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Masques en rade...

Revue de presse 30 avril – 14 mai 2020

lundi 18 mai 2020, par Antoine BOURGE

Au cours des deux derniers mois les discours sur la nécessité de porter un masque ou pas n’ont cessé d’être fonction du nombre de masques disponibles. Conséquence des décisions irresponsables d’hier et d’aujourd’hui, les masques font encore défaut aux soignants et attisent toutes formes de prédations. Cela compromet un retour à la vie sans laisser-passer, risque de contraindre à de nouvelles mesures de confinement et de compter encore les morts par milliers...

Des masques nécessaires

Pour le grand public

 Courrier International du 7 au 13 mai 2020 revient sur les raisons pour lesquelles le masque constitue un rempart indispensable alors qu’aucun vaccin n’est disponible :

« Il y a des masques conçus pour protéger ceux qui les arborent : ils sont équipés de filtres spécifiques, doivent être placés et retirés avec précautions. Et des masques conçus pour empêcher les autres d’être infectés par ceux qui les portent. C’est le cas des masques dits chirurgicaux, mais aussi des masques grand public, en tissu, que les pharmacies françaises sont autorisées à vendre depuis le 27 avril. Ceux-ci peuvent limiter la propagation des gouttelettes qui nous émettons quand nous toussons, éternuons ou parlons, qui se déposent sur les surfaces qui contribuent à transmettre le virus. D’autant que parfois, nous ignorons que nous sommes infectés – et donc contagieux. »

 Pas de masques obligatoires dans l’espace public ? Huffington Post résume la position du gouvernement :

« “L’État va distribuer des masques” gratuitement, a martelé le chef du gouvernement. “Il va distribuer des masques aux professeurs qui devront les porter dans leurs classes, il va distribuer des masques aux agents qui travaillent pour l’État et qui doivent les porter, il va distribuer des masques aux plus vulnérables”, a-t-il énuméré, en rappelant que 5 millions de masques seront distribués gratuitement par les préfets chaque semaine aux malades et aux “plus vulnérables économiquement”. »

Et plus loin :

« “Le masque n’est jamais qu’un complément à la distanciation physique. Lorsque vous vous promenez tout seul dans la rue ou à la campagne, porter un masque ne présente pas d’intérêt”, a jugé Édouard Philippe. Le port du masque sera uniquement obligatoire dans les transports en commun pour les passagers à partir de 11 ans et les contrevenants seront passibles d’une amende de 135 euros, a indiqué jeudi la ministre Élisabeth Borne en présentant le plan de déconfinement du gouvernement. Des masques “grand public” seront mis à disposition dans les transports en commun “dans les premiers jours du déconfinement pour les distribuer en appoint aux personnes qui n’auraient pu s’en procurer”, a ajouté Mme Borne. »

Pour le personnel soignant

 La Dépêche rapporte la colère des soignants sur les pénuries de masques :

« Le collectif [Inter-Blocs, qui regroupe des infirmiers travaillant en bloc opératoire] appelle ainsi les centres hospitaliers à les équiper en masques FFP2, et ’selon les obligations dont ils sont débiteurs selon les dispositions du Code du travail’. ’’ Si les directions ne fournissent pas les moyens de protection adéquats au personnel de bloc opératoire sous huitaine’, les infirmiers de bloc feront ’valoir leur droit de retrait et l’activité chirurgicale du pays sera bloquée, tandis qu’ils déposeront plainte contre chaque direction hospitalière’. Et de conclure : ’ Finis les sacrifices ! Les professionnels de santé ont payé un trop lourd tribut pendant cette crise sanitaire et cela doit cesser immédiatement. » »

 Frustration magazine partage ce témoignage édifiant :

« Nous avions droit à 2 masques chirurgicaux pour 8h de travail au début de la crise, pour n’en avoir plus qu’un aujourd’hui. Pourtant, selon les règles de bonnes pratiques, ils doivent être changés au minimum entre deux interventions, mais la pénurie est telle que des procédures dégradées sont mises en place régulièrement. (…) Nous n’avons pas du tout de stock de masques FFP2, ceux que l’on a ont été donnés par des entreprises ou des citoyens, ils sont très souvent périmés et ont d’ailleurs une odeur qui me fait penser au grenier de mes grands-parents. Nous n’y avons pas droit tous les jours, car il faut justifier de sa nécessité et ce n’est pas non plus pour tout le monde, on a compris, on n’en a pas assez. »

Et plus loin :

« Bien sûr, avant le Covid, mon métier était déjà exposé à des risques, mais des risques mesurés pour moi car j’ai toujours eu les moyens de me protéger. Aujourd’hui, non seulement je n’ai pas les moyens de me protéger mais plus grave encore, je suis potentiellement contaminante pour mon entourage et pour les personnes qui croisent mon chemin. J’ai honte !!! »

Masques et gestes barrières

 Français.rt.com nous fait part de la difficulté à appliquer les gestes barrière, complémentaires du port du masque, qui sont censés être appliqués dans les écoles par les élèves et les enseignants. Mais visiblement même au sommet de l’État ces gestes semblent difficiles à appliquer :

« De fait, le président a notamment ôté son masque quelques secondes pour afficher un large sourire aux enfants. Il a par ailleurs semble-t-il porté la main à son masque, ce qui est déconseillé. « L’une des règles essentielles est de ne plus toucher le masque une fois que vous l’avez positionné sur votre visage », écrit par exemple France Info. Plusieurs internautes ont également jugé que le masque du président et de son ministre de l’Education étaient mal ajustés au niveau du nez. Selon France Info, il convient de déplier le masque « de façon à ce qu’il recouvre bien le nez et le menton ». »

Des profits contre la santé

Les stocks de la grande distribution

 Lu sur Mediapart :

« Selon un décompte effectué par Mediapart sur la base de leurs déclarations publiques, les enseignes Carrefour, Leclerc, Intermarché et Système U ont annoncé avoir commandé au total 515 millions de masques chirurgicaux, dont au moins 65 millions sont arrivés et seront mis en vente dès lundi. Ces chiffres concernent uniquement les masques médicaux, pas les masques « grand public » en tissu, que les supermarchés vont également proposer. »

Et plus loin la réaction des élus locaux furieux de se voir doublés par la grande distribution :

« En plus du privé, la stratégie est en réalité largement déléguée aux élus locaux, fortement mobilisés pour trouver des masques à l’étranger ou en France depuis qu’ils ont appris, devant leur télévision, le 13 avril, au moment de l’allocution d’Emmanuel Macron, que la France serait déconfinée le 11 mai. Plusieurs d’entre eux ont appris par la presse, furieux, que la grande distribution disposait de stocks si importants, alors même qu’ils doivent se débrouiller seuls pour équiper leur personnel mais aussi une partie de la population. (…) Sur le terrain, le décalage est frappant entre les quantités qui seront vendues par le privé, et les difficultés des mairies et départements à faire des réserves en vue du 11 mai. »

 Le Monde relaie la critique des élus, doublés par la grande distribution qui passe des commandes en plus grandes quantités que les mairies ou les départements :

« Il ne s’agit pas de mettre en cause les grandes surfaces », assure le député de l’Ain [Damien Abad] auprès de l’Agence France-Presse, « mais ce qui est incompréhensible, c’est que Carrefour et Leclerc sont plus puissants que l’État » et « ont la capacité de faire des commandes massives ».

 Bastamag dénonce également la faiblesse de l’État, qui devrait équiper les hôpitaux publics, par rapport aux grands groupes privés :

« Les annonces de ventes massives de masques chirurgicaux en supermarchés ont indigné les soignants, qui ont été contaminés par milliers faute de protection au plus fort de la crise, et qui subissent toujours une distribution de masques parcimonieuse (entre 12 et 24 masques chirurgicaux jetables par semaine en fonction des professions). « L’heure viendra, nous l’espérons, de rendre des comptes », écrivent dans un communiqué, publié le 30 avril, sept ordres de professions de santé (médecins, infirmiers, pharmaciens, kinés, dentistes, sages-femmes, podologues). Ils dénoncent la « communication tapageuse » des distributeurs, qualifiés de « profiteurs de guerre ». « 100 millions par ici, 50 millions par là. Qui dit mieux ? C’est la surenchère de l’indécence », déplorent-ils. »

Et plus loin :

« Depuis le 4 mai, d’autres enseignes comme les supermarchés Match refusent purement et simplement de vendre des masques aux clients s’ils ne sont pas titulaires d’une carte de fidélité. « Nous avions besoin d’un système pour garantir que personne n’en achète plusieurs dans la semaine », justifie l’enseigne. Pour y parvenir, les magasins ont appliqué un filtrage en s’appuyant sur les données clients. « Évidemment, nous aurions préféré pouvoir satisfaire tout le monde, mais nous avons dû mettre en place ce filtre en raison des quotas de ventes qui nous sont imposés », détaille le service communication auprès de Capital. Interpellée à ce sujet, la Commission nationale de l’informatique et des libertés invite les consommateurs à réaliser un signalement auprès de la Répression des fraudes. »

 Frustration magazine note ce qui mine la puissance de l’État :

« Sophie Boissard, PDG de Korian depuis 2012, est conseillère d’Etat, ce corps très prestigieux chargé de rendre des rapports sur les projets de loi. Elle a fait partie du cabinet de Christine Lagarde et de François Fillon avant de rejoindre la SNCF et le conseil de surveillance d’Areva. Elle représente parfaitement ce savant mélange d’ambition et d’arrivisme qui caractérise les hauts fonctionnaires français pantouflards, qui ont donc lancé leur carrière avec nos impôts afin de diriger des groupes qui extorquent nos anciens. Au moment de sa nomination, le Monde nous raconte que “ces dernières années, son nom était régulièrement cité pour prendre la tête d’une grande entreprise, comme Areva ou Veolia. Elle a préféré Korian, un groupe moins prestigieux mais à la croissance plus forte, et dont l’horizon paraît particulièrement dégagé grâce au « papy-boom ».” Une façon polie de dire qu’elle avait anticipé tout le fric à se faire sur le dos des vieux. »

Et plus loin :

« Le point commun entre ces deux individus [Sophie Boissard et Jean-Charles Naouri, PDG du groupe Casino] c’est donc d’avoir prétendu servi “l’intérêt général”, “l’Etat”, pour ensuite diriger des groupes directement bénéficiaires de la dérégulation financière à laquelle ils ont participé lorsqu’ils étaient hauts fonctionnaires. Ils bénéficient des réseaux du pouvoir et de ceux du secteur privé qui, en France, ne font qu’un. Or, on raconte souvent que les grandes entreprises ont pris le pas sur l’État, trop faible face à ses grands groupes. »

Fournisseurs de matériel médical

 Le Canard Enchaîné relève les hausses massives sur le matériel médical :

« Les fournisseurs de matériel médical qui ont retrouvé un peu de stock proposent aux dentistes et aux médecins libéraux des masques à des prix... suffocants. Exemple : 180 euros la boîte de 25 masques FFP2 chez NM Médical. Soit un prix exactement décuplé ! DPI a, lui aussi, multiplié par dix : il propose aux dentistes une boîte de 20 masques FFP2 pour la modique somme de 139 euros et des masques chirurgicaux, à 43,90 la boîte de 50 unités. »

Vautours au sein du gouvernement

 Mediapart nous fait part de cette affaire au sujet d’un collaborateur de Véran :

« Joint par Mediapart, Tewfik Derbal a d’abord nié, à plusieurs reprises, toute commission. « Énormément de personnes m’ont contacté, ou ont contacté mes collègues. Les gens ont fait le rapprochement entre Olivier Véran, qui a été nommé ministre, et ses anciens collaborateurs. Ils nous ont contactés pour faire en sorte qu’on puisse positionner ces entreprises auprès du ministère. On a relayé l’information et point barre. Moi, je n’ai pas vendu de masques par mon intermédiaire. Je n’ai aucune commission de quoi que ce soit », assurait-il. Face à nos éléments, l’assistant a finalement reconnu nos informations. Il affirme en revanche que ce n’est pas lui le premier qui a évoqué l’idée d’une commission, mais l’intermédiaire de la société. »

Plus loin :

« Sauf que, dans son cas, le mélange des genres est total, loin de la déontologie qu’impose le poste de collaborateur parlementaire. Tewfik Derbal a usé de sa fonction et de son accès à son député, devenu ministre un mois plus tôt, pour tenter de négocier une commande de masques publique, en se ménageant au passage une commission d’intermédiaire. »

Et plus loin :

« Contrairement à ce qu’affirme Olivier Véran, le ministère de la santé a reçu de nombreuses offres sérieuses d’importateurs de masques et les a ignorées, comme nos enquêtes l’ont démontré (lire ici et là). Auprès de Mediapart, un membre de la cellule de crise du ministère avait d’ailleurs lui-même reconnu que l’examen de ces offres avait été mal géré : « Ce flux de mails, on n’a pas été capables de le gérer, on a manqué d’organisation. Des gens n’ont pas eu de réponse, alors que c’était des offres sérieuses. » »

 Frustration magazine revient sur l’une des raisons de ne pas encadrer le prix des masques grand-public :

« Pourquoi ne pas bloquer les prix ? Pour ne pas “freiner l’innovation” nous dit la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher. (…) Cette femme a le même parcours que Macron : ENA, inspection des finances puis, avec le fric et le réseau accumulé, lancement d’une entreprise… pour rejoindre ensuite le gouvernement. Petit détail de sa carrière : elle a été directrice de cabinet du directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris et membre du comité de direction. “Elle est spécifiquement chargée de la mise en œuvre de la réforme de la tarification à l’activité” nous dit sa bio wikipédia. Cette même réforme de la tarification qui a mis les hôpitaux dans l’état qu’on connaît. »

 Pour Causeur la « modernisation » de l’administration par les nouveaux managers administratifs conduit d’une part à la pénurie de masques, et d’autre part à reporter la responsabilité du déconfinement sur les préfets et les maires :

« Le déconfinement ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. Le gouvernement a annoncé qu’il se ferait autour de deux pivots : les préfets et les maires. Ce qui pourrait passer pour un retour au bon sens territorial est aussi une entreprise de défausse. On vous explique : les administrations centrales de la Santé et de L’Éducation pondent des circulaires aussi parfaites qu’inapplicables. Si les préfets et les maires veulent les mettre en œuvre, ils ne déconfinent pas. S’ils veulent déconfiner, ils en prennent leur aise avec les circulaires : mais en cas de poursuites pénales (pour mise en danger de la vie d’autrui), ce sont eux qui se retrouvent devant les tribunaux. Philippe, Blanquer, Véran, et les directeurs d’administration qui en dépendent ne gouvernent pas, ils se bornent à se protéger des suites judiciaires de leur mal gouvernance. »

Pénurie

Des choix politiques

 Une série d’articles sur les décisions politiques depuis 2005 jusqu’à la débâcle actuelle a été publiée sur le Monde. Nous avons retenu quelques passage du 5e volet :

« [Benoît Vallet] demandait de « lancer un programme de contrôle de la qualité et de l’efficacité des 616 millions de masques acquis en 2005-2006 ». Selon Libération du 27 avril, une entreprise belge, chargée de faire passer une batterie de tests à un échantillon de quelques milliers de modèles, aurait conclu à leur non-conformité. « Au second semestre 2018, raconte au Monde M. Bourdillon, j’écris à la DGS que la grande majorité, voire la totalité des masques sont périmés et non fonctionnels. Il devait en rester, d’opérationnels, une centaine de millions. A la limite de la péremption, je ne suis même pas sûr que ça devait dépasser 2019. » La quasi-totalité des 616 millions de masques chirurgicaux datant de 2005-2006 ont ainsi été mis au pilon. Voilà donc pourquoi, depuis fin mars, Véran évoque un stock de 117 malheureux millions : les 98 millions achetés entre 2014 et 2016, plus 19 millions ayant échappé à la destruction… »

En poursuivant la lecture, on peut apprécier la « stratégie » de l’État :

« Selon l’ex-patron de SPF, la pénurie serait surtout la conséquence de la doctrine élaborée en 2011 et entérinée en 2013 confiant à l’État la gestion des masques chirurgicaux, destinés au citoyen lambda, et aux employeurs celle des FFP2, plus filtrants, réservés aux professionnels de santé. « Le fait que les masques chirurgicaux soient destinés à la population, et que le ministère de la santé n’était pas convaincu de leur utilité pour le grand public – on l’a vu en 2020 –, je pense que ça a dû jouer dans la prise de décision de ne pas reconstituer les stocks », se désole François Bourdillon. Autrement dit, entre la doctrine décrétée en haut lieu médical et l’absence de certitudes, côté exécutif, sur leur réelle efficacité, les masques ne sont plus, désormais, un enjeu de santé publique. »

Plus loin, on peut lire :

« M. Vallet se souvient avoir demandé au Haut Conseil de la santé publique (HCSP), en novembre 2016, un avis sur les mesures à prendre en cas de pandémie grippale. Le HCSP rend son rapport en… mai 2019. A relire ce document, on mesure le temps perdu : « La constitution d’un stock devrait être considérée comme le paiement d’une assurance que l’on souhaite, malgré la dépense, ne jamais avoir besoin d’utiliser, elle ne saurait être assimilée à une dépense indue. » Conclusion : « En cas de pandémie, le besoin en masques est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30 % de la population. » Vingt millions multipliés par 50 égalent le fameux milliard cher à Benoît Vallet.

Un peu plus loin, on peut constater l’absence de bon sens au sommet de l’État :

« Bon de destruction ». La réaction des autorités sanitaires à ces préconisations ? Un « bon de destruction » de 60 millions de masques, en décembre 2019 ! D’autres destructions avaient eu lieu avant cette date. Et d’autres après, on le sait aujourd’hui. Pour compenser cette liquidation massive des stocks publics, on recense en contrepartie une simple commande de 100 millions de masques, passée courant 2019, dont les deux tiers devaient être livrés en… 2020. Dérisoire. C’est un fait : le sommet de l’État a découvert bien trop tard l’étendue des dégâts, sans doute peu et mal informé, que ce soit par SPF, la DGS ou le ministère de la santé. Dommage collatéral de cette débâcle sanitaire : une défiance généralisée. »

Enfin :

« Philippe Douste-Blazy, l’un de ses prédécesseurs, Avenue de Ségur, ne dit pas autre chose : « La technostructure est telle que plus personne ne veut prendre des risques. Or, la santé publique, ce sont des choix politiques dont dépendent des millions de vies. » »

L’hôpital manque toujours de masques et de matériel

 Le Télégramme partage cette prise de position du président de la région PACA au sujet des masques qui affluent dans les grandes surfaces alors que les hôpitaux en manquent :

« Ce samedi, le président (LR) de la région PACA, Renaud Muselier, a donné « trois jours à la grande distribution pour prouver qu’elle n’avait pas de stocks cachés ». En menaçant de porter plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et non-assistance à personne en danger. »

Des ersatz de masques

 Mediapart passe en revue les caractéristiques des masques dits grand-public :

« Les autorités précisent que ces masques constituent seulement un « moyen de réduction du risque complémentaire » aux gestes barrières, offrant une « protection » dans les situations de la vie quotidienne, qui n’ont rien à voir avec « ce que rencontre un soignant dans un service de réanimation ». »

Plus loin :

« Conclusion de l’étude de 2013, réalisée par des chercheurs de l’université de Cambridge : les masques en tissu faits maison « doivent seulement être considérés en dernier recours pour prévenir la transmission de gouttelettes par les individus infectés, mais ce serait mieux que pas de protection ». »

La différence entre les masques chirurgicaux et les masques grand-public :

« « Les masques médicaux sont certifiés, contrôlés sur leur niveau de filtration mais aussi avec des prélèvements pour s’assurer qu’il n’y a pas de microbes, s’agace Éric Bensimhon, PDG du fournisseur de matériel médical Ylea. Les masques barrières ont été faits à la va-vite, juste pour répondre à une demande urgente. C’est un geste politique. Le gouvernement aurait pu doter la population en masques chirurgicaux mais, pour cela, il fallait s’y prendre plus tôt, et cela aurait coûté beaucoup plus cher. » »

Enfin, le risque de diffuser les masques en tissu :

« En revanche, aucun test n’est effectué pour évaluer le comportement du masque dans un univers humide. Or, « les masques non tissés (chirurgicaux, FFP2, FFP3) sont hydrophobes, c’est-à-dire que l’humidité va ruisseler à l’intérieur du masque », explique l’ingénieur Jean-Marie Iotti. « Le tissu est, lui, hydrophile, l’humidité reste dans le tissu, et le masque va s’en imprégner par capillarité. Le masque devient rapidement malsain, un nid à microbes. » »

Lenteur des décisions

 Le Canard Enchaîné pointe du doigt la lenteur des décisions face à la pénurie de masques :

« Macron avait pris la décision, au cours de la dernière semaine de mars, de lever l’obligation d’importer des masques aux normes européennes (CE) et d’autoriser l’achat des précieux boucliers même s’ils étaient aux normes chinoises ou américaines. (…) Las ! Cet ordre jupitérien aura mis plus de trois semaines à se traduire dans les faits (…). Il a fallu faire appel à un cabinet d’experts basé à l’étranger pour garantir la norme des masques chinois N95 bloqués depuis trois semaines à Roissy ! »

Stocks cachés ou détruits

 Le Canard Enchaîné fait le bilan des stocks que Santé publique France n’avait pas signalés alors que les hôpitaux en manquent cruellement :

« La semaine dernière, Matignon a découvert que Santé publique France gardait au chaud 56 millions de masques FFP2 et plus de 80 millions de masques FFP1 (…). La date de péremption de ces masques est passée, mais ils ont été « reclassés », c’est-à-dire jugés d’un niveau de protection équivalent à celui des masques grand public (…). »

Et plus loin :

« Comme l’a avoué Véran (…), pas sûr qu’il y ait assez de masques pour tout le monde le 11 mai. En Île-de-France, où il va falloir équiper 5 millions d’usagers des transports en commun, les 15 sites de fabrications ne fournissent que 700 000 masques par semaine. »

 La Dépêche relaie cette information publiée dans le Monde sur la destruction de masques alors qu’ils manquaient :

« L’État a-t-il fait brûler par erreur des masques utilisables pendant l’épidémie de coronavirus ? Une enquête du Monde assure que seuls 19 millions de masques ont pu être sauvés d’un stock jugé périmé par erreur, sur un total de 616 millions. Selon l’ancien directeur général de la santé, bien plus de masques auraient pu être sauvés. Des chiffres vivement contestés par le Premier ministre Édouard Philippe. »

 L’insoumission revient également sur les révélations du Monde et propose un changement complet de la politique publique de santé :

« La dernière entreprise nationale de production de masques a mis la clé sous la porte en 2018. Interrogé par Le Monde, son ancien patron Roland Fangeat parle d’ »un gâchis sanitaire et industriel. (…) L’entreprise a agonisé, alors qu’on comptait encore 200 employés en 2017 . Ironie du sort, l’État demande désormais à M. Fangeat de remettre ses ateliers en fonctionnement ! Autant d’éléments qui invitent à repenser entièrement les choses en matière de santé publique et à faire primer d’abord les capacités de production souveraines dans tous les domaines. Pour les masques, bien sûr, mais aussi pour les médicaments avec la création d’un pôle public et la nationalisation d’une entreprise comme Famar. Mais aussi pour les bouteilles d’oxygène à usage médical avec la nationalisation de Luxfer. »

Bataille internationale pour les masques

 Le Canard Enchaîné fait état des tensions sur le marché international des masques :

« (…) les États-Unis et le Canada mettent la pagaille sur le marché en faisant monter les enchères, proposant jusqu’à quatre fois le prix habituel des masques, qui s’élève à 1,60 euro environ pour le FFP2 et à 30 centimes pour le chirurgical. Et des cargaisons entières ont été détournées au profit des Américains. »

 Français.rt.com note, malgré les diminutions de stocks depuis les années 2000, que la pénurie de masques et de matériel médical en général aurait pu être moindre si le gouvernement avait réagi plus tôt :

« « Quand sont parvenues à Paris, en décembre 2019, les informations relatives à l’apparition d’un nouveau virus, il était encore possible, pour un président conscient de ses responsabilités, de constituer un bon stock de masques, de tests et de respirateurs. Mais Macron n’a pas trouvé le temps d’y penser. » Pensant voler au secours de la majorité en dénonçant une fake news, la sénatrice des Français à l’étranger, Joëlle Garriaud-Maylam s’est faite le témoin de l’audition de l’ambassadeur de France en Chine par la commission des Affaires étrangères du Sénat le matin du 6 mai. Le représentant de la France aurait admis avoir été lui-même informé le 31 décembre. La sénatrice conforte donc la théorie d’un président au fait de la dangerosité du virus très tôt (fin décembre, voire début janvier au plus tard), comme l’affirme Le Canard Enchaîné. »

Amendes, coût et gratuité

 Français.rt.com nous informe du tarif de l’amende en cas de non port du masque dans les transports en commun alors que les masques ne sont pas toujours accessibles aux usagers :

« Le gouvernement, par la voix de la ministre des Transports Elisabeth Borne, a par ailleurs annoncé le port du masque obligatoire dans les transports en commun à partir de l’âge de 11 ans, sous peine d’une amende de 135 euros. »

 Bastamag rapporte ce calcul fait par l’UFC-Que choisir sur le coût des masques à la charge des particuliers :

« Pour le président de l’UFC-Que choisir, Alain Bazot, acheter suffisamment de masques est « intenable » pour certains foyers. Pour une famille de quatre personnes, calcule-t-il, cela aboutirait à un budget mensuel de plus de 200 euros - à raison de 3 masques journaliers par personne (soit 7,20 euros par personne et par jour). « Dès lors que les pouvoirs publics exigent des masques dans les services publics (transports, écoles, etc.), le principe de l’égalité d’accès commande de leur imposer d’en fournir aux usagers gratuitement ou à vil prix. » Alain Bazot compare la situation à celle de la vaccination obligatoire, remboursée par la Sécurité sociale. »

 La gratuité des masques réclamée par EELV, comme l’écrit le Huffington Post :

« “Cette somme est insupportable pour certaines personnes”, regrette-[David Belliard, candidat EELV à la mairie de Paris] en partageant une pétition en ligne demandant la gratuité des masques. “Si le prix d’un masque chirurgical est plafonné à 95 centimes, il ne peut être utilisé que pendant 3 heures, ce qui revient à une dépense moyenne de 57 euros par mois pour une personne !”, est-il notamment écrit dans sa description. »

 Voilà ce qu’affirmait Agnès Buzyn, citée par Mediapart :

« « Si un jour nous devions proposer à telle ou telle population ou personne à risque de porter des masques, les autorités sanitaires distribueraient ces masques aux personnes qui en auront besoin », avait promis, le 29 janvier, Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, pour dissuader les Français d’en acheter. »

Assumer les décisions ?

 Causeur constate à regrets que les responsables politiques ne sont plus que des irresponsables qui couvrent leurs décisions sous les conseils des sacro-saints experts :

« La mise en bouclier des experts est de bonne guerre : telle est précisément la fonction du conseil scientifique, protéger le gouvernement. Mardi 28 avril, Édouard Philippe, dans son allocution devant l’Assemblée nationale, s’est lui-même défaussé sur les experts les plus lointains. Concernant la douloureuse question des carences en masques, le premier ministre a dit : « Il n’y a aucun revirement, mais une évolution scientifique très forte. Nous avons toujours voulu insister sur le fait que les masques ne constituaient pas l’alpha et l’oméga de la protection. Surtout jusqu’au 1er avril, toutes les recommandations ne prônaient pas le port du masque en général. Je pense à l’Académie de médecine, au conseil scientifique, au Haut Conseil de santé publique, à l’OMS. Mais à partir du 1er avril, des avis ont changé. Pourquoi ? Parce que la doctrine a évolué en fonction de l’expérience. Dès que nous avons eu un avis recommandant le port du masque, nous avons donc aussi évolué. » »

 Masque et gel nous protégeront-ils du fascisme  ? S’interroge Charlie Hebdo :

« Contrairement à une idée reçue, Hitler – encore lui – incitait ses subordonnés à se débrouiller pour appliquer ses directives. Il maintenait dans l’incertitude ses larbins, qui rivalisaient alors de zèle pour exécuter la politique qu’ils pensaient être celle désirée par leur maître. L’absence d’instruction explicite peut entraîner une surenchère autoritariste. »

Antoine Bourge
Le 17 mai 2020