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Le terrorisme au service de la guerre

samedi 30 mars 2024, par Jacques COTTA

L’attentat qui a frappé la banlieue moscovite dans la salle Crocus City Hall vendredi 22 mars et fait plus de 140 morts et 180 blessés a été revendiqué par l’EI. Il s’agirait donc d’un nouveau massacre qui vient s’ajouter à ceux qui depuis au moins trois décennies ont été accomplis, dont les assassinats qui ont frappé la France, de Toulouse à Paris, des terrasses de cafés parisiens au Bataclan. Il est commun de qualifier les auteurs de tels actes de « terroristes » et de ne pas qualifier plus que ça leur nature politique et la fonction qu’ils occupent. Les attentats de Moscou permettent d’aller au delà.

Les islamistes en question, puisqu’il s’agit bien d’islamistes, se révèlent être des alliés objectifs de Poutine, des gouvernements européens, et de l’UE.

Alliés de Poutine

La première réaction de Vladimir Poutine a été consacrée à la culpabilité de l’Ukraine. Ainsi cet attentat devait permettre de ressouder derrière le patron du Kremlin une population russe en grande partie excédée par une guerre qui n’en finit plus. De plus cette déclaration devait également permettre de renforcer les efforts de guerre accomplis par la Russie au détriment des besoins du peuple russe.

Les chancelleries occidentales, à l’instar du gouvernement américain et du chef ukrainien, ont crié à la manipulation. Cela d’autant que l’Etat islamique revendiquait l’attentat, images à l’appui. Mais Vladimir Poutine et à sa suite le FSB pouvaient expliquer que « les quatre auteurs directs » de l’attentat avaient été arrêtés alors qu’ils « tentaient de fuir et se dirigeaient vers l’Ukraine », où « un passage » leur avait, selon lui, été ménagé pour qu’ils puissent la franchir. Si les mains qui avaient tenu les kalachnikov dans la salle de spectacle étaient islamistes, leurs liens avec l’Ukraine qui devait leur servir de base arrière donnait la cohérence voulue par le Kremlin.

Ainsi, l’attentat permettait de cibler l’ennemi de guerre, d’augmenter les efforts pour le combattre, et de discipliner une population russe qui en a assez de la guerre sans avoir la possibilité de le dire. A ce titre, la vie démocratique russe n’a pas grand chose à envier à celle qui se déroule en Ukraine même où l’opposition à la guerre est synonyme de fuite et clandestinité. A Moscou, l’image des quatre assaillants arrêtés et conduits au tribunal donne une idée de la conception qui domine de la présomption d’innocence, l’un ayant une oreille coupé, l’autre un oeil crevé, le troisième le visage tuméfié et le quatrième enfin ne pouvant se déplacer. De quoi permettre de douter de la spontanéité et de la sincérité d’aveux spontanés…

Alliés des gouvernements occidentaux et de l’UE

Depuis des mois maintenant, les efforts de guerre, avec des budgets colossaux, sont accomplis par les pays européens et par l’union européenne. Les menaces militaires sont explicites dans la bouche de Macron qui prévoit l’envoi de troupes, et les milliards pleuvent avec la mise en place d’une économie de guerre.

L’attentat de Moscou et les réactions de Poutine justifient aux yeux des gouvernements européens une accentuation et accélération de la politique qu’ils ont du mal à mettre en oeuvre face à des populations réticentes. Les fonds alloués à l’économie d’armement sont prélevés sur les secteurs indispensables pour des millions de citoyens, en France comme ailleurs. L’école, la santé, la sécurité sociale, mais aussi l’assurance chômage, ou encore les prestations en général sont les premières victimes de cette politique.

Au jeu du chat et de la souris, c’est la guerre qui ne peut que progresser. Aux déclarations guerrières de Poutine répond la volonté guerrière de pouvoirs aux abois dans leur propre pays. L’attentat intervient dans ce contexte, marqué par exemple par l’affaire du missile qui survole la Pologne durant 39 secondes et qui « justifie » la demande de Zelensky à l’occident et à l’OTAN de livraison de missiles sol-air Patriot. L’inventaire, réel ou truqué, des 700 bombes guidées tirées sur l’Ukraine entre le 18 et le 24 mars, des drones, ou simplement des obus remplit la même fonction. Du coup c’est avec fierté que la France par exemple annonce la réouverture d’usines de production d’armement, dont la poudre explosive, ou que l’Allemagne annonce l’implantation d’un centre de production d’armes sur le sol ukrainien. Dans l’hexagone il est même question de réquisitionner des entreprises pour accélérer la production d’armements, comme l’indique le ministre des armées Lecornu…

Et aucune voix ne s’élève !

Contre la guerre, il existe bien des déclarations de principe qui ont le mérite d’exister mais le désavantage d’être contredites par les faits.

A l’Assemblée nationale par exemple, les groupes PS, EELV, LR et Liot se sont prononcés en faveur de l’accord bilatéral avec l’Ukraine décidé par Macron. La France insoumise et les communistes ont voté contre. Embarrassé, le RN s’est abstenu.

La situation devrait nécessiter une mobilisation massive pour dire non à la guerre, non à l’économie de guerre, non aux sacrifices organisés pour la Nation et les citoyens.

Aucune voix ne s’élève, mais jusqu’à quand ce silence étourdissant qui se fait complice de la guerre et des mesures qui la préparent et l’accompagnent.

La condamnation du terrorisme va de soi. Mais l’interrogation sur sa fonction et les intérêts qu’il sert devrait trouver une réponse résolue, en paroles, et en actes.

Jacques Cotta
Le 30 mars 2024

Messages

  • Bonjour,
    ne partageant pas votre avis sur l’attentat de Moscou je me permet de répondre à quelques unes de vos affirmations non étayées.
    1) "Ainsi cet attentat devait permettre de ressouder derrière le patron du Kremlin une population russe en grande partie excédée par une guerre qui n’en finit plus." écrivez-vous, or le résultat de la présidentielle (87% pour Poutine et 75% de participation) dément cette affirmation.
    2) "Les islamistes en question, puisqu’il s’agit bien d’islamistes, se révèlent être des alliés objectifs de Poutine, des gouvernements européens, et de l’UE.". Les "islamistes" de Moscou qui lèvent le doigt de la main gauche (main impure en Islam) devraient vous faire tiquer. D’autre part, le communiqué de l’EI est cette fois-ci, totalement différent de leur façon habituelle de revendiquer une action (par exemple l’objectif de l’action n’est pas mentionné).
    3) La fuite du commando vers la frontière ukrainienne laisse penser :
     qu’il s’agit plutôt de mercenaires voulant préserver leur vie (des musulmans certes, mais peut-être pour mieux tromper l’opinion publique mondiale)
     et surtout elle est en opposition totale avec le comportement des véritables djihadistes qui eux n’ont pas peur de mourir sur place en martyrs pour la cause.
    4) La probabilité d’un attentat commandité et organisé par les services de renseignement ukrainien et occidentaux (Britanniques et Français ?) ne doit surtout pas être écartée d’un revers de manche.
    5) Enfin, le fait qu’une heure après l’attaque tout l’Occident déclare avec Washington que l’Ukraine n’a rien à voir dans cette affaire est plutôt suspect.
    À cela il faut ajouter que par ses déclarations le directeur du SBU ukrainien, M. Vassil Maliouk, s’oppose inconsciemment (?) aux affirmations des "Occidentaux", puisque dès le lendemain du massacre de civils au Crocus City Hall, il reconnait que tous les assassinats de citoyens russes sur le sol russe ont été perpétrés par ses... services !
    Comme toujours dans ce genre d’affaire, le mieux est d’attendre les conclusions de l’enquête avant de se précipiter pour se faire une opinion que les faits risqueraient d’invalider.

    • Jean Paul B,

      J’ai l’impression que vous commettez vous-même l’erreur que vous conseillez d’éviter, en avançant quelques conclusions sur les responsabilités de cet attentat.

      Pour ma part je ne m’y risque pas. Nous ne savons rien, sinon ce que les services russes, ukrainiens, ou occidentaux distillent peu à peu, sans doute dans un souci de manipulations partagé.

      Je me suis contenté de porter une appréciation politique qui elle est possible, car découle des faits : cet attentat sert les pro-guerre, où qu’ils soient. Il justifie la position de Poutine, il renforce la réaction des puissances occidentales qui font tourner l’industrie d’armement à plein régime.

      Pour le moment, je crois utile d’en rester là,
      Bien cordialement,
      J.C.

  • Cher Jacques,
    je suis désolé mais vous faites erreur, je "n’avance pas quelques conclusions", j’énumère simplement des faits mis en avant entre autres par des observateurs connaissant bien les milieux du renseignement, observateurs dont fait partie Jacques Baud.
    Je mets en lien cet entretien dont je fais état afin de donner aux lecteurs de La Sociale, d’autres éléments sur cet attentat de Moscou, que ceux diffusés par nos "grands" médias otanisés.
    Bonne vision.
    Cordialement.
    https://www.youtube.com/watch?v=FTbbqBo_Ffc

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