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Vivre et pas survivre, tout simplement ! L’exemple de la Roya

lundi 1er février 2021, par Jacques COTTA

Qui aurait pu croire il y a un an seulement que nous en serions réduits à restreindre toutes nos libertés, les plus élémentaires, au nom d’un virus qui depuis occupe tout l’espace politique et médiatique ? Une petite année qui semble aujourd’hui une éternité . Comment, par quels stratagèmes avons nous été contraints de nous taire, d’obéir, d’accepter ? La peur, sans doute la plus mauvaise conseillère, a permis de discipliner le peuple dont la réputation était jusque là aux antipodes de la soumission. La peur du virus bien sûr, mais aussi la peur des forces de police chargées de contrôler et si besoin de verbaliser tout contrevenant aux ordres venus d’en haut. Cette peur est un véritable venin distillé à flots continus par les politiques de tous bords, par les radios, les télés, la presse écrite, sans distinction de titre. La peur est ainsi devenue un outil politique de premier plan permettant de laisser à la niche les plus récalcitrants.

Il n’y aurait donc rien à dire, rien à faire que d’accepter ?
Il n’y aurait qu’à dire Adieu à la vie d’avant ?
Il n’y aurait qu’à revendiquer la servitude volontaire ?

Et bien non, nous pouvons regagner notre liberté !

L’histoire qui vient vaut d’être contée, non par forfanterie mais par simple souci de faire partager une expérience positive permettant de renouer collectivement avec la vie d’avant.

Nous sommes à Breil-sur-Roya, hier première commune de France de plus de 2000 électeurs à avoir rassemblé 10% du corps électoral contre la privatisation d’ADP, aujourd’hui première commune de France à avoir bravé sans se cacher, en l’annonçant, le couvre feu qui restreint les libertés de mouvement et de réunion.

Ironie du sort, c’est le soir de la prise de parole du premier ministre Jean Castex venu annoncer sur les ondes un durcissement des conditions de couvre feu que nous tenions dans une salle publique notre Université Populaire sur le thème des "services publics, un choix de société".

Comment, par quel miracle avons nous pu rassembler plus de 40 habitants, par voie de tract et d’affichage ?`

Il a suffi d’un engagement collectif, et d’un accord du maire de la commune, pour que l’Université Populaire de la Roya ait pu rouvrir ses portes ce Vendredi 29 janvier. Nous avons tenu cette session de notre Université Populaire au grand jour, pour débattre des services publics, des menaces qu’ils subissent, de la politique de l’Union Européenne, des privatisations successives au détriment de l’intérêt général, de la situation d’EDF par exemple, aujourd’hui avec le projet « Hercule » de démantèlement de l’entreprise, des responsabilités des gouvernements de gauche comme de droite qui dans les dernières décennies leur ont porté de terribles coups, de leur importance dans le contexte local marqué par là « Tempête Alex » qui a ravagé la vallée, et par la crise sanitaire qui ici comme ailleurs a imposé sa loi.

L’engagement collectif, c’est d’abord celui des organisateurs de l’Université populaire, mais c’est aussi celui du maire de la Commune, Sébastien Olharan, venu intervenir dans cette assemblée, expliquer le rôle central tenu par les services de la fonction publique territoriale, hospitalière ou d’État, et fournir des attestations aux participants pour déjouer si besoin tout contrôle de gendarmerie au sortir de notre assemblée.

Quelles leçons tirer d’un tel évènement ?

Ce qui a été possible à Breil sur Roya doit pouvoir l’être partout. Cela dépasse la simple anecdote. La bataille politique permet de mettre en échec la restriction de nos libertés en réalisant l’unité de pans entiers de la population et des élus contre l’arbitraire macronien et les décisions aveugles qui paralysent et asphyxient les communes. Il ne s’agit ni de citoyens particulièrement subversifs, ni d’élus spécialement contestataires. Il ne s’agit que de citoyens attachés à la vie sociale et collective, culturelle et démocratique, qui ensemble, indépendamment de leurs désaccords sur une question ou une autre, décident en toute responsabilité, dans le respect des mesures de protections élémentaires, de dire que la vie doit reprendre le dessus.

Les tergiversations d’Emmanuel Macron sur le possible reconfinement témoignent d’une crainte réelle face aux français qui de jour en jour sont de moins en moins nombreux à accepter les diktats du chef de l’État et de ses affidés. Le spectre des émeutes aux Pays-Bas ou au Danemark, les réactions qui se manifestent en Italie ou dans certaines régions d’Allemagne, le refus grandissant de parties de plus en plus importantes des populations, font craindre en France au chef de l’État un mouvement de désobéissance dont on sait comment il peut démarrer, mais dont nul ne peut prévoir l’arrêt.

Breil-sur-Roya montre qu’il est possible de désobéir dans le respect des règles de sécurité et dans l’unité de la population et de leurs élus, quel que soit le bord ou l’étiquette de ceux-ci, dés lors qu’à l’écoute de la population ils savent faire prévaloir l’intérêt général.

La désobéissance, Emmanuel Macron la redoute au point d’injurier les français. Macron déteste la démocratie d’autant plus que sa politique du « quoi qu’il en coute » risque fort d’apparaître dans les mois qui viennent pour ce qu’elle est : une mise à mort différée de milliers et milliers d’entreprises petites ou moyennes, asphyxiées par les remboursements des prêts qui leur auront été consentis, la perte de centaines de milliers d’emplois, l’allongement des queues devant les centres d’aide alimentaire par exemple. Christine Lagarde pour le FMI en appelle pour le remboursement de la dette à « des réformes structurelles ». Il s’agit évidemment des retraites jugées sans doute trop généreuses, de l’UNEDIC ou encore de la sécurité sociale, autant de dossiers sur lesquels Emmanuel Macron avait tenté d’agir avant la crise sanitaire, avec le succès qu’on lui connait.

Christine Lagarde préconise à mots à peine couverts les recettes du FMI utilisées en Grèce durant la crise financière de 2008, qui avaient abouti à l’amputation de 30 à 50% des pensions, à la remise en question de la gratuité des soins, à la liquidation de centaines de milliers d’emplois, publics notamment, à la mise sous tutelle du pays par la Troïka, c’est à dire le FMI, L’UE et la BCE. Elle n’oublie pas non plus ce qui à Chypre avait été mis en oeuvre pour juguler la crise, c’est à dire la confiscation des comptes en banque et de l’épargne de chypriotes.

Ce sont précisément ces sujets qui ont été abordés dans l’université populaire qui en toute transparence a transgressé le couvre feu imposé. Comme dans la vie d’avant, c’est dans un repas partagé que la discussion s’est poursuivie, redonnant le sourire à des visages qui depuis des mois l’avaient perdu. Breil-sur-Roya n’est pas un lieu à part. Ce qui y est possible l’est aussi ailleurs. Reprendre la parole, imposer la liberté, agir collectivement, c’est possible, il suffit d’essayer….

Jacques Cotta
Le 1er février 2021


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