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Climat : vive la bagnole !

mardi 19 octobre 2021, par Denis COLLIN

Un célèbre chroniqueur multiposte et multicarte a réussi le tour de force de liquider le Covid et le réchauffement climatique en quelques semaines. Subjugués, magazines et télévisions entre l’adulation idolâtre et la haine la plus féroce y sont allés de leurs commentaires, invitations et autres débats « intellectuels ». Pendant ce temps, les prix des carburants grimpent sans discontinuer et la « reprise » se heurte à des pénuries récurrentes. Ainsi pendant qu’on parle du « grand remplacement », le CO2 continuerait son inexorable progression !

Pourtant un récent rapport d’étape du GIEC tirait à nouveau la sonnette d’alarme. Ce que dit le rapport du GIEC dont, le plus souvent, on ne connaît que les commentaires journalistiques autour d’un communiqué de presse de quelques pages, c’est que « la Terre brûle et nous regardons ailleurs », comme le disait Jacques Chirac. Soit. On pourrait discuter à perte de vue les diagnostics et préconisations du GIEC pour retomber dans des débats aussi stériles que sur le Covid. Proposons une hypothèse : même si le réchauffement n’est ni aussi terrible ni autant d’origine humaine qu’on le dit, nous avons tout intérêt à prendre au sérieux les hypothèses catastrophiques, car nous ne sommes pas seulement confrontés à l’effet de serre, mais aussi à l’épuisement des ressources naturelles et à la destruction de la biodiversité, toutes choses qui, à terme plus ou moins éloigné, mettent directement en péril la survie de l’humanité, du moins sa survie dans des conditions à peu près humaines. Certes, avec Elon Musk et Jeff Bezos, une partie de l’humanité prépare son transfert sur Mars… mais pour l’immense majorité, nous n’avons que cette Terre qui soit notre sol natal et nous devons préserver notre écoumène.

La difficulté à laquelle nous sommes confrontés est la suivante : la fraction dominante de la classe capitaliste est engagée résolument dans le «  green washing » et voit dans le « capitalisme vert » tout à la fois une occasion de procéder à une vaste destruction de marchandises et de capitaux existants et l’ouverture de nouveaux champs d’accumulation du capital. Et, comme d’habitude, ils se préparent à faire payer les frais de cette opération aux pauvres. L’exemple de la « voiture électrique » est particulièrement éclairant — si j’ose dire. Première phase : on voue aux gémonies la voiture thermique, surtout la vieille voiture thermique interdite maintenant dans de nombreuses agglomérations (les zones à faibles émissions), dont Paris qui montre la voie. Objectif de l’opération : désigner une catégorie de boucs émissaires pour que les bobos parisiens aient quelqu’un à vilipender. La « jet society » est à la manœuvre, car ses avions, ses piscines privées, ses villas gigantesques, son train de vie général ne causent évidemment aucune pollution… les yachts amarrés à l’année dans un port chic ne produisent pas beaucoup de CO2, c’est vrai. Comme dans la fable de La Fontaine, « Les animaux malades de la peste », ils crient tous en chœur « haro sur le baudet ».

Donc, toutes les vieilles bagnoles à la casse. Que toutes ces vieilles bagnoles puissent durer encore longtemps et rendre de bons et loyaux services pendant encore un moment, cela ne gêne en rien les défenseurs acharnés du développement durable. Normal, la seule chose qu’ils veulent durable, c’est le mode de production capitaliste. La deuxième phase est en cours. De nouvelles normes antipollution entrent en vigueur et vont provoquer des hausses sérieuses tout comme l’obligation que les voitures deviennent toutes plus ou moins des hybrides. Même les voitures « low cost » comme les Dacia devront avoir un moteur électrique auxiliaire, ce qui alourdit d’autant les voitures et augmente la consommation de pétrole. Mais qu’importe. Les voitures neuves, ce sont les flottes d’entreprise, les flottes des loueurs… et les vieux. Les membres branchés de la nouvelle classe moyenne supérieure ne sont donc pas concernés. Et, de toute façon, l’augmentation de la voiture ne sera que l’épaisseur du trait de leurs dépenses. Et la troisième phase, vers 2030-2035, ce sera la disparition progressive des voitures thermiques et le tout électrique. Les constructeurs ont déjà averti et qui consulte un catalogue, l’électrique c’est 50 % plus cher que le thermique à puissance et confort équivalent. Mais si à 40 ans tu n’as pas ta Tesla, c’est que tu as raté ta vie.

Mais le climat là-dedans, me direz-vous ? Ah, climat ! Le climat, vous dis-je ! Il faudra produire de l’électricité, couvrir les campagnes d’éoliennes et de panneaux solaires, et ça ne suffira pas. On a fermé les centrales nucléaires dans un certain nombre de pays d’Europe dont l’Allemagne, et on a relancé l’électricité au charbon et au gaz (russe)… Et il faudra bien relancer le nucléaire, qu’on le veuille ou non. Quant aux camions, aux avions et aux porte-container ce n’est pas demain la veille qu’ils fonctionneront à pile… Au passage, signalons que la Chine est le pays le plus avancé dans la voiture électrique, qu’elle produit en masse des panneaux solaires et les composants des éoliennes. La Chine a raté l’étape voiture thermique — à la différence du Japon ou de la Corée, ça n’a jamais vraiment marché en Europe. Avec la voiture électrique, elle tient sa revanche.

Pendant ce temps se poursuivent les gigantesques restructurations du secteur de l’automobile. Des fonderies ultramodernes vont partir à la casse — normal, elles étaient implantées dans les régions industrielles déjà sinistrées. Le groupe Stellantis né au début de 2021 va commencer ses « restructurations » et ça va faire mal.

L’exemple de l’automobile est emblématique de ce qu’organisent les capitalistes « verts » avec le soutien enthousiaste des « verts ». Comme dit Madame Rousseau, il faut augmenter le prix de l’essence : sitôt dit, sitôt fait. Il s’agit de faire une bonne guerre en évitant les à-côtés désagréables des vraies guerres. Mais c’est bien une guerre verte qui est engagée. Une guerre contre les travailleurs, comme d’habitude.

Le 19 octobre 2021 — Denis Collin