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Les grenouilles qui demandent un roi

mardi 9 février 2021, par Denis COLLIN

La gent marécageuse qui compose la classe politique pousse autant de clameurs que les grenouilles de la fable de La Fontaine — un de nos meilleurs philosophes et penseurs politiques. Il nous faut un Roi ! Et tous de poser leur candidature au poste de nouveau Roi, espérant que Jupin, c’est-à-dire les sondages, les désigne derechef pour ce nouveau rôle. Les sondages parlent donc. Et au poste de nouveau roi, ils désignent déjà l’actuel « locataire de l’Élysée » et son adversaire attitrée, Mme Le Pen, fille du précédent propriétaire de Saint-Cloud. Pour laisser un poil de suspens, on fait monter la tension : peut-être Marine Le Pen pourrait-elle l’emporter d’une courte tête sur un Macron en qui une grosse majorité de Français n’a aucune confiance. Autour, ce serait la débandade. À droite surnagerait un Bertrand qui ferait bon troisième et à gauche c’est encore pire : le total des intentions de vote à gauche peinerait à dépasser les 25 % et comme au royaume des aveugles il faut un roi borgne, Mélenchon est classé « meilleur candidat de la gauche » avec des résultats sondagiers entre 9,5 et 11,5 %, un peu plus que de la figuration, mais à peine.

On répétera qu’à 15 mois aucun sondage n’a jamais donné le bon résultat. Mais un sondage n’est pas plus un pronostic que la température affichée ce matin ne dit qu’il gèlera dans trois mois. >Un sondage prend la température, et de l’opinion publique et des commanditaires des sondeurs. Rien de plus et rien de moins. Et que nous apprend cette prise de température ? Ce que nous savons déjà : la gauche est en pleine déconfiture. Le PS est déconfit de s’être mué depuis déjà quelques décennies en parti libéral-européiste ayant décidé de changer de base électorale pour viser les nouvelles couches moyennes aisées qui vivent (plutôt bien) de la mondialisation. Le PCF est déconfit de son incapacité à enrayer son agonie, de sa soumission aux mêmes modes et aux mêmes couches sociales que le PS. Quelques îlots du continent PCF surnagent, mais avec la montée des eaux, ils disparaîtront fatalement dans un avenir rapproché. L’extrême gauche est retournée à la poussière. Les Verts sont classés à gauche, mais ils ne sont qu’une coalition de petits bourgeois urbains prompts à verser dans toutes les folies du moment. Ils ont prospéré en tant que voiture-balai de la gauche, mais comme la gauche se meurt il n’y a plus grand-chose à balayer. Quant à Mélenchon, son ralliement à la cause islamiste lui interdit de dépasser la masse critique qui lui permettrait de devenir un candidat sérieux pour le second tour, ce qui, par la même occasion lui interdira de se prévaloir d’être le bon candidat unitaire du premier tour. Reste l’hypothèse Montebourg qui devient chaque jour un peu plus certaine, il est encore trop tôt pour en dire quelque chose. L’homme n’est pas antipathique. On lui doit d’avoir mis en circulation quelques thèmes intéressants comme la sixième république et la démondialisation. Cependant, il sait certainement qu’« est bien fou du cerveau Qui prétend contenter tout le monde et son père. » (La Fontaine, Le meunier, son fils et l’âne). Il lui faudra trancher sur la question de l’Europe, sur la laïcité, et alors il deviendra la cible.

Il est encore une hypothèse qui chatouille certains chefs des LR pas encore EM ! Celle d’une droite populaire, plutôt antilibérale et pour le moins « eurosceptique ». Boris Johnson, héraut du Brexit, a remporté les élections en raflant la mise dans le « red wall », c’est-à-dire dans les bastions travaillistes en proposant et en appliquant déjà une politique au moins keynésienne : augmentation de 6 % du salaire minimum, renationalisation de certaines lignes de chemin de fer, soutien au système national de santé et plan sérieux de transition « verte » de l’industrie britannique. Ce « conservatisme rouge », pensent certains, permettrait tout à la fois de rafler une partie de l’électorat RN et de mettre définitivement à terre l’inconsistant macronisme et ce qui reste de gauche. On peut rêver ! Pendant que les torys avaient Churchill, la droite française avait Pétain, ce n’est pas la même tradition ! Les jeunes LR qui se voient déjà dans le costume de « Bo Jo » risquent de tomber de haut.

Tous ces préparatifs du cirque électoral risquent fort de laisser froids les citoyens, qu’on essaie de divertir par les clowneries un peu inquiétantes des identitaristes victimaires de tous poils ou par les divers « #metoo ». On sait que la pandémie, comme toutes les situations de crise, profite à quelques aigrefins de gros calibre : les GAFAM et assimilés, plus généralement la vente par internet, les chaînes de « drive »… et « big pharma ». En un an, les gros milliardaires se sont encore enrichis. Le nôtre, Arnault de LVMH plastronne sur la couverture de Forbes : le voilà troisième derrière Jeff Bezos et Bill Gates (le célèbre bienfaiteur de l’humanité). À SANOFI tout va bien ! On n’a pas vaccin, mais des dividendes on en a puis les bénéfices ont été multiplié par 4, au moment même où on annonce la fermeture de centres de recherche. Comme le dit Don Salluste dans La folie des grandeurs, le célèbre film de Gérard Oury : « les riches, c’est fait pour devenir toujours plus riches et les pauvres pour devenir toujours plus pauvres : » excellent résumé de notre système. Mais le moment où les « déplorables », les « sans dents », tous ceux qui « ne sont rien » vont commencer à dire « #metoo » approche. Il y a déjà des grèves dans toute une série d’entreprises. Il y a un climat qui ne demande que l’étincelle qui produira l’explosion et là on verra qui a la vertu des princes — le courage du lion et la ruse du renard — pour affronter les loups de Wall Street d’ailleurs.