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La République est en danger

vendredi 22 novembre 2019, par Jacques COTTA

Sur un des multiples plateaux de télévision qu’il a l’habitude de fréquenter, Christophe Barbier s’est risqué à un parallèle qui pourrait sembler osé entre Adolphe Thiers et Emmanuel Macron. Des deux hommes il dégage d’abord la similitude anecdotique : « Adolphe Thiers , qui est premier ministre de Louis-Philippe très jeune, comme Macron ». Puis il poursuit :

 « Il y a une filiation directe » nous dit Barbier, filiation qu’il définit sur deux plans. « Il (Thiers) revient en 1870 pour installer et conforter la République »

 « Et massacrer les communards » lui souffle le présentateur de l’émission.

 « aussi mais en massacrant les communards il sauve la République » rebondit Barbier avant de conclure « sinon nous aurions eu Lénine maire de Paris et président de la France à ce moment là. Donc Adolphe Thiers dans son coté répressif, Macron l’a été en moins sanglant avec les GJ, l’ordre et les libertés, les libertés nécessaires disait Adolphe Thiers, il y une vraie filiation avec Adolphe Thiers bien oublié aujourd’hui ».

Passons sur le côté délirant qui évoque la menace de Lénine à Paris dans le seul but non avoué de légitimer la répression sanglante des communards.

Passons aussi sur la minimisation de la répression des Gilets jaunes par la police sur ordre de messieurs Castaner, Philippe et Macron lui-même.

C’est la question de la République et de « la défense des libertés nécessaires » qui mérite intérêt. Barbier met en discussion une des questions centrales qui a marqué l’histoire et qui revient aujourd’hui sous nos yeux. Le martyr des communards, défaits dans leur tentative d’instaurer la « République sociale », a bien permis d’asseoir sur les corps des ouvriers parisiens, des hommes et des femmes assassinés, torturés, fusillés, la République bourgeoise menacée du mois de mars à la semaine sanglante de mai 1870 .

Le parallèle avec Emmanuel Macron sur la République mérite inventaire. A l’image de Thiers, le président Emmanuel Macron défend la République pour les privilèges de quelques uns, les intérêts des fonds financiers et des grandes banques. Ainsi est-il engagé dans la mise par dessus bord de tout ce qui permet l’unité nationale, la vie des français, le caractère même républicain de la République. Le triptyque qui se trouve inscrit au fronton de nos bâtiments publics, Egalité, Liberté, Fraternité, auquel on pourrait ajouter Laïcité, est attaqué. Emmanuel Macron à la tête de l’état, au nom de la République, remet en question les principes républicains sans lesquels la République se retrouve vide de sens.

Les mesures qui sont au centre du quinquennat macronien concentrent la nature de cette politique.

 La réforme des retraites organise une régression qui ramène à plus de 70 ans en arrière les salariés, ouvriers, jeunes qui auront travaillé toute leur vie, souvent dans des conditions de plus en plus difficiles, marquées par la précarité et la multiplication des petits boulots. Soucieux de servir les intérêts de ses donneurs d’ordre, le projet de la retraite par point qui soumettra les pensions aux aléas de la bourse rejettera dans les bas-fonds de la misère des centaines de milliers de vieux qui pensaient pouvoir jouir d’un repos mérité.

 La réforme de la sécurité sociale, qui ne porte pas encore ce nom, mais qui est véritablement révolutionnaire, dans la décision gouvernementale de ne pas compenser les « exonérations » de cotisations sociales accordées aux entreprises. Ainsi est organisé le fameux « trou de la sécu » au détriment des soins et remboursements dont les plus faibles ne pourront acquitter la facture, et dont ils devront donc se passer, au détriment de leur santé, de leur vie. Et pour les autres ils n’auront qu’à faire fructifier les assurances privées ou fonds financiers.

 La réforme hospitalière, qui s’inscrit dans les précédentes, avec les 35 heures sans embauche, ses dizaines de milliers de fermeture de lits, de suppression de postes, de liquidation de services, d’épuisement, d’asphyxie et de découragements programmés des personnels. Les malades dans leur ensemble, qui se tournent vers l’hôpital public, font les frais de cette politique organisée pour la rentabilité financière devenue la règle.

 Les réformes qui dans tous les domaines perpétuent et aggravent la vie chère, qui poussent au désespoir, dont il est question lorsque des drames, tel cet étudiant de 22 ans, Anas, qui s’immole par le feu après avoir dénoncé la politique gouvernementale, l’union européenne, ses directives et le capitalisme, éclatent à la stupeur générale. Ainsi, avec ce jeune stéphanois dont l’acte est profondément politique, contrairement aux propos honteux des représentants de la Macronie, la France rejoint le Vietnam où en 1963 à Saïgon un jeune, Thích Quảng Đức, s’immolait pour protester contre les exactions du régime sud vietnamien, la Tchécoslovaquie où Jan Palach, étudiant, s’immolait en 1969 pour manifester son opposition à l’oppression stalinienne, la Tunisie où le vendeur ambulant Mohamed Bouazizi, s’immolait en 2010 pour dénoncer le régime du président Zine el-Abidine Ben Ali. A Saïgon, à Prague, à Tunis ces actes ont été annonciateurs de l’écroulement de régimes détestés par le peuple. Et à Paris…

Chacun des faits énoncés est évocateur du sort fait à la République censée permettre une vie collective et individuelle sans heurts.

L’Egalité est bafouée dés lors qu’elle menace les intérêts des privilégiés.

La Fraternité est balayée dés lors qu’un président se permet de renvoyer de l’autre côté de la rue pour l’humilier ou s’en débarrasser un jeune à la recherche d’un emploi.

La Liberté n’est plus qu’un mot dés lors que celle de quelques uns passe par l’asservissement du plus grand nombre, par la violence qui mutile, estropie ou énuclée les réfractaires.

Et la laïcité est menacée dés lors qu’elle se met en travers des communautarismes auxiliaires possibles du pouvoir pour garantir l’ordre capitaliste au détriment de l’intérêt général.

Christophe Barbier croyait-il taper si juste en rapprochant Macron de Thiers ? D’autant qu’à quelques jours du 5 décembre, sans le vouloir, il dégage le contenu de la convergence qui demeure possible, si crainte par l’Elysée et Matignon. Les réformes gouvernementales concernent toutes tous les citoyens, sans exception, les retraites, la santé, la précarité, la possibilité de vivre décemment, tout simplement. Elles sont l’oeuvre d’une même politique, ordonnées par une même majorité, conduite par les mêmes hommes. D’ici que l’idée germe d’affronter les auteurs de cette politique et de les mettre dehors…
Cela serait le début, à l’instar de grandes dates qui jalonnent notre histoire, dont 1870 et la commune de Paris, de ce qui se nomme l’ouverture d’une crise révolutionnaire….

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