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L’électorat Ciudadanos en Catalogne

mardi 9 janvier 2018, par Jean-Paul DAMAGGIO

Ciudadans est né en Catalogne en 2006 mais le parti n’a pas progressé jusqu’en 2015. Le moment crucial des Européennes de 2014 est amusant : Ciudadans arrive à 3% (6% en Catalogne) et a des députés qui entrent dans le groupe libéral ALDE,… le groupe du Parti Nationaliste Basque et des Catalans de Convergia i Union. Pour assurer la cohabitation de tous vu l’opposition radicale sur l’indépendance, il a été décidé que tous pouvaient rester dans le même groupe avec un sous-groupe pour discuter autonomie !

Donc j’insiste : pour le moment au Parlement européen le parti de Puigdemont et de Ciudadanos siègent dans le même groupe !

Après 2014 Ciudadanos va bénéficier d’un coup de pouce considérable… de Podemos !

Il faut se souvenir de la crise sociale considérable que traverse l’Espagne depuis 2010 qui s’est manifestée, en riposte, par le mouvement des Indignés. Rajoy a alors considéré que pour asseoir son pouvoir il lui fallait brandir l’épouvantail Catalan en refusant les acquis précédents de l’autonomie. Par ailleurs va naître le mouvement Podemos se voulant le relais politique de Indignés qui en 2014 surprend toute la classe politique. La surprise va aller en s’amplifiant quand les sondages ont commencé à donner plus de 20% à ce parti. Face au danger Podemos, les mécontents de droite vont s’unir derrière Ciudadanos. Une dizaine de partis locaux rejoignent la nouvelle organisation pour porter une colère qui risquait de se retrouver avec Podemos.

La montée en puissance de Ciudadanos a aussitôt bloqué Podemos qui pensait passer devant le PSOE.

Les élections générales de 2016 donnent 13% au parti et 25% aux élections catalanes de 2017.

Désormais le parti va jouer dans la cour des grands.

Que s’est-il passé en 2017 ? Le PP en décidant de faire de la Catalogne un épouvantail pour bénéficier ailleurs en Espagne du racisme anti-catalan, a permis aux indépendantistes de se radicaliser. Dans ce bras de fer, le PP a tout perdu en Catalogne au bénéfice de Ciudadanos. La mobilisation plus forte des opposants à l’indépendance se retrouve dans le fort taux de participation. En conséquence à présent l’hégémonie à droite du PP peut être mise en cause dans le pays lui-même !

Qui vote Ciudadanos en Catalogne ? Pas besoin d’être savant pour comprendre que c’est plutôt la population hispano-parlante donc celle des quartiers populaires ! Alors que Podem (branche catalane de Podemos) avait pu, par ses revendications sociales capter une partie de cet électorat (voir le succès d’Ada Colau aux municipales de Barcelone), les divisions internes (le dirigeant voulait une alliance avec les indépendantistes) et les divisions propres à la gauche indépendantiste ont marginalisé ce parti.

Dans les quartiers de Ciudad Meridiana, Trinitat Nova, La Marina del Prat-Zona Franca, Vallbona, Trinitat Vella, Torre Baró, Les Roquetes ou el Turó de la Peira, où les revenus moyens sont inférieurs à la moyenne générale Ciudadanos a pu obtenir jusqu’à 35-40% des voix. Le débat se focalisant sur l’indépendance, Ciudadanos a pu faire oublier ses positions néolibérales dans les quartiers populaires. Inversement les classes plus favorisées savaient qu’elles pouvaient compter sur ce néolibéralisme. Le quartier de Barcelone où Ciudadanos a obtenu son meilleur score est le quartier le plus riche de la ville : Pedralbes (un 42%).

Il se trouve que ce phénomène dans les conditions propres à la Catalogne se retrouve ailleurs ; de Trump à Marine Le Pen, en passant par Macri ou Orban. Sous des airs nouveaux un droite à l’offensive arrive à capter une part des couches populaires à qui les forces de gauche n’ont pas su ou pu parler ! Je ne parle pas de la gauche classique qui a fait une croix sur les dites couches populaires mais de celle qui traditionnellement en est le porte-voix. Si Podemos a marqué des points dans un premier temps en se plaçant du côté du peuple contre la caste, les divisions internes classiques à la gauche ont fini par resurgir et masquer ce combat global.

On a pu noter comment aux USA le sentiment de révolte était là y compris à gauche avec la campagne époustouflante pour le pays de Bernie Sander. Quelle part de son électorat s’est retrouvée avec Trump contre Hillary Clinton ?

En France, le FN a été le premier à capter cette évolution, le premier à révéler ce mal nouveau : les couches populaires faute d’un projet à gauche adapté aux conditions nouvelles, se tournaient vers ce type d’alternative à la fois nationaliste et global, à la fois social et libéral.

Et toutes les analyses actuelles sur le déclin du FN ne peuvent que m’amuser vu que la source du problème reste la même d’autant que comme nous le voyions avec Ciudadanos les classes dominantes (et les médis à leur solde) ne sont pas les dernières à se réjouir du phénomène. Trump peut-il être battu la prochaine fois ? Mais la question n’est pas celle de Trump mais celle de l’opposition à Trump !