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La nasse

mardi 1er septembre 2020, par Denis COLLIN

La technique de la nasse, mise en œuvre par les forces de l’ordre depuis Cazeneuve vise à enfermer les manifestants dans un espace sans issue pour les gazer à volonté, les matraquer et les mettre en garde à vue. Technique d’un gouvernement qui tend de plus en plus à gouverner par la terreur.

Mais cette technique n’est pas réservée aux manœuvres militaro-policières. Sur le plan de la lutte politique proprement dite, le mouvement ouvrier et démocratique est enfermé dans une véritable nasse dont l’objectif est bien d’en finir une fois pour toutes avec la perspective qui a longtemps terrorisé les classes dominantes, celle du socialisme ou du communisme, mais aussi avec le régime mixte de l’État social, modèle conseil national de la résistance.

La transformation du champ politique français est impressionnante. Les vieilles analyses de René Rémond sont renvoyées dans les poubelles de l’histoire. La droite bonapartiste et orléaniste a laissé la place au macronisme, c’est-à-dire un mouvement libéral autoritaire qui s’est débarrassé des oripeaux de la droite traditionnelle – il est progressiste – mais aussi de la mauvaise conscience de la droite sociale, ou de la patrie. La droite est confinée dans le RN qui est l’assurance-vie du système. Le nouveau bloc élitaire est solide autour du candidat du capital moderne, numérique et dématérialisé. Il faut suivre ici les analyses de Jérôme Sainte-Marie.

La vieille gauche est morte. Ses chances de ressusciter sont minimes. Le PCF est l’ombre de l’ombre de ce qu’il était il y a encore dix ans. Le PS est en train de devenir un astre mort qui garde quelques positions locales avant de s’éteindre définitivement. Les deux forces de gauche non groupusculaire qui demeurent … ne sont pas des forces de gauche, ni par leur programme, ni par leur composition sociale. Ce sont, au même titre que le RN des éléments du dispositif de contrôle étatique du capital.
On ne peut rien comprendre si on ne part pas de la dynamique du capital. La bourgeoisie d’hier et d’avant-hier a pratiquement disparu. La défaite de Fillon n’est pas due aux mauvais coups fomentés par la presse aux ordres et une magistrature soumise. Celles-ci n’ont fait qu’exécuter la sentence de l’histoire. Détruire méthodiquement toutes les barrières sociales et morales à la pénétration de la marchandise dans toutes les sphères de la vie humaine, y compris les plus intimes, c’est un élément de la recherche de nouveaux espaces d’accumulation du capital. Le numérique est un slogan qui unit Pornhub et la dématérialisation des services publics administratifs, la substitution d’Internet au commerce traditionnel, le télétravail et l’enseignement sans classes, sans écoles et bientôt sans maîtres, etc. Ce que le mode de production capitaliste produit, maintenant qu’il a fait table rase du passé, c’est un monde radicalement nouveau, un monde totalement inhumain où la reproduction de la vie humaine elle-même sera une des composantes du système de la production de la survaleur.

Pour que ce nouveau monde soit possible, il faut détruire le monde ancien, celui de la culture populaire autant que celui de la culture savante. Il faut dissoudre la communauté nationale ou de classe en micro-communautés narcissiques et faire du désir des individus la loi suprême en ce qu’elle est la loi de la réalisation de la valeur. D’où l’importance extravagante prise par des groupes plus délirants les uns que les autres – animalistes, LGBT, trans – et le retour en force du thème de la race remis à l’ordre du jour par l’antiracisme et l’engagement à la prise contrôle de larges fractions de la population par le mouvement politico-religieux des islamistes. Le ralliement de la gauche à ces thématiques parachève le tableau.

Ce nouveau champ politique est, pour le mouvement ouvrier et démocratique une véritable nasse. Les partis ouvriers traditionnels sont soit morts, soit moribonds ; les syndicats sont réduits à des appareils tous en cheville avec l’ordre bourgeois via la Confédération Européenne de Syndicats (CES) à laquelle appartiennent toutes les grandes confédérations françaises. Jadis on pouvait voter pour une gauche qui portaient plus ou moins des revendications réformistes minimales, mais cette gauche-là n’existe plus. La « nouvelle gauche » décoloniale, multiculturelle et trans rejette les ouvriers qui sont sûrement dans leur majorité non musulmans, non Noirs, non trans et cisgenrés : les voilà réduits à l’une des figures de la « domination ». On compte les députés et les vedettes médiatiques « représentant la diversité », les sportifs trans, mais personne ne s’avise de signaler qu’il n’y a plus d’ouvrier à l’Assemblée et que la classe ouvrière a été refoulée des écrans, qu’elle voit condamnée à l’invisibilité. Il est à peine besoin de parler d’EELV qu’on nous présente comme la nouvelle force de gauche et qui concentre le pire du pire (et du PIR). Ceux qui avaient cru que LFI pouvait être une alternative ont été renvoyés dans les cordes. LFI est devenu un parti décolonial antilaïque, qui se veut « l’héritier du futur » et piétine ouvertement toutes les traditions du mouvement ouvrier dont Son Excellence Mélenchon, autoproclamé seul représentant légitime du « peuple urbanisé » considère qu’il n’y a rien à apprendre.
Contre Macron, donc, il est même impossible de voter pour la droite qui est en voie d’être phagocytée par LREM. Ne reste que le RN : c’est-à-dire voter pour les ennemis de la classe ouvrière qui ont renoncé à jouer aux « populistes » et sont rentrés dans le rang des européistes, après s’être séparés des quelques hommes politiques honnêtes comme Philippot, qui avait succombé à l’illusion de faire du RN ce qui avait échoué avec Chevènement.

Sans issue : les acquis ouvriers sont démantelés un à un. Les libertés démocratiques élémentaires sont réduites par les états d’urgence successifs. Le mouvement ouvrier et démocratique et bien « nassé » et doit encaisser les lacrymogènes du gauchisme décomposé (LFI incluse) et le LBD du macronisme.

La tâche est immense. Et son immensité peut faire baisser les bras. Reconstruire un nouveau parti des travailleurs, capables de fédérer les classes populaires ne fera pas en un jour. Et pourtant il n’y a rien d’autre à faire.

Le 1 septembre 20
Denis Collin

Messages

  • Absolument répugnant. Merci de le dénoncer.
    Deux remarques : 1) Les experts militaires parlent des nouvelles "guerres au sein des populations", bien proches de "guerres CONTRE les populations ("peuples" serait plus juste) ; 2) La police allemande pratique, au contraire, la désescalade.

  • La vraie nasse a en fait été tissée par des décennies de soumission idéologique et de délitement intellectuel des directions —des "penseurs" ?— des organisations censées défendre les classes populaires. Quand la CGT se convertit à la CES et le PC à "l’Europe sociale"...la messe est dite pour toute perspective transformatrice. Autrefois on aurait peut-être bondé les rues et fermé les entreprises pour réclamer la libération d’Assange, pour refuser l’octroi d’une "zone transfrontalière" à l’Allemagne...ou même pour dénoncer le retour du vote censitaire, ce qui n’a troublé aucune pensée des grands "dirigeants" : pour le référendum ADP ne pouvaient s’exprimer que les possesseurs d’ordinateur et d’abonnement Internet. Toutefois, on a pu voir que, face à la violence actuelle du capitalisme sans entrave, les manifestations, même grandes (retraites, SNCF,...) ne suffisent pas pour freiner un système n’hésitant pas à recourir à la fascisation accélérée du régime. Sans doute faudra-t-il des manifestations géantes nourries par le blocage total de l’économie pour gripper un peu la machine, peut-être même au point de la faire exploser mais resterait la question : quelle transformation envisager et par quelles forces serait-elle portée ?
    On constate pourtant des ilots de résistance. Chez des syndiqués CGT (Front Syndical de classe) s’opposant à la direction, chez des militants "dissidents" d’un PC moribond constatant qu’ils ne peuvent trouver de débris de socialisme dans la "pensée nouvelle" des dirigeants. Mais également chez certains courants de gilets jaunes (Assemblée des assemblées) politisant plus sérieusement le mouvement. Ce n’est pas un hasard si CNR et Front Populaire sont des expressions qui renaissent, quelles que puissent être par ailleurs les arrière-pensées de certaines personnalités qui s’y réfèrent. Cela démontre qu’aucun des partis institutionnalisés n’est porteur d’aucune possibilité transformatrice et que, ne serait-ce que pour reconquérir souverainetés populaire et nationale, indépendance, liberté et un peu de démocratie il sera nécessaire de se rassembler en dehors et au-delà des partis. Aussi, partant de ces résistances, constituer des "Etats Généraux" pouvant se doter d’un programme social, économique, politique (celui du CNR, actualisé et radicalisé, pourrait ouvrir un chemin) pourrait être un moyen de rassembler et d’agir. Mais combler des décennies de dépolitisation et d’absence de lutte idéologique ne peut se faire en un éclair. Peut-être par quelques gros orages..
    Sans doute l’ai-je déjà écrit dans quelques commentaires, mais quand je désignais le gang squattant le pouvoir comme les "nouveaux collabos" de la nouvelle "souveraineté européenne"...je devais traîner encore quelques brins de naïveté...
    Méc-créant.
    (Blog : "Immondialisation : peuples en solde !" )http://Immondialisation-peuples-en-...

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