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Pour une réévaluation générale des stratégies révolutionnaires

lundi 27 novembre 2023, par Jean-Michel TOULOUSE

Nous sommes bientôt en 2024 et les perspectives politiques sont gravement inquiétantes. Le constat a été établi par assez d’auteurs et de militants pour qu’il me soit permis d’être bref.

LE CONSTAT

Au niveau international, la contradiction dialectique est profonde : d’un coté la bourgeoisie internationale resserre les rangs quitte à tolérer un hegemon qui dicte sa politique de conservation de son système capitaliste-mondialisé-financiarisé, les Etats-Unis essayent de gérer un Capital qui fonctionne sur une combinaison entre capital « matériel » et capital « fictif » (on peut le traduire avec deux chiffres : PMB-produit mondial brut-:85000 milliards de dollars, et total des titres classiques et « dé rivés »:850000 milliards de dollars, évalués en 2018, il y a donc 5 ans), ceci avec un accroissement exponentiel des inégalités dans tous ces pays capitalistes ; et de l’autre coté des peuples dont la paupérisation s’accroit en raison inverse, et qui subissent des atteintes de plus en plus importantes aux libertés publiques et aux droits démocratiques qui sont pourtant les vitrines potemkiniennes affichées du capitalisme, en même temps que l’inflation, les bas salaires, les prix de l’énergie et des logements les mettent en cessation de paiement dés le 15 du mois !

Au plan national -mais c’est une situation que connaissent tous les pays capitalistes- on assiste à la montée des extrêmes-droites, fascisantes ou non, les deux derniers exemples, après l’Italie étant l’Argentine et bientôt les Pays-Bas. On sait que la France, en pleine faillite économique et politique (200 milliards d’euros de déficit de la balance des paiements en 2022, secteur industriel ne pesant plus que 9% du PIB, et déconsidération totale de notre pays sur tous les continents), va connaître une période électorale dés 2024 puis ensuite en 2027, qui sera déterminante pour l’avenir du pays.

Or la droite prépare son dispositif activement avec une alliance potentielle RN-Renaissance-Horizon -Modem-Reconquète (On voit bien que Darmanin est chargé de lancer les ballons d’essai d’ici 2027), en cela elle n’aura rien d’original puisqu’elle ne fera que singer ce qui se passe dans d’autres pays de l’UE (Italie, Pays-bas bientôt entre autres).

Quant à la « gauche », incapable d’analyser l’évolution du capitalisme et entièrement ensevelie dans le système politique bourgeois, elle ne vise qu’à reproduire la « gauche plurielle » qui a donné les résultats que l’on connait entre 1983 et 1986, entre 1997 et 2002, puis avec une autre formule entre 2012 et 2017. Les disputes à l’intérieur de la NUPES permettront même peut-être à la droite de se passer du RN, qu’elle garde cependant comme fer de rechange au feu. Après avoir utilisé LFI comme radeau de sauvetage aux législatives de 2022, les PS-Verts–PC veulent maintenant rouler en solo ou avec le mot d’ordre bien connu : Tous ensemble mais derrière moi ! On peut donc raisonnablement prévoir ce qui va se passer en 2027 avec de tels dilettantes, plus prompts à jouer la carte du « wokisme » et de « l’intersectionnalité », qu’à développer les luttes sociales fondées sur la structures de classes de la société.

QUE FAIRE ALORS ?

Il ne s’agit pas bien entendu de prétendre formuler des prêts à porter révolutionnaires, chaque peuple, en fonction des conditions singulières de son histoire et de sa situation spécifique doit lui-même déterminer sa propre stratégie révolutionnaire. Il y a cependant des leçons à tirer de l’histoire des dernières cinquante années.

1- Comme indiqué ci-dessus il y a lieu de bien poser les questions si l’on veut que les réponses aient des chances d’être adaptées, or le capitalisme, même financiarisé, reste le capitalisme, il n’est pas amendable, ce qui disqualifie définitivement la deuxième droite, c’est à dire la social-démocratie(Mitterrand à Hollande en passant par Jospin ou Faure).

2-La stratégie « d’union de la gauche » est morte car on a vu ses brillants résultats entre 1983 et 1986, ainsi qu’entre 1997 et 2002. Le « PS » n’est que la roue de secours du capital lorsqu’il n’est pas son éclaireur. Sonvenons-nous du « tournant de la rigueur » et de « l’Etat qui ne peut tout faire » ! Jospin a été le recordman des privatisations ! Et toutes les institutions néolibérales étaient dirigées alors par des « socialistes » dans les années 1990-2000 (FMI, OMC, Commission de Bruxelles notamment). Nous n’avons plus rien à faire avec ce parti de droite au faux-nez « socialiste ».

Quant aux « Verts », ils n’ont pas encore compris que c’est le capitalisme qui est responsable des désastres écologistes, comme en Allemagne ou ailleurs, ils sont prêt à « gouverner » avec les maitres du Capital, ils n’ont toujours pas fait la différence entre anthropocène et capitalocène !

Le PC de son coté est plus motivé à garder ses élus et ses positions restantes qu’à changer la société car il sait que ceux-ci dépendent de l’appui du PS et des Verts. Rien de révolutionnaires ne peut donc sortir de ce parti totalement intégré au système politique de la Ve République, ce qui explique malheureusement son déclin ! Et ce n’est pas un « débat » avec l’éborgneur de Gilets Jaunes à la Fête de l’Huma qui va faire illusion !

LFI est minée de l’intèrieur par ses défaillances de fonctionnement et ses calculs wokisques et intersectionnels, elle en oublie la lutte des classes, la maitrise de l’entreprise par le salariat, et cela est très regrettable !

Enfin la « gauche radicale » est encore plus européiste que les patrons des multinationales ! Pour elle, parler de Nation, de Patrie, de souveraineté populaire, c’est être de « droite » ! Elle a oublié que ces concepts sont les enfants des Sans-Culottes, des quarante-huitards , des Communards et des héros du CNR de 1943 ! Elle, comme d’autres, ne comprend pas que le combat pour la souveraineté populaire est une condition de l’indépendance nationale et donc de la démocratie.

3- Tous ces partis s’inscrivent dans le cadre de la « démocratie représentative », pensent que seules les « élections » peuvent faire changer les choses, et que des meetings devant des foules passives vont bousculer les rapports des forces. Ils sont sur des stratégies politiciennes vieillottes et révolues. Ils n’ont pas compris que les peuples désirent une démocratie délibérative, et aspirent à débattre directement et décider dans des Assemblées populaires, comme le faisaient déjà les Sans-Culottes dans les Assemblées Primaires entre 1792 et 1794, ou les Communards dans les sections d’arrondissements en 1871, ou les salariés dans leurs conseils ouvriers au siècle dernier, ou les Gilets Jaunes sur leurs Ronds-Points il y a seulement 5 ans !

4-Quant aux « syndicats », qu’espèrent-ils changer quand on adhère à la CES- courroie de transmission du capital multinational- et en défilant de République à Bastille, sans stratégie, histoire de fatiguer le salariat trop remuant ? Ils ont tous abandonné la lutte des classes et les occupations d’usines et de services, ils ont tous jeté par dessus bord le mot d’ordre d’abolition du capitalisme !

5- Pourquoi subordonner tout changement à la tenue des élections, alors que l’on sait qu’elles sont controlées par une poignée de milliardaires ? Est-ce que ce crétinisme parlementaire et électoraliste pense arriver à bout des 49.3 ?

IL Y A DONC LIEU DE TOUT REPRENDRE EN SOUS-OEUVRE !

Rien ne serait plus contre-révolutionnaire que de prétendre donner des recettes indépendamment des situations concrètes et d’une analyse concrète !

Mais les leçons de l’histoire ne doivent pas être oubliées. Et cette histoire nous montre-comme le nez au milieu de la figure- que la démocratie délibérative frappe au carreau, que nous devons changer l’orientation des partis et des syndicats et revenir à la lutte des classes (comme l’a avoué ce sinistre individu qu’est Buffett), que le peuple ne demande qu’à se mobiliser, à débattre et à se donner les moyens de renverser la table, qu’il est prêt à faire de grandes choses pour peu qu’on lui laisse prendre l’initiative lui-même.

Il se pourrait bien qu’un jour, le peuple exaspéré par l’incapacité de ceux qui sont censés le défendre, se décide à auto-gérer ses propres luttes, si les partis, syndicats, mouvements et associations persistent dans leur amateurisme. Comme en 1789, comme le 10 aout 1792, comme en 1830, comme en 1848, comme en 1871, comme en 1936, comme en 1944-47,comme en 1968, comme en 2018 !

Il se pourrait bien qu’un jour prochain le peuple se saisissent des institutions (entreprises, partis, syndicats, associations, Assemblées, collectivités territoriales, Etat, Services publics , police, justice…) et les fassent fonctionner lui-même pour ses propres intérêts.

Incantation ? Tache impossible ? Rêverie de militant déçu ?...
« Ils pensaient que c’était impossible, et il l’ont fait ! ».

Jean Michel Toulouse
Le 23 novembre 2023

Messages

  • Nous publions avec plaisir dans la rubrique "débats" le papier que nous a transmis Jean-Michel Toulouse du Pardem. Nous espérons que cela donnera lieu à une discussion élargie sur quelques points de première importance.

    Nous sommes quant à nous en désaccord sur l’essentiel. Brièvement :

    1/ Le rédacteur se situe dans le champ de la gauche. Il ne sert à rien d’en souligner fort justement la faillite pour ramener au titre des perspectives d’en modifier la trajectoire. Il est en effet indiqué que " nous devons changer l’orientation des partis et des syndicats et revenir à la lutte des classes (comme l’a avoué ce sinistre individu qu’est Buffett)". La gauche est morte, voilà tout. La critique formulée dans ce papier l’illustre d’ailleurs assez bien.

    2/ Dans le contexte actuel, il eut été utile de dire un mot au moins de la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite ou la Turquie qui font aussi partie de la bourgeoisie mondiale, à cette différence qu’ils ne soumettent pas à l’hégémon et que c’est évidemment le fait majeur, celui qui fait bouillir dans la marmite la prochaine confrontation qui pourrait bien être mondiale.

  • Nous publions avec plaisir dans la rubrique "débats" le papier que nous a transmis Jean-Michel Toulouse du Pardem. Nous espérons que cela donnera lieu à une discussion élargie sur quelques points de première importance.

    Nous sommes quant à nous en désaccord sur l’essentiel. Brièvement :

    1/ Le rédacteur se situe dans le champ de la gauche. Il ne sert à rien d’en souligner fort justement la faillite pour ramener au titre des perspectives d’en modifier la trajectoire. Il est en effet indiqué que " nous devons changer l’orientation des partis et des syndicats et revenir à la lutte des classes (comme l’a avoué ce sinistre individu qu’est Buffett)". La gauche est morte, voilà tout. La critique formulée dans ce papier l’illustre d’ailleurs assez bien.

    2/ Dans le contexte actuel, il eut été utile de dire un mot au moins de la Chine, la Russie, l’Arabie Saoudite ou la Turquie qui font aussi partie de la bourgeoisie mondiale, à cette différence qu’ils ne soumettent pas à l’hégémon et que c’est évidemment le fait majeur, celui qui fait bouillir dans la marmite la prochaine confrontation qui pourrait bien être mondiale.

  • Bonjour. Aux camarades de La Sociale :
    D’abord merci d’avoir publié un papier avec lequel vous n’etes pas d’accord, cela confirme votre role important dans la mise en oeuvre d’un débat démocratique et je l’espère frucrueux. Ensuite je m’exprime dans cet article en mon nom personnel et non en celui du Pardem. Enfin je pense qu’il y a malentendu : je ne m’inscris pas du tout dans la "gauche" dont cet article est une critique cruelle mais nécessaire ! Il s’agit en effet de "reprendre le travail révolutionnaire en sous-oeuvre", ce qui signifie qu’il faut TOUT CHANGER ! Y compris cette terminologie trompeuse de "gauche" ! Et pour terminer, je ne pouvais aborder tous les sujets, mais bien entendu je suis d’accord sur la qualification de la Russie, de l’Inde,de l’Arabie etc... qui font bien partie de la bourgeoisie monopoliste internationale, financiarisée et donc cosmopolite et apatride. Je ferais une nuance pour la Chine : lisez les ouvrages de Rémy Herrera avant de vous faire une opinion définitive...
    Cet article avait pour objet de lancer un débat et non de le clore. S’il y contribue si peu que ce soit, l’auteur en sera déjà ravi, vu l’état des forces populaires en ces temps de reflux... C’était son but et sa vocation politique ! Vive La Sociale ! jmichel Toulouse

  • Bonjour. Aux camarades de La Sociale :
    D’abord merci d’avoir publié ce papier alors que des divergences sont évoquées. Cela prouve votre role dans le débat démocratique. Ensuite je précise que je ne suis pas mandaté par le Pardem pour cet article que j’ai écrit à titre personnel. Enfin je pense qu’il y a malentendu : 1- je ne m’inscris pas du tout dans le cadre de la "Gauche" puisque l’objet meme de ce papier est de la critiquer et de "tout reprendre en sous-oeuvre" ! Il est meme depuis longtemps nécessaire de ne plus utiliser ce terme trompeur, qu’est-ce que la "gauche" ? Je décris ses brillants résultats dans le papier. 2-je suis pleinement d’accord sur la position à prendre pour la Russie, l’Inde, l’Arabie etc... Leurs bourgeoisies sont parties intégrantes de la bourgeoisie internationale, financiarisée et donc cosmopolite et apatride. Il faut toutefois nuancer la situation de la Chine(cf. Rémy Herrera et ses ouvrages). Une lutte des classes y a lieu et nul ne sait comment elle se terminera.
    3-L’auteur du papier a pour seul but de lancer le débat et non de le clore ; s’il y réussit un tant soit peu, il en sera satisfait vu l’état des forces populaires dans notre pays ! L’objectif n’est pas de démoraliser nos faibles troupes mais de les mobiliser sur des objectifs appropriés.
    Finalement, seul le peuple aura le dernier mot ! 27 novembre 2023, Jmichel Toulouse

  • Je suis en désaccord avec l’analyse de mon ami JM TOULOUSE. Je pense qu’il omet l’essentiel c’est à dire la crise systémique de l’énergie et des ressources du monde capitaliste ou non et ses conséquences géopolitiques (conflits ,émigration contrainte….)Il ne s’agit pas d’une crise climatique mais d’un effondrement d’ordre existentiel pour l’humanité.Il ne faut pas confondre le symptôme avec la cause !L’anthropocéne est plus important que le »capitolocéne » !. L’URSS à son époque ou la CHINE ne font pas mieux que l’impérialisme américain !Le jour où la biodiversité sera anéantie et le genre humain avec il sera vain de se poser la question de la gouvernance démocratique de la conflictualité des impérialismes russes américains ou chinois,il sera trop tard !!!

  • Je suis entierrement d’accord avec l’analyse de JM TOULOUSE . Depuis longtemps "la lutte des classes à été remplacée par la lutte des places"voir les positions du PC quand au syndicat la CGT sous la direction de la CFDT sur le plan européen subventionnée par l’Europe "on ne mord pas la main qui vous nourrit " !
    Mais "Que faire" ?

  • Réponse rapide à mon ami Jean-Jacques Montagne : Tu ne vois pas l’invisibilisation des méfaits du capitalisme "sur l’homme et la nature"(Marx). Le capitalocène est la cause de ce que les idéologues bourgeois appellent "l’anthropocène" ! Ils espèrent en venir à bout par le "green washing" du capitalisme dont les "Verts" sont les premiers complices ! Par ailleurs, les pays "socialistes" (Passés et présents), ne sont que des Etats de capitalisme d’Etat, sauf peut-etre Cuba et la Chine(Voir les bouquins de Rémy Herrera comme indiqué déjà).La Chine est en train de tirer les enseignements de la première phase de son développement qui -en effet- était aussi dévastateur pour la nature et la biodiversité que ne le fut -et l’est encore- le capitalisme. La lutte des classes en Chine porte aussi sur ces sujets. Attendons de voir avant d’assimiler la Chine à un capitalisme classique ! Oui il risque d’etre déjà trop tard pour retrouver une planète aussi habitable qu’avant le Capital, mais la responsabilité en incombe au Capital seul.
    Ne pas le voir est un signe de la victoire idéologique du Capital. Amicalement. jmichel Toulouse

  • Réponse à mon ami JJ Montagne :
    D’une part "l’anthropocène" n’est qu’un faux concept invisibilisant le véritable responsable du désastre écologique qui est le capitalisme, il s’agit donc de capitalocène. D’autre part il est un peu rapide de dire que les Etats socialistes n’ont pas fait mieux ; c’est vrai pour l’ex-URSS et "le camp socialiste" de l’époque de la guerre froide qui -en effet- n’ont pas fait mieux car c’était des socialismes d’Etat et de parti-Etat, mais il faut maintenant observer la Chine par exemple qui a tiré les enseignements de la première phase de son développement. La lutte des classes actuelle en Chine porte aussi sur ces sujets, si elle reste ce qu’elle est(un socialisme d’Etat et un capitalisme d’Etat), elle est perdue ! Cette lutte des classes inclut l’écologie et un développement spécifique(Voir les bouquins de Rémy Herrera sur ces sujets). Confondre anthropocène et capitalocène est un critère de victoire idéologique de la bourgeoisie ! Attendons avant de proférer des jugements apodictiques !
    Amicalement. jmichel Toulouse

  • Réponse rapide au camarade Brière :
    La question du Que Faire ? hante nos esprits depuis bien longtemps... Sans outrecuidance et tout à fait modestement, j’aborde ce sujet dans mon dernier ouvrage(en deux tomes) ,paru chez l’Harmattan en novembre 2022, La démocratie ne peut pas etre "représentative" et Qu’est-ce que la démocratie délibérative ? Amicalement. jmichel Toulouse

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