoritaire.

 au chapitre démagogie, une réduction du nombre de parlementaires, ce qui en fonction des modalités choisies devrait permettre aux forces très minoritaires dans le pays -comme l’est LREM- de s’assurer plus facilement une majorité de représentants.

 Pour le RIC, il faudra repasser. Pas question. Emmanuel Macron lui oppose le RIP qui existe dans la constitution et qui devrait permettre avec 1 million de signatures, non d’imposer un référendum, mais de proposer un thème à la discussion du parlement, s’il le veut bien, après avis du conseil constitutionnel, et non évoqué par Emmanuel Macron, de l’UE dont les institutions auront leur mot à dire. Au niveau local, même logique, même mascarade.

Le président de la république a aussi fait preuve de démagogie en évoquant la suppression des grands corps de l’état, de l’ENA notamment. Il s’agit de la sorte d’en finir avec le compromis issu du Conseil National de la Résistance entre gaullistes et communistes qui soumettait les hauts fonctionnaires aux règles de la fonction publique -neutralité, sens de l’état, respect de l’intérêt général- notamment grâce au concours et à la protection de l’emploi. La position du président de la république revient aux pratiques de la 3ème république qui voyait nommer aux plus hautes fonctions les serviteurs zélés du pouvoir, les copains et coquins imperméables aux intérêts de la Nation. Les serviteurs de Macron aujourd’hui, de tout autre chef d’état demain, ont un avenir assuré.

La question sociale

Le deuxième moteur de la mobilisation des GJ repose sur les sujets qui concernent le pouvoir d’achat.

La question fiscale était incontournable et il faut reconnaitre au président de la république de ne l’avoir pas évitée en revendiquant l’essentiel des injustices qui dominent.

— sur L’ISF, les premiers de cordée, la théorie du ruissellement (les privilèges des plus riches sont censés inonder la société), il ne recule sur rien, ne regrette rien, revendique tout.

Au détour, Emmanuel Macron insiste sur la bêtise du peuple et des journalistes qui décidément n’ont pas compris le sens de ses remarques faites aux français : « il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi » ou encore « les gaulois fainéants », ou aussi « le pognon de dingue qui inonde les minimes sociaux ».

— sur les impôts des classes moyennes qui récupéreraient 5 milliards, outre la déclaration d’intention qui n’engage que ceux qui y croient, la méthode fait déchanter. L’économie reposerait sur l’obligation de travailler plus, sur des pensions diminuées pour les retraités qui partant à la retraite à 62 ans se verraient infliger une décote qui de fait les poussera à travailler au moins jusqu’à 64 ans ou plus.

— sur la TVA, impôt le plus injuste car payé par tous de la même façon, circulez, il n’y a rien à voir. Pas un mot donc.

La question du travail abordée par Emmanuel Macron a été cadrée par un mensonge répété à plusieurs reprises. « Les français travaillent moins que nos voisins » a asséné le président de la République, ce qui selon les chiffres publiés par Eurostat est archi faux, la France se trouvant en troisième position de toutes les nations européennes. Le but du président de la république est d’imposer le fameux « travailler plus » non pour « gagner plus » comme l’indiquait en son temps Nicolas Sarkozy, mais « travailler plus pour ne pas gagner moins » ce qui socialement est une régression affichée.

Les salaires abordés par Emmanuel Macron, notamment dans le privé, reflètent le contenu exact de la théorie macronienne. Le chef de l’état ne se prononce pas pour une augmentation des salaires car cela « pousserait à remettre en cause la compétitivité ». Il passe évidemment sous silence les dividendes encaissés sur le dos du travail par ceux qui l’ont porté au pouvoir. Il se prononce pour « un impôt négatif », c’est à dire que c’est la collectivité qui distribuerait des miettes si nécessaire, là ou les salaires dans le privé seraient bloqués. Un comble…

Contre l’augmentation des salaires, le président de la république prône la participation dans les entreprises, socle d’une nouvelle société. Idée neuve ? Il ne s’agit que d’une resucée de la théorie mise en avant par le ministre gaulliste ancien maire de Bordeaux Jacques Chaban Delmas, dans les années 1970. Macron et ses conseillers, décidément, semblent jeunes mais sont très vieux…

Les retraites enfin. S’il n’a pas dit un mot sur la question de la CSG pour tous les retraités, il a annoncé, comme s’il s’agissait d’une grande concession, la ré-indexation sur l’inflation des retraites inférieures à 2000 euros pour 2020, pour toutes les retraites pour 2021. Le président sans s’en rendre compte sans doute, fait là preuve d’un cynisme au delà de toute expression. Car outre le fait que la mesure rapportera à un retraité au maximum 20 euros par mois, il ne s’agit que de déclarer que les pensions ne diminueront plus avec l’inflation et non pas qu’elles seraient réévaluées. Les retraités ne gagnent rien, ils perdent juste un peu moins…

Enfin sur les services publics, élément essentiel de redistribution et de solidarité, outre le grand bla-bla, Emmanuel Macron maintient l’objectif de la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, ce qui en soi est tout un programme.

En conclusion

Sur le fond, comme sur la forme même s’il s’en défend, le président de la république ne change rien. Sa politique est d’une violence extrême. Il durcit tout ce qui jusque là a poussé dans la rue des centaines de milliers de GJ. Les français interrogés au soir de la conférence de presse d’Emmanuel Macron ne se trompent pas. Selon un sondage Harris interactive, 63% considèrent qu’il a blablaté, tourné autour des vrais sujets, refusé de répondre aux véritables préoccupations. 80% pensent que le mouvement des GJ va se poursuivre.

Telle est la réalité dictée par la politique que défendent le chef de l’état et sa majorité. Si le président de la république voulait s’arroger le titre d’organisateur en chef de manifestations et mobilisations contre Emmanuel Macron et sa politique, il ne ferait pas mieux. La seule réponse directe faite aux GJ l’a été sur le ton injurieux et menaçant. Le chef de l’état a repris les accusations « d’antisémitisme, d’homophobie, de violence contre les journalistes et les forces de l’ordre ». Mais là encore il ne trompera que ceux qui veulent bien être trompés.

Là où paraît-il il voulait pousser à l’apaisement, il n’aura en réalité que renforcé détermination, mobilisation, et volonté entendue dans la rue de ne rien lâcher et d’en finir avec Macron.