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« Pourquoi l’Amérique doit à nouveau diriger. »

lundi 16 novembre 2020, par Denis COLLIN

« Pourquoi l’Amérique doit à nouveau diriger. »

C’est le titre de la revue Foreign Affairs qui explore ce que devra être la politique étrangère des USA après Trump. Pour toute la gauche bobo de New-York ou de Paris, c’est la vraie bonne nouvelle. Un milliardaire grossier, mal élevé, passablement homophobe, nationaliste, protectionniste et plutôt isolationnisme cède la place au candidat de Wall Street (les magnats de la finance ont verse cinq fois plus pour Biden que pour Trump), du complexe militaro-industriel et des belles gens. Rien à voir avec tous ces bouseux du Middle Ouest, ces ouvriers « déplorables » (selon le mot fameux de Mme Clinton). Bref Biden est bien le candidat de la vraie gauche d’aujourd’hui. La gauche pognon, la gauche libérale, cette « gauche américaine » que Jean-Pierre Chevènement avait pourfendue voilà déjà un demi-siècle ! Grâce à Biden, on va pouvoir relancer le TAFTA qui contribuera à liquider la paysannerie en France et à achever ce qui nous reste d’industrie. Mme Salamé et ses compères de la matinale peuvent se réjouir. Mais, nous dira-t-on, les États-Unis vont rentrer dans l’accord de Paris sur le climat. Ça ne mange pas de pain. La production pétrolière est en berne, le pétrole de schiste, fierté de Trump, bat sérieusement de l’aile. Le candidat des grandes firmes du greenwashing sera bien meilleur que celui de ces pétroliers puants. Et puis, avec Biden, comme l’annonce indirectement Foreign Affairs, on va à nouveau pouvoir exercer ce très moral « devoir d’ingérence », cher à Kouchner et BHL, qui avait permis au tandem Obama-Sarkozy de mettre la Libye à feu et à sang. Quelle joie dans boboland !

Il y a une autre leçon à tirer de l’élection américaine. On accordera bien volontiers que Trump n’était pas un personnage très recommandable, surtout par sa franchise, exhibant sans pudeur tous les traits les plus laids que les politiciens ordinaires s’acharnent à maquiller derrière de nobles sentiments et de belles phrases. C’est un représentant du grand capital, peu soutenu par la masse des vrais capitalistes qui dominent aujourd’hui les États-Unis et le monde, mais tout de même un candidat du grand capital, lui-même grand capitaliste. Sa gestion erratique de la pandémie Covid-19 lui a coûté l’élection, sans doute beaucoup plus que ses extravagances politiques. Mais pourquoi, alors qu’on annonçait qu’il serait laminé a-t-il si bien résisté, en dépit du fait qu’une partie non négligeable de l’establishment républicain s’en soit détaché, refusant plus ou moins ouvertement de le soutenir ? Pourquoi a-t-il un tel soutien populaire puisqu’il a fait une percée électorale chez les « latinos » et chez les Noirs, notamment les femmes noires ? Dans la vision communautariste des bobos des deux rives de l’Atlantique, il y a quelque chose qui cloche. C’est tout simplement que les « latinos » et les Noirs refusent d’être encore les baudets chargés de porter au pouvoir les démocrates qui ensuite les exploiteront comme d’habitude. Les Noirs et les « latinos » veulent être reconnus non pas comme Noirs ou comme « latinos » mais tout simplement comme des citoyens comme les autres, comme des prolétaires au même titre que les prolétaires blancs. J’entends déjà le crétin décolonial qui s’étrangle. Mais c’est un fait. Comme c’est un fait que la classe ouvrière « blanche » américaine est dans une situation tragique sur le plan social et sanitaire (la consommation des médicaments antidouleurs, opiacés principalement est devenu un véritable fléau) et certains auteurs parlent même de la destruction de la classe ouvrière blanche. Le protectionnisme est vu comme ce qui permettra de sauver les emplois ouvriers. Comment ? Des ouvriers ? C’est quoi des « ouvriers » ? Des « déplorables », des « sans-dents » (Hollande), des « gens qui ne sont rien » (Macron) ? Bref, rien qui puisse intéresser Léa Salamé, Guillaume Erner et leurs amis ! Pourquoi ces « gens ordinaires » n’ont-ils pas suivi les conseils avisés des belles gens cultivés de la côte est et de côte ouest ? Tout simplement parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix que d’utiliser, d’instrumentaliser Trump contre les exploiteurs verts (comme le billet américain) ! Exactement comme les ouvriers britanniques du « red wall » ont voté Boris Johnson. Si ces ouvriers avaient eu non pas un Biden mais un candidat socialiste sérieux, ce qu’aurait pu être Bernie Sanders s’il n’avait pas disparu des écrans radars à la première offensive de Biden — on se demande pourquoi — ils auraient voté pour lui, comme les ouvriers anglais auraient voté pour un vrai travailliste à la place de ce Mélenchon anglais qu’est Corbyn, surtout soucieux d’avoir la bénédiction des « Pakis » et incapable de dire s’il était ou non pour le Brexit.

Dans le chaos politique présent, le seul facteur d’ordre, le seul repère sérieux, c’est encore la lutte de classes et l’analyse des positions de classes des uns des autres. Il est temps, grand temps, qu’on se débarrasse du verbiage du gauchisme communautariste décomposé, de la tyrannie intellectuelle de tous ces gens, pour revenir au vrai socialisme.