Accueil > Débats > Retour sur le « voile », cet habit politique qui ne fait pas le (...)

Retour sur le « voile », cet habit politique qui ne fait pas le moine

mardi 1er novembre 2022

Dans le rétroviseur : nous republions un article publié une première fois en 2005 sur une ancienne version de notre site. Sa relecture aujourd’hui nous a semblé utile.

par Laurence Guého & Jérôme Maucourant

Il semble que les passions relatives à ladite « loi sur le voile » soient retombées. Le ministère de l’Éducation nationale se rassure en publiant des statistiques faisant état d’un nombre finalement peu élévé de difficultés à la rentrée scolaire 2005. Toutefois, les questions qui ont été soulevées alors ne s’évanouiront pas par enchantement ; sans retour sérieux sur la question, c’est bien à un déplacement des affects que nous risquons d’avoir à faire pour les années à venir.
La nature de la question posée durant le débat portant sur les « signes ostensibles » à l’école était très particulière. On manifestait « pour le voile » revendiquant au passage les mots inscrits au fronton de la République et désirant, ostensiblement, ouvrir la France à une conception moins « rigide » de la laïcité, de façon à ce que ce pays jugé archaïque entre dans les canons supposés bienfaisants d’un multiculturalisme dont l’Amérique et certains pays d’Europe seraient les parangons. À l’inverse, certains « antivoiles » justifiaient leurs positions en laissant entendre que l’islam, à l’inverse du christianisme, n’est pas compatible avec la laïcité et qu’il convient, par conséquent, d’en écarter les signes les plus manifestes, comme le voile, afin de sauvegarder le « pacte républicain ».
Merveilleux huis clos à trois personnages. La victime : une beurette sur-identifiée mais non définie, une République qui peine de façon croissante à se renouveler et se définir elle-même et une bonne fraction de la population qui n’en a pas fini avec le racisme et qui reste peu capable de soubresauts créatifs.
Le débat a très largement stigmatisé la victime, mais aussi le jeune « Arabe des banlieues » a priori séduit par un courant fanatique, devenant un bourreau insultant, violeur, incontrôlable voire enclin aux propos fascisants. On a créé une série de portraits types et même inventé des faits divers ! C’est un quadrillage global auquel nous assistons, et c’est une aubaine pour une société qui prend de plus en plus l’allure d’une société de contrôle. Quadrillage duquel personne n’échappe et dont voici les principaux protagonistes. La jeune fille arabe comme « pute » ou comme « imbécile » soumise à des principes religieux archaïques ; le jeune garçon arabe, comme monstruosité de masculinité répressive et régressive, et enfin, le Français laïc, enfant de la colonisation, réactionnaire et hébété devant les mutations sociétales.
Or si la télévision a besoin de produire des personnages archétypaux pour son show,
il est cependant possible de s’extraire de cet agencement dont le caractère stérile peut être montré en s’attachant à mettre en évidence les occultations révélatrices faite par les parties prenantes au débat et en rappelant la signification que le port du voile revêt, si l’on peut dire… Toutefois, se débarrasser des faux problèmes ne consiste pas à fuir le problème général des signes ostensibles portés dans l’enceinte scolaire, qu’ils soient politiques ou religieux, ou, comme il est possible d’en faire l’hypothèse, qu’ils soient de nature politique sous une gangue religieuse.

On insiste souvent sur le caractère singulier du christianisme en rappelant que les Évangiles rendent « à César ce qui est à César et à Dieu ce qui serait à Dieu » ; or, le pouvoir chrétien fut, presque toujours, bien loin de l’exégèse évidente qu’on fait aujourd’hui de la parole christique. Faudrait-il, ainsi, oublier les rapports changeants de soumission ou d’enchevêtrement entre César et Dieu, comme le montrent à l’envi les exemples du pouvoir byzantin et du gallicanisme ? Que les chrétiens aient pu être si libres avec des textes pourtant peu équivoques pour nous, au moins en apparence, montre à quel point l’essentialisation de l’islam, du christianisme et du judaïsme, est un jeu vain. C’est dans cette négation de l’historicité du fait religieux, de ses inscriptions culturellement multiformes (peut-on amalgamer l’islam tunisien, celui du Liban, celui de la péninsule arabique et celui de l’Indonésie ?), que de longues dissertations sur « l’adaptation de l’islam à la modernité » sont écrites. En réalité, toutes les pratiques religieuses s’inscrivent dans des significations multiples que les croyants attribuent à leur credo respectif.
D’ailleurs, l’islam ne s’est pas construit contre les principes du pouvoir chrétien dominant de l’époque ; il s’est inscrit dans la droite ligne du gouvernement byzantin (Rabbah, 2005) où l’indistinction du temporel et du spirituel était la règle et où la pratique politique majeure consistait à arbitrer entre des communautés confessionnelles politiquement constituées. Le Liban, à cet égard, dernier vestige des anciennes logiques politico-religieuses, byzantine, arabe et ottomane, est un pays où l’identité première de l’individu est la confession, qu’il le veuille ou non. Il y a peu, un projet de mariage civil fut rejeté par les dignitaires religieux libanais, musulmans comme chrétiens, effrayés à l’idée de perdre de leur influence politique sur leurs ouailles respectives, car c’est bien de politique dont il s’agit quand il est question de religion dans un État confessionnel.
Pourtant, les chrétiens orientaux, peu à l’aise en général avec les principes de laïcité, adaptent vite leurs comportements dès lors qu’ils vivent dans les diasporas de l’Occident sécularisé, parce que, n’étant pas musulmans, on ne les renvoie pas systématiquement à une essence culturelle. Or, du point de vue social et politique, que de proximités entre chrétiens et musulmans d’Orient ! Il ne s’agit pas de signifier ici que l’Orient serait par nature imperméable et intangible : comme toutes les sociétés de l’Orient arabe, le Liban, pour reprendre cet exemple, a connu des dynamiques de laïcisation très forte avant ladite « guerre civile » (1975-1990). En aucune façon, l’Occident n’a le monopole de la laïcité et c’est bien souvent la volonté de contrôle de ces sociétés qui en brise la laïcisation (Gautier & Maucourant 1991).
Il est donc de mauvaise méthode d’essentialiser toute culture religieuse, ce qui est fort pratiqué par de prétendus universalistes, faux républicains en réalité prisonniers de schémas de pensée culturalistes. C’est une telle interprétation essentialiste de l’islam qui permet à des clercs d’un nouveau genre, prétendument laïcs, d’extraire, en vertu d’une « mission sacrée de la civilisation », les musulmans du champ commun de la politique et de la visibilité sociale. C’est ce faux universalisme qui excite ces « intellectuels » à ferrailler contre le voile, à sanctifier une nécessaire « guerre des civilisations » sous le prétexte de lutter contre la « terreur islamique (ou islamiste) » et, dans le même mouvement, à justifier la colonisation totale de la Palestine.
Mais, l’essentialisation de l’islam n’est pas le monopole de ces clercs médiatiques qui se disent héritiers des valeurs judéo-chrétiennes. En effet, la lecture des textes religieux fondateurs faite par l’islam politique renforce les préjugés contre l’islam parce que, effectivement, sont affirmés, au nom d’un seul islam, des postures de pureté et d’identité destructrices du lien social tel qu’une communauté de femmes et d’hommes libres le conçoit. Cet islam politique s’est développé à cause de l’échec politique, social et militaire des nationalismes arabes. La volonté impériale des États-Unis, devenus protecteur d’Israël avec la complicité de l’Europe culpabilisée, explique une part de cet échec qui n’a pas entamé la volonté d’autonomie des peuples arabes mais a influé sur la manière de penser les moyens de cette autonomie. Le fait que les nationalismes arabes fussent trop laïcs, proches ainsi de l’Occident, a suggéré l’explication selon laquelle c’est la sécularisation qui est à l’origine de la corruption morale et de la défaite politique [1]. C’est dans ce contexte que le voile s’est répandu. Chez les musulmans d’Occident, c’est ce même mouvement d’invention d’une pureté originelle qui fut la réponse à une situation d’échec de l’intégration dans toute l’Europe, de la Hollande à la France. Partout, il ne s’agissait que de lutter politiquement pour l’existence.
Or, les vieilles armes que l’histoire donnait immédiatement, lesquelles étaient bien sûr réinventées, furent utilisées par l’islam politique dont le projet est effectivement, il ne faut pas le cacher, de détruire l’idée d’une cité libre où, notamment, l’enfant n’appartient ni à l’État, ni à la famille ni à une religion mais à lui-même, la République lui donnant seulement les moyens de la construction de sa liberté. Le voile est un vêtement politique ; comme tel, il n’a rien à faire à l’école. Mais, cette position n’est en rien un jugement sur l’essence de l’islam [2]. La laïcité défendue ici pourra être jugée « fermée » selon les canons de la Sainte Nouvelle Alliance de l’Église catholique et de l’islam politique parce qu’elle est une matrice de l’autonomie individuelle. Or, rien de plus ouvert que cette laïcité qui se définit, entre autres, par le droit à un scepticisme permettant des quêtes, des analyses et des apprentissages communs. L’Église du XIXième siècle luttait contre la laïcité parce que les enfants devaient apprendre « sur les genoux même de l’Église » ; la Sainte Nouvelle Alliance dénature le concept de laïcité en affirmant que le port du voile à l’école est un signe de liberté individuelle et considère que la laïcité, comme la définissent les lois de 1882 et 1886, est une obligation qui concerne les institutions, les programmes scolaires, les enseignants, et non les élèves. C’est ainsi que les droits communautaires et familiaux sur l’enfant devraient être reconnus, changeant ainsi la nature de l’État laïc en un État confessionnel : belle perspective !
Le discours de l’islam politique n’est donc pas l’« islam », catégorie plurielle : ce discours, c’est, entre autres la ponction de dividendes sur un capital victimaire constitué du colonialisme, de l’impérialisme, etc. Dépositaires de la gestion de la dette morale supposée de l’Occident, ces prêtres politiques islamistes, aidés en cela par d’autres prêtres politiques monothéistes (juifs et chrétiens), revendiquent — ou soutiennent — le voile dans l’école laïque pour mesurer leur importance. Au nom de la « liberté religieuse » [3], ils persuadent les jeunes musulmanes de se voiler, celles-ci pensant trouver ainsi une façon de s’affirmer dans un monde trop souvent discriminatoire à leur encontre. À leur corps défendant, elles nourrissent la constitution d’un capital politique sur cet Occident toujours coupable, forcément coupable. La circulaire de 1936, héritée de l’époque où la politique su faire plier le religieux chrétien, aurait pu suffire : une loi était inutile dans l’absolu.
A notre époque où une minorité décidée a compris qu’elle pouvait faire de la politique avec du confessionnel, il n’est pas possible d’admettre que les enfants dans les écoles soient interpellés par des questions d’identités, de religions, de particularismes avec tout ce que cela implique dans un contexte peu serein. Mises à l’écart, « prisons des catégories » : « dis-moi quelle est ta confession, je te dirai si on peut être copains. » Soyons plus nets encore : il ne faut plus que des jeunes filles soient insultées parce que non voilées, que des censeurs d’un nouveau genre fassent ainsi la police des corps, que soient traités de « sales juifs » ceux qui refusent de révéler leur confession, que soit posée une seule fois la question de savoir si, dans les établissements scolaires, il ne faudrait pas créer des classes « confessionnellement pures ».
N’oublions pas que l’écolier n’appartient qu’à son devenir. Va-t-on au nom de la sanctification de la différence, et pour expier les péchés coloniaux, dépénaliser l’excision comme certains relativistes l’avaient demandé autrefois ? Contre ceux qui font de la politique, il faut faire de la politique et affirmer : l’école n’est pas un lieu politique, ce n’est pas une entreprise, c’est une institution où se forme l’autonomie du jugement. Exit donc, selon nous, tous les marqueurs identitaires dans cette enceinte qui doit rester indemne du sacré et de toute politisation du sacré. Croix, hijab et kippa etc. n’ont pas leur place dans la République des femmes et hommes libres. Il est donc possible de sortir du jeu de miroir des lectures faussement savantes sinon le port du voile sera alors un gisement inépuisable à partir duquel ces clercs autoproclamés extrairont des bénéfices médiatiques.
Revenons sur la division de cette nouvelle cléricature médiatique qui monopolise le débat. Les premiers clercs, alliage incertain issu du mélange de prêtres en tout genre, avides de revanche sur l’idéal laïc, et d’une certaine gauche « cool », voyant le fascisme là où il n’est pas et se voilant la face là où il est, en appellent à la lutte contre le racisme, l’« islamphobie » et l’intolérance, et exigent le « libre choix des femmes ». Mais quelle place donner aux droits à l’avortement et à la contraception dans cette coalition hétéroclite, où voisinent les tenants d’un retour à un ordre archaïque du religieux et des « postmodernes » apeurés à l’idée de ne pas être dans le coup, l’histoire n’étant pour eux que le jeu informe du balbutiement du présent ? Les seconds clercs manifestent, de leur côté, une inquiétude pour le lien social, alors que la montée du chômage ne les a pas outre mesure choqués une fois en vingt ans ; ces mêmes « républicains » de circonstance sont soucieux du sort fait à nombre de femmes arabes, mais ils ne disent rien du démembrement continu de la Palestine depuis un siècle, Palestine où vivent des Palestiniennes… Une autre dimension de la question du voile doit être soulignée. De la même façon que les protagonistes habituels du débat sont des culturalistes lassants qui s’ignorent souvent, ils sont par ailleurs pleinement enchâssés dans l’idéologie de la société de marché régnante. « Républicains » laïcs, d’une part, et islamistes, d’autre part, sont tous oublieux de la question sociale. Les premiers occultent les difficultés socio-économiques du régime capitaliste qu’ils chérissent. Les seconds, loin des nationalistes arabes socialisants, louent la réussite marchande comme preuve d’une bonne pratique de l’islam [4]. Ils peuvent même se féliciter de ce que les royaumes des marques capitalistes renforce le pouvoir de Dieu : il existe des « tenues islamiques » à l’usage des femmes pauvres et d’autres, à destination des femmes aisées…
En réalité, la question du voile a été traitée en conformité avec ce que les sociétés libérales contemporaines savent si bien faire depuis les années 1960 quand le pilier de leur légitimité a été ébranlé : récupérer toute dénonciation des dominations, englober toute forme d’« extraction » des liens aliénants que nous impose le capital. Exit le social, bienvenue au tout sociétal : la stratification de la société est faite non plus en vertu de critère économique ou politique (la classe), mais d’après l’identification des appartenances à un groupe religieux, culturel ou sexuel. Chaque fois que l’on revendique une nouvelle identité ou sa représentation sociale, on crée un nouveau combustible du capital ! Promouvoir les droits d’une communauté identitaire, c’est aussi une victoire du libéralisme dans sa capacité à séparer les individus pour ensuite mieux les agréger dans une société sans communauté humaine : « Comme si l’énergie critique avait trouvé un exutoire de substitution dans la lutte pour des différences culturelles qui laissent intacte l’homogénéité basique du système-monde capitaliste » (Zizek, 2004).
Il faut donc faire place au voile, non en l’acceptant dans l’enceinte scolaire, mais en reconnaissant à l’adolescente et à sa famille un respect que ne lui témoigne pas la société en général. Pensons au modèle turc : ne faudrait-il pas rappeler à toutes les familles que ce pays est incontestablement musulman et que les Turcs soutenant les acquis du kémalisme ne sont pas de « mauvais » musulmans ? Nous savons que ce type d’argumentation devrait être rejeté par l’Église, l’islam politique et une certaine gauche, si amoureuse des différences et des identités. Mais, le dialogue ne concerne pas ces forces politiques qui veulent investir l’école, mais des personnes. Et ce sont ces personnes qui nous intéressent, conscients que nous sommes du danger qu’il y a à les exclure de l’école, conscients que nous sommes, aussi, du danger à accepter tout habit politique1 dans l’école, ce qui n’est pas porteur des valeurs d’émancipation que nous défendons.

Références

– Amil M., (1996) L’État confessionnel, Editions La Brèche, Montreuil, Préface de Georges Labica, traduction et introduction Marwan Mansour — El Khoury.
– Gautier C., Maucourant J., (1991) « L’Occident contre les sociétés civiles », Cahiers de résistances, Paris.
 Keramat S. (2004), « Le hijab en France, une bataille pour l’uniforme politique islamique », www.solidarite-irak.fr, 22 janvier.
– Rabbath E., (1985) Les chrétiens dans l’islam des premiers temps, Beyrouth, Publivations de l’université libanaise.
– Namazie M. (2004), « Bas les voiles ! à propos du débat sur la laïcité et les droits des femmes », www.solidarite-irak.fr, 30 janvier.
– Zizek S., Plaidoyer en faveur de l’intolérance, Climats.


[1Saeed Keramat (2004) écrit : « Le costume prévu par le code islamique pour la “femme politique musulmane” est un moyen pour faire passer un message. En le faisant, elles disent : “Je rejette les valeurs des sociétés occidentales : les droits civils dont bénéficient les Occidentaux n’ont pas été acquis par les mouvements sociaux progressistes, mais ils ont été donnés par les états pour corrompre leurs citoyens”. Les femmes voilées renforcent la conception patriarcale de l’islam et disent : “Je crois que la femme est la source de la corruption. Pour résoudre le degré de corruption de la société, j’ai choisi une position responsable et j’ai couvert les traits féminins de mon corps ». Bien des gens ne voient pourtant pas cette mission du hijab, ils ne sont pas en mesure de voir les valeurs et les objectifs des États et des groupes islamiques ».

[2Pour Maryam Namazie (2004) « Nos chers anti-impérialistes prétendent que défendre la laïcité équivaudrait à défendre “l’État impérialiste français et son système d’éducation”. La lutte pour la laïcité et les droits des femmes n’a rien à voir avec un quelconque soutien apporté au gouvernement français et à tout à voir avec la défense des valeurs progressistes (…) Si l’on pousse ce genre de pseudo “raisonnement” jusqu’au bout, personne en France n’aurait dû, par exemple, s’opposer à la guerre en Irak par crainte de soutenir l’État impérialiste français. Ces anti-impérialistes sont si résolument anti-impérialistes qu’ils ne peuvent être rien d’autre ».

[3Ceci ne manque pas de piquant, sachant que la liberté religieuse est la première victime de l’État confessionnel comme l’a démoontré Mahdi Amil !

[4Un parallèle serait à faire avec la thèse de Weber sur le protestantisme et l’« esprit du capitalisme ».

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.