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Et si on revenait aux choses sérieuses...

mardi 16 novembre 2021, par Jacques COTTA

Dans son allocution télévisée, le président de la république, air jovial, nous a expliqué que « tout va pour le mieux ». Il a décliné un programme de candidat qui comme il se doit ne peut engager que ceux qui voudront bien y croire. Il sait avec ses conseillers que le coeur des préoccupations des français n’a pas grand chose à voir avec les délires « zemmouriens », « le prénom des enfants du voisin » par exemple, dont nous abreuvent radios et télé au quotidien. Ce qui compte, et qui apparait clairement, ce sont les conditions d’existence concrètes, précises auxquels nous sommes tous assujettis. D’ailleurs, Emmanuel Macron n’a pas évité la question en assénant que « le pouvoir d’achat est en progression ».

La réalité : le pouvoir d’achat

Le président de la république s’appuie sur les études de l’INSEE pour se rassurer. Mais à y regarder de plus prés, il devrait prendre garde car les assertions sont trompeuses.

  1. Pour faire ses calculs, l’INSEE additionne les revenus des français — par exemple les salaires, les revenus des indépendants, les revenus du patrimoine, les loyers perçus, les dividendes… avec les prestations sociales versées (retraites, allocations-chômage…) puis soustrait les intérêts payés, les prélèvements obligatoires (taxes, impôts, CSG…) et ramène enfin le résultat à l’individuel en unité de consommation. Ce qui ne permet pas de tirer de conclusion d’ensemble car il suffit qu’un ait beaucoup gagné en pouvoir d’achat, que plusieurs aient beaucoup perdu, pour que le solde demeure tout de même positif.
  2. L’inflation est sous évaluée, ce qui dans la période qui s’ouvre est lourd de conséquence. Cela permet de dégager du pouvoir d’achat, étant entendu que là où les prix augmentent, en général les salaires ne suivent pas, ou pas dans une mesure équivalente.
  3. L’INSEE passe à la loupe des milliers de produits pour observer l’évolution des prix. Or, les prix des meubles, de l’électroménager, des biens durables ont une tendance à la baisse lorsque à l’inverse les prix des bien d’achat fréquents, le pain, les boissons, les fruits, etc… ne suivent pas du tout la même trajectoire, vont même en sens inverse. Bref, ce qu’un français achète tous les jours augmente.
  4. L’INSEE ne prend pas en compte les prix de l’immobilier. Selon l’institut, le pouvoir d’achat se calcule à travers la consommation, or le logement immobilier est considéré comme un investissement….

Les faits sont têtus

Les prix qui comptent, ceux auxquels nous sommes quotidiennement confrontés augmentent de façon vertigineuse.

 >Ceux de l’énergie annoncent un réveil cauchemardesque lorsque EDF exigera le paiement des factures momentanément bloquées.

 >Ceux des carburants qui ne cessent de grimper contraignent à des choix dramatiques des millions de nos compatriotes contraints de prendre leur véhicule pour aller travailler.

 >Ceux des aliments de première nécessité, eau, fruits, viande, pâtes… jettent dans la précarité alimentaire des centaines de milliers de nouveaux pauvres dont les bataillons sont composés au bas mot d’une dizaine de millions de nos compatriotes.

La liste est longue.
Le moral repart à la baisse. Avec le pouvoir d’achat, le travail est une des préoccupations principales des français. Nul n’est dupe. Les médias ont beau expliquer que des centaines de milliers d’emplois sont vacants malgré la reprise engagée, que le chômage est au plus bas, de sous entendre lorsque ce n’est pas affirmé explicitement que les chômeurs portent la responsabilité de leur chômage, le sentiment qui domine est l’inquiétude de perdre son travail et avec lui les seules ressources permettant de vivre et faire vivre sa famille.

Déjà des centaines d’entreprises ont dû fermer leur porte. D’autres ont bénéficié d’un sursis, mais avec les mesures annoncées et la remise à zéro des compteurs, avec l’obligation prochaine des remboursements de prêts pour lesquels l’état s’est momentanément porté garant, le souci est légitime…

L’échéance approche

Emmanuel Macron est conscient de l’incertitude qui domine et de l’instabilité qui menace. C’est la raison pour laquelle depuis le mois de septembre l’argent coule à flot.

  • Dans l’espoir d’un retour sur investissement aux élections présidentielles qui se dérouleront dans cinq mois, il a annoncé un plan d’investissement de 34 milliards d’ici 2030, ce qui évidemment ne l’engage pas, à moins qu’il ne considère l’éventualité d’une présidence à vie.

Ce que ne dit pas ce plan qui se veut généreux, c’est la volonté gouvernementale d’inscrire dans le budget de l’état le remboursement en prenant sur ses dépenses, principalement celles qui concernent les services publics, et en attaquant le dossier « protection sociale » dont le président annonce qu’il demeure une de ses priorités.

  • Emmanuel Macron a également évoqué sa générosité qui depuis septembre le verrait payer sans compter. 5,8 millions de ménages devaient bénéficier d’une hausse de 100 euros du chèque énergie, mesure en réalité dérisoire qui revient à compléter 4 pleins d’essence pour aller travailler. Outre 50 millions pour aider les pêcheurs, les autres montants évoqués n’ont pas grand chose à voir avec les difficultés quotidiennes des français. 500 millions d’euros sont affectés à un programme de prêts à des états étrangers pour faciliter le commerce extérieur de la France, 500 millions d’euros pour le Beauvau de la sécurité, dont une grande partie pour le renouvellement d’armes de répression, 400 millions pour la réhabilitation des friches, 300 millions pour les territoires d’industrie, 100 millions pour le fond de solidarité pour le développement et 82,8 millions supplémentaires pour la contribution à la facilité pour la paix.

L’urgence dans laquelle il a indiqué le maintien des « coups de pouce », ou leur augmentation, qui souvent ne sont que poudre aux yeux, indique l’inquiétude légitime du gouvernement.

En réalité, Emmanuel Macron et le gouvernement peuvent avoir un sujet de satisfaction. Ils ne pouvaient espérer la tranquillité que leur assure la gauche qui, en toute logique, devrait faire de ces questions l’axe pratiquement exclusif de ses discours, dans la préparation de l’échéance électorale comme des affrontements inévitables à venir.
Mais la gauche a t’elle encore grand chose à voir avec les affrontements à venir depuis qu’elle a décidé d’abandonner de fait le combat pour la transformation sociale et depuis qu’elle semble s’être transformée en gauche du capital ?
Voir ici : Questions aux candidats

Les organisations syndicales sont muettes…
La gauche politique est réduite à sa plus simple expression, incapable donc de répondre sur le terrain de la lutte des classes…
Macron se verrait presque sorti d’affaire grâce à un duel joué d’avance contre Zemmour ou Le Pen, mais ce serait une grave erreur. L’histoire nous enseigne en effet que les classes populaires — l’immense majorité de la société — ont leurs ressources propres souvent indépendantes des partis, et souvent, sans bien comprendre ni pourquoi, ni comment, elles peuvent faire irruption et bouleverser tous les pronostics…

Jacques Cotta
Le 16 novembre 2021

Messages

  • BONJOUR Merci pour vos billets souvent tres pertinents
    Pour les elections de 2022 j’ai peur que les français continuent a etre des vaux comme le disait l’autocrate de Colombey

  • en ce qui concerne la prime de 100 euros, absolument dérisoire : une cuve de fuel de 1000L : entre octobre 2020 et octobre 2021 = 350 euros d’augmentation !!!!! 100 euros, c’est mieux que rien, mais c’est se foutre de la gueule des petits en leur saupoudrant quelques menues monnaies !!

  • J’ai fait comme G Pérec j’ai fait disparaitre le E de veaux C’est l’age mon bon monsieur !

  • Bonjour,
    Je viens de prendre connaissance de votre vidéo d’environ 8 minutes. D’abord dire qui je suis : depuis trois ans ( fin 2018), un activiste climatique de terrain dans une ville proche de Lille ! ( Et très anciennement un militant trotskiste lambertiste de terrain dans les années 70 !) Par ailleurs, j’ai découvert le programme de BIFURCATION ECOLOGIQUE de JL Mélanchon ( par un meeting en visio assez intéressant, puis par la brochure qui y était consacrée) puis toujours en visio, par un meeting de lui toujours, à propos de l’ EAU, assez remarqué et remarquable pour un homme politique ( je n’en connais aucun qui aurait porté la thématique de l’ EAU à son agenda !).
    Mon candidat ECOLOGISTE pour 2022 est JL Mélanchon. J’ai boudé la primaire écologiste, je boude la primaire dite populaire, et j’ai choisi JL Mélanchon, alors que je ne suis ni LFI, n’ai jamais été Front de Gauche ou parti de Gauche, ni n’ai appartenu aux VERTS.
    Je ne vois dans vos propos aucune divergence significative avec ceux de LFI ou de l’ Union Populaire. Alors pourquoi "rester sur la touche" en sifflant l’arbitre et ne pas contribuer à la seule candidature sérieuse. Je ne comprends pas ! Dites-moi ! Argumentez-moi ce qui vous déplait dans le programme de JLM, je parle bien du programme, et pas de l’individu avec lequel vous avez peut-être " taillé des croupières" dont je n’ai rien à foutre !
    Merci. André Bosquart, Ensemble pour le Climat-Villeneuve d’ Ascq

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