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Le projet LIOT, expression de l’impasse politique

jeudi 1er juin 2023, par Jacques COTTA

A quelques jours de la date fixée à l’assemblée pour l’examen éventuel de la loi LIOT, à l’intérieur comme à l’extérieur du palais Bourbon, les commentaires et spéculations vont bon train.

Pour les uns, agité comme un épouvantail censé faire peur à la macronie, ce projet de loi viserait l’annulation pure et simple de la loi retraite de Macron.

Pour les autres ce projet de loi serait un leurre car dans le cas d’un vote positif, la loi serait inapplicable et jugée sans doute non conforme à la constitution par le conseil constitutionnel lui-même.

Mais pourquoi donc une telle agitation pour ce qui ne devrait être au fond qu’un non évènement ?

Depuis que Macron a fait de la réforme des retraites une reforme politique destinée à soumettre toujours plus les travailleurs, salariés, jeunes, retraités, le peuple français, la question n’est plus à proprement parlé celle des retraites.

La véritable question, c’est Macron, et personne d’autre ! « Grève, blocage, Macron dégage » est devenu au fil des jours la volonté clairement et consciemment exprimée.

La Macronie craint le vote de ce projet LIOT non pas pour son effet sur les retraites, qui serait en réalité assez limité et dont elle n’a en réalité pas grand chose à faire, mais pour le désaveu politique qui serait officiellement infligé à l’exécutif et au président de la république lui-même. Alors qu’il tente de « passer à autre chose » cela le ramènerait à la case départ, à une contestation réaffirmée de sa personne et de sa fonction.

Pour Macron, le vote de ce projet LIOT serait politiquement dévastateur même si socialement il y a fort à parier que son effet serait assez limité.

L’opposition politique s’accroche elle à ce projet de loi non pas d’abord pour son effet sur les retraites, mais surtout pour trouver le moyen de positiver l’impasse dans laquelle toutes les formations sont plongées.

Elles redoutent en fait la crise qui demeure latente et menace sur ses bases la Ve république, sa constitution, ses institutions. Une fois encore le caractère totalement antidémocratique de la Ve république explose au grand jour.

Du coup la volonté de mettre Macron dehors se heurte à une question récurrente : le remplacer par qui ?

Ils fourbissent tous leurs armes et songent aux prochaines élections. Déjà la liste s’allonge pour savoir qui se met dans les starting-block quatre avant l’échéance des prochaines présidentielles. L’absurdité de politiques hors sol qui apparait de toute part tient dans le respect de la Ve république que l’épisode retraite a pourtant mis au grand jour pour son caractère totalement anti démocratique, bonapartiste bâtard, arme aux mains d’une oligarchie et d’un monarque qui se veut tout puissant et use comme il l’entend des articles mis la constitution à sa disposition, les 47-1, 44-3, ou autre 49-3, et maintenant le 40 !

C’est ce même respect de la Ve république qui a interdit à toutes les organisations, syndicales et politiques, d’aborder la seule perspective qui dés le début s’imposait, l’appel à la grève générale, pour mettre Macron et sa politique en échec.

Dés lors la réponse réelle qui intéresse les travailleurs dépendants et indépendants, les ouvriers, salariés, jeunes, retraités, les familles et habitants des quartiers, n’est pas remplacer Macron par qui, mais par quoi ! Tel devrait être le débat. Dans le contexte international, arrêter le financement de l’industrie de guerre et diriger les milliards qui y sont destinés vers l’intérêt général, le bien commun. Affirmer la nécessité d’en finir avec la Ve république, de restaurer la démocratie, de donner priorité à l’enseignement, la santé, au travail, aux salaires, aux moyens de vivre tout simplement…

Jacques Cotta
Le 1er juin 2023

Messages

  • Merci pour ce nouvel article, monsieur Cotta.
    Est-ce la Ve République qui est "totalement antidémocratique", ou est-ce l’usage que Macron et son gouvernement en font ? De Gaulle avait dans l’idée d’utiliser le 49-3 pour s’opposer au Parlement, lorsque la "volonté du peuple" s’opposait à un projet de loi majoritaire des députés. Dans le cas de figure présent, c’est le contraire : le 49-3 sert à entériner une décision du gouvernement en s’opposant au Parlement ET à la volonté du peuple. Le problème ne semble pas tant venir du 49-3 que de l’opposition anti-démocratique entre la volonté du gouvernement et la volonté du peuple.
    Une VIe République serait-elle en mesure de garantir une soumission de la volonté des gouvernants à la volonté des gouvernés ?
    Bien à vous,
    FS

    • Bonjour,
      Tout outil ne peut être apprécié que lorsque il est manié par un spécialiste.
      En fait il en est de même avec la constitution.
      Sans partir sur les intentions des uns ou des autres, y compris de De Gaulle ou Debrè, lors de la rédaction de cette constitution, admettons que "l’épisode retraite" met à jour l’étendue des possibilités qu’elle offre objectivement aux gouvernants. A chaque étape on nous sort un article de la constitution qui permet au chef de l’état de décider comme il l’entend, seul contre tous. Nous pouvons donc admettre aussi, il me semble, que cette constitution contient tous les éléments qui permet de la qualifier d’antidémocratique...

    • Bonjour,
      Tout outil ne peut être apprécié que lorsque il est manié par un spécialiste.
      En fait il en est de même avec la constitution.
      Sans partir sur les intentions des uns ou des autres, y compris de De Gaulle ou Debrè, lors de la rédaction de cette constitution, admettons que "l’épisode retraite" met à jour l’étendue des possibilités qu’elle offre objectivement aux gouvernants. A chaque étape on nous sort un article de la constitution qui permet au chef de l’état de décider comme il l’entend, seul contre tous. Nous pouvons donc admettre aussi, il me semble, que cette constitution contient tous les éléments qui permet de la qualifier d’antidémocratique...
      Bien cordialement,
      J

  • A titre personnel, je partage l’analyse de ce texte brillant, mais pourquoi ne pas ajouter dans sa conclusion que, pour réaliser ce changement de cap, la France doit sortir de l’UE, de l’euro et de l’OTAN ? Je dis cela au moment où la Commission européenne somme le gouvernement de la France (qui s’exécute aussitôt...) de liquider Fret-SNCF, si bien qu’on aura bientôt à sa place une entreprise privée rebaptisée New Fret, en Globish.
    En réalité, si l’on ne retire pas la France de l’étau euro-atlantique facteur de guerre mondiale et d’austérité sans fin, il est illusoire de promettre un changement démocratique purement interne. Progrès social, souveraineté populaire et souveraineté nationale ne font qu’un.
    Cordialement, GG

    • Bonjour,
      Vous savez certainement en lisant "la sociale" que nous sommes ici partisans sans restriction à la sortie de l’UE, de l’euro, de l’OTAN et de la souveraineté nationale remise en question par les europhiles de tout poil. Mais faut-il conditionner toute réaction possible sur le terrain national à ces conditions ? Ce qui en gros signifierait que rien n’est possible tant que ces sorties et ruptures ne seront pas opérées. Et d’ailleurs, ces instances ne sont pas aux mains d’un satan invisible. Elles sont gérées par les chefs d’état aux ordres du capital, pour son service. Les combattre notamment pour recouvrer notre souveraineté ne passe-il pas par le combat ici, sur notre propre terrain, contre la politique macroniste et Macron lui-même qui affirme sa volonté d’une souveraineté européenne contre la souveraineté nationale ?

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