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« Ni dans la majorité, ni dans l’opposition »

Revue de presse 14 mai - 21 mai 2020

jeudi 28 mai 2020, par Antoine BOURGE

Le 13 mai dernier Laurent Berger (CFDT) affirmait sur France Inter : « Durant cette période [de confinement], on a privilégié la vie sur le développement économique. Évidemment, ça ne peut pas durer tout le temps. » Nous verrons que cette ligne très macroniste n’est pas sur le point d’être infirmée par la création à l’Assemblée nationale du groupe « Écologie Démocratie Solidarité ».

Une tempête dans un verre d’eau

Les rats quittent le navire

 L’Humanité relaie cette information qui laisse présager des relations amicales au sein de LREM :

« La députée Martine Wonner a déclaré que la gestion était « catastrophique ». « On a perdu du temps et des vies », accuse l’élue, qui n’a « plus confiance » envers l’exécutif, à tel point qu’elle a voté contre le plan de déconfinement. Elle a, dans la foulée, été exclue manu militari de LaREM. »

Refus d’être des députés godillots

 Sur France Info Cédric Villani explique que la dissidence est un moyen de regagner sa liberté perdue :

« ’Nous avons été élus comme des représentants libres, pas comme des députés godillots aux ordres de qui sait quel appareil, nous avons été élus pour porter le progrès’, insiste Cédric Villani. »

 Sur Reporterre, on manque de s’étrangler de rire en lisant la déclaration de Delphine Batho :

« L’initiative se veut aussi « un acte de défense du Parlement », selon les mots de la députée et présidente de Génération écologie Delphine Batho, qui a rejoint le groupe. Face aux dysfonctionnements actuels — une majorité aux ordres et un exécutif tout puissant —, les députés souhaitent retrouver une marge de manœuvre pour les deux dernières années de la législature. »

 Cet article trouvé sur Reporterre est éclairant sur les motivations qui ont conduit à la création d’un nouveau groupe :

« Aurélien Taché, qui a claqué la porte [de LREM], le 17 mai. « En 2017, j’ai quitté le Parti socialiste parce qu’il n’était pas capable de dépasser ses frontières. Aujourd’hui, je quitte LREM exactement pour les mêmes raisons, déclarait-il dans un entretien au Journal du dimanche. Nombre de députés LREM ont cette envie, le groupe parlementaire est devenu un frein. » La plupart disent vouloir rester fidèles « aux valeurs » défendues lors de leur élection et reprochent au gouvernement de s’en être éloigné. »

 Une autre raison pour laquelle ce groupe a été créé découle directement du confinement et du nombre réduit de députés à l’Assemblée. Ainsi Mediapart précise :

« Cette rupture est apparue plus urgente récemment en raison des difficultés à faire entendre une voix alternative au sein de LREM, compte tenu des délégations de vote obligatoire dans un Palais-Bourbon en mode confinement. »

La majorité gouvernementale conservée

 Les titres sont unanimes, LREM a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Et les chiffres sont là pour prouver ce fin calcul. Cependant les députés LREM avec les députés Modem et Agir votent d’un seul homme comme le souligne Le Monde :

« LRM et apparentés compte 288 députés, sous la barre des 289 qui marque la majorité au Palais-Bourbon. (…) le groupe majoritaire peut s’appuyer sur les 46 députés du Mouvement démocrate (MoDem) et la dizaine d’élus d’Agir. »

 Le nouveau groupe ressemble aux « frondeurs » socialistes qui eux n’avaient pas formé de groupe dissident. Voici ce qu’en dit un député de ce nouveau groupe dans Le Monde :

« Le ni-ni, cela va être le cas de manière concrète dans nos votes, résume un membre du nouveau groupe. On se prononcera pour quand on estimera que cela va dans le bon sens et dans le cas contraire, on sera également libres de dire non. »

 Dénichée dans L’Humanité, cette déclaration d’Aurélien Taché fait croire qu’il y aurait une différence fondamentale entre la politique de Philippe et celle de Macron, alors qu’ils forment les deux faces de la même pièce. L’allégeance politique est totale :

« Celui qui désespère de LaREM ne désespère pas pour autant de Macron. « Je fais partie de ceux qui espèrent un tournant. Macron peut le faire », estime celui qui ne sera pas dans l’opposition. »

 Ceux qui restent dans la majorité justifient leur loyauté de la même façon que ceux qui ont créé le groupe EDS. Mediapart rapporte les propos de Barbara Pompili :

« Barbara Pompili, pourtant proche de Matthieu Orphelin, qui a finalement déclaré vouloir créer un courant écologiste au sein du groupe LREM. Dans une interview au Courrier picard, elle assène un sibyllin : « Ce n’est pas le moment de partir [mais] de peser » pour expliquer sa décision loyaliste. »

De bonnes intentions qui cachent les régressions sociales

 Les idées défendues par ce nouveau groupe ? On en trouve un résumé dans L’Humanité :

« (…) le groupe veut promouvoir « davantage d’investissements pour la transition écologique » ou encore une « fiscalité refondée vers plus de solidarité ». Pas question de toucher au temps de travail, comme l’envisage LaREM, mais plutôt de taxer le patrimoine sans revenir toutefois à l’ISF. Quant à la réforme gelée des retraites, marqueur de la politique gouvernementale par excellence, les députés EDS bottent en touche. Pour Aurélien Taché, qui la qualifiait en décembre de « grande et belle réforme », « la donne a changé ». « La réforme n’était pas aboutie », préfère avancer Émilie Cariou. Tout sauf un groupe de rupture avec le macronisme donc, plutôt un clone qui chercherait à récupérer les électeurs socialistes délaissés en cours de route, au profit d’EELV. »

 Le nouveau groupe prône un retour aux sources de LREM, ce qui n’est pas rassurant. A lire dans L’Humanité :

« L’air sifflé par les députés EDS rappelle furieusement la rhétorique même de la République en marche : un discours qui érige le « pragmatisme » comme valeur cardinale transcendant les courants politiques. Une idéologie de la négation des idéologies et donc de la dépolitisation du débat au service d’un logiciel néolibéral. »

Et plus loin :

« Émilie Cariou estime que le néo-groupe porte « des valeurs inscrites dans le programme politique d’origine de la République en marche et qui n’ont pas été assez mises en œuvre ». »

 Les quelques propositions relevées par Reporterre ici et correspondent plus aux mesurettes des cercles bobos plutôt qu’à une orientation politique claire :

« Parmi les propositions les plus soutenues, on retrouve la végétalisation de l’alimentation en restauration collective, la réduction des emballages superflus, le développement de projets alimentaires en circuits courts ou encore la mise en place d’un enseignement obligatoire aux enjeux environnementaux. Les internautes ayant participé à [une] consultation [en ligne] se sont également prononcés en faveur de la création d’un revenu universel et de la revalorisation salariale des métiers du soin, de l’enseignement, de la recherche et de l’agriculture. »

Dans le deuxième article on trouve aussi :

« Dans les prochains mois, une proposition de loi sur le respect du vivant et le bien-être animal sera déposée à l’Assemblée nationale. Les députés ont aussi l’ambition d’inscrire la préservation de la biodiversité et du climat dans la Constitution. »

 Les nouvelles préoccupations du groupe EDS sont aussi celles de LREM, comme le fait remarquer Stanislas Guerini cité par Le Monde :

« « C’est à contretemps politiquement car au sein de la majorité, nous sommes justement en train de définir la ligne politique pour l’après, avec une prédominance des sujets sociaux et écologiques », appuie M. Guerini. »

 Précision utile quant aux déclarations précédentes de S. Guerini trouvée dans Mediapart :

« Quant au projet de loi retraites, il est pour l’heure suspendu, le délégué général de LREM, Stanislas Guerini, se demandant s’il ne faudrait pas le reporter « dans le cadre d’un nouveau projet présidentiel ». »

 Mediapart fait un rappel utile des décisions soutenues par les membres du nouveau groupe :

« Sur des lois caractéristiques des dérives du quinquennat, tous les membres d’EDS ont mis du temps à se démarquer de la politique gouvernementale. C’est le cas de Cédric Villani qui a voté pour la loi dite anticasseurs, tache indélébile de la majorité, avant de faire savoir à l’issue du scrutin qu’il avait voulu s’abstenir. Sa collègue Sabine Thillaye est bien mentionnée sur le site de l’Assemblée comme ayant voté pour. Les deux ont également, tout comme Émilie Cariou, Paula Forteza et Guillaume Chiche, soutenu la loi asile et immigration en première lecture, texte beaucoup plus répressif qu’humaniste (Mediapart y avait consacré un dossier). Aurélien Taché, qui a contribué à certains sujets sociaux au début du quinquennat, a porté un temps la réforme de la formation professionnelle et celle de l’assurance-chômage, les deux étant pourtant une catastrophe pour les plus précaires et fragiles. »

 L’article précédent rejoint celui-ci trouvé sur Marianne. Être macroniste et en faveur d’une politique sociale sont deux éléments inconciliables :

« Elu député du Val-d’Oise en juin 2017, celui qui s’est plus distingué par ses innombrables sorties médiatiques que par son assiduité à l’Assemblée a longtemps fait figure de ’figure de l’aile gauche de LREM’. Mais pas n’importe quelle ’gauche’ : de l’héritage de cette très vaste famille politique, Taché a bien davantage retenu le ’progressisme’ et ’l’inclusivité’ nés de l’histoire récente que la lutte des classes ou le socialisme historiques. »

Et plus loin :

« Marqué par son passage à l’Unef et au Parti socialiste, le député du Val-d’Oise assume son côté libéral (sur l’économie) - libertaire (sur tout le reste), vouant aux gémonies le républicanisme français et son agaçante manie de vouloir fondre les communautés dans un seul peuple. »

 Dans Causeur le libéralisme économique et le libertarianisme d’A. Taché sont illustrés :

« Il n’est donc pas fortuit que Taché ait pris parti pour le hijab, comparé à l’occasion au « serre-tête des petites catholiques », ni qu’il ait expliqué son dégoût de l’État-nation et sa volonté de le voir disparaître dans une Europe plus vaste et tolérante, ni, enfin, qu’il soit un partisan de la GPA. Il n’est guère étonnant non plus qu’en bon partisan du laisser-faire, il ait voté les lois de Pénicaud sur le travail. »

Crise de régime, crise politique

La France, une république démocratique ?

 Causeur

« la Ve République n’est pas une démocratie comme les autres : c’est en théorie un régime dit « semi-présidentiel », c’est-à-dire en pratique un régime hyperprésidentiel, où la présidence domine tous les pouvoirs, point commun de notre pays avec la Russie, l’Algérie, l’Égypte ou la Syrie. »

Et plus loin :

« Au mieux, la Ve République est un régime plébiscitaire, mais pas démocratique. Nous élisons un « monarque républicain », à échéance régulière, et ce monarque est absolu. La formule est souvent reprise avec légèreté, comme si la « monarchie républicaine » était une amusante curiosité, un folklore français, alors qu’il s’agit d’une tragique supercherie puisque l’on fait croire au peuple français qu’il vit dans une démocratie, alors que c’est faux. »

Enfin :

« Le résultat, disait-on plus haut, ce sont les gilets jaunes, cette éruption populaire aux revendications certes confuses, mais dont le lieu commun fut l’exigence, à travers l’idée du Referendum d’Initiative Citoyenne, d’une vraie démocratie. Sans se livrer à l’analyse comparée de nos institutions et de celles de nos voisins, le peuple a, d’instinct, senti d’où vient le problème : la France n’est pas une démocratie ! »

 Cet article paru dans Le Monde apporte de l’eau au moulin du point de vue précédent :

« En aucun cas, je ne changerai de politique, assurait encore le chef de l’État en septembre 2018. Je me suis engagé à procéder aux transformations que notre pays, depuis des décennies, avait évitées par le petit jeu du tic-tac de droite et de gauche ou par les lâchetés. (…) Notre priorité n’est pas de durer, mais de faire. »

Et plus loin, on ne peut qu’être consterné à la lecture de cette affirmation quand on sait le sort réservé aux cahiers de doléances et à la violence de la répression contre les gilets jaunes :

« A moins que le chef de l’État ne sorte de son chapeau une solution inédite, comme l’a été le grand débat au moment de la crise des « gilets jaunes ». « Cela avait été une façon pour le président de légitimer une évolution de sa politique, une réussite », se félicite l’Élysée. »

 La réalité du pouvoir est celle décrite par Marianne ici :

« La dimension autoritaire du macronisme, bien sûr, apparaît d’autant plus frappante qu’elle est en contradiction totale avec la posture de campagne du candidat Macron, entre « bienveillance » et démocratie participative. Elle s’explique notamment par la façon dont Emmanuel Macron s’est coulé dans les institutions d’une V e République progressivement privée de tous ses contre-pouvoirs. D’emblée, le macronisme est apparu comme une inféodation totale du Parlement à l’exécutif. Le renouvellement des têtes, pour cause de dégagisme, a favorisé l’arrivée à l’Assemblée de députés inexpérimentés et privés de toute implantation territoriale, donc de tout devoir envers leurs électeurs. Ils sont là par la volonté, non du peuple, mais du chef. Ajoutons à cela un président de l’Assemblée, fidèle parmi les fidèles et tranquillement mis en examen, une opposition muselée ou réduite à la figuration et dont les amendements ne sont pas même examinés, l’utilisation systématique des procédures accélérées et des ordonnances pour faire passer les lois… »

Politique nouvelle du duo Macron-Philippe ?

 A en croire cet article lu sur Mediapart, rien ne sera plus comme avant :

« Ces deux mois ont mis à bas des dogmes économiques qu’il était « irresponsable » ou interdit d’interroger : la réduction ininterrompue du périmètre des services publics, une fiscalité qui alimente les inégalités, l’impératif de la croissance, un pays organisé autour et pour les grandes métropoles urbaines, l’obsession des déficits des finances publiques et de la dette. Qui oserait aujourd’hui encore soutenir que « le budget de l’État, c’est comme le budget d’une famille » ? Or, cette ritournelle, nous l’entendons depuis des années à droite (François Fillon), au centre (François Bayrou), chez Emmanuel Macron (« pas d’argent magique »), sans oublier quelques notables socialistes… »

 Comme le rappelait Marianne à propos du centrisme autoritaire caractéristique de Macron, ce n’est que l’actualisation de la vieille recette néo-libérale :

« (…) le centrisme dont il est question n’est autre que la réunion de ceux qui, à droite et à gauche, se sont ralliés au mouvement de dérégulation du capitalisme entamé à la fin des années 1970 et amplifié, en Europe, à partir du milieu des années 1980. »

 Pas de virage à gauche pour Macron à la lecture du portrait de Laurent Bigorgne, dirigeant de l’Institut Montaigne et proche du sommet de l’État, comme l’indique Le Monde :

« Bigorgne et Macron sont amis de longue date. Le premier conseille le second pendant la campagne présidentielle, et élabore une partie de son ­programme en matière d’éducation. La rumeur l’annonce comme le successeur possible de Najat Vallaud-Belkacem. Mais c’est finalement son ami Jean-Michel Blanquer qui prend le poste. En juin 2018, Bigorgne devient membre du Comité action publique 2022, installé par Édouard Philippe pour concevoir le projet de réforme de l’État. »

 De façon surprenante on apprend dans Mediapart que les cadres de l’éducation nationale se rebiffent contre le ministre Blanquer, conclusion la macronie perd totalement le contrôle :

« Face à un ministre Jean-Michel Blanquer dépassé, pris à contrepied par son président (sur la fermeture des écoles en mars puis sur leur réouverture en mai), ouvertement contesté par ses hauts fonctionnaires (lire cette tribune du « groupe Grenelle »), c’est classe par classe que s’inventent de nouvelles pratiques. Loin des rectorats, loin des inspections d’académie, l’immense majorité des enseignants décident et organisent les conditions de la reprise scolaire. »

 Le peuple n’est pas dupe non plus comme tend à l’indiquer cet article paru dans L’Humanité :

« « Je suis frappé par cette défiance. La gestion de la crise est clairement remise en cause », abonde Frédéric Dabi. Le directeur général adjoint de l’Ifop précise que 80 % des Français considèrent que le gouvernement leur a délibérément caché des informations. « C’est très dangereux pour un président. Les Français ne laissent rien passer des contradictions sur les masques et les tests. Le retour de bâton pourrait être très fort », mesure le politologue. »

Les initiatives à « gauche »

 Le régime présidentiel est tout à fait destructeur car il polarise les efforts des partis sur l’élection de l’homme ou la femme providentiel(le), comme le fait remarquer Mediapart :

« l’obsession présidentielle taraude toujours les gauches par ailleurs divisées et les écologistes. Jean-Luc Mélenchon promet d’être « le dernier président ». Son mitterrandisme chevillé au corps (il l’a rappelé le 10 mai par un tweet) et sa gestion toute personnelle de La France insoumise autorisent un certain scepticisme. Arnaud Montebourg a choisi, lui, d’apparaître à son balcon et de multiplier les entretiens (ici sur Mediapart), au cas où… Ségolène Royal adresse ses cartes postales. Et Yannick Jadot y pense soir et matin. »

 Les 150 personnalités de gauche signent pour une alternative politique qui ressemble à la ligne écologiste du groupe EDS mais avec un soupçon de mesures sociales assez vagues et un attachement à l’UE qu’il faudrait restructurer... Lu sur Reporterre :

« Ils listent plusieurs thèmes qui doivent selon eux rassembler les gauches écologistes. « Il nous faut tourner la page du productivisme », car « la transformation écologique de la France est le nouveau défi de notre République au XXIe siècle ». Pour cela, le « soutien public à la survie du système productif doit être associé à une conditionnalité environnementale et sociale exigeante », basée d’abord sur les accords de Paris sur le climat. »

 Voici un extrait de la tribune publiée sur Regards :

« Ces investissements massifs, pour l’immédiat ou le futur, exigent un financement soutenable et équitable. L’engagement de l’Europe en est l’une des clés. C’est une nécessité qui conditionne la survie de l’Union, quand les forces de démembrement prospèrent grâce au manque de solidarité européenne dans chaque moment de crise. On attend de l’Europe qu’elle conduise durablement une politique monétaire à la hauteur du risque actuel, mais aussi qu’elle mette en œuvre des formes inédites de financement en commun pour empêcher une hausse de l’endettement des États, en particulier les plus affectés par la crise sanitaire. Il faudra aussi dès les prochains mois engager le chantier de la restructuration des dettes héritées des crises successives. (…) Une transformation profonde des structures de l’Union européenne est indispensable pour rendre possibles ces politiques ambitieuses de solidarité. Cela implique la remise en cause du pacte budgétaire. »

 L’Humanité insiste sur le fait que cet appel est à marquer d’une pierre blanche, l’avenir nous le dira. Il paraît indispensable de passer par une auto-critique, ce qui n’est pas le fort d’une certaine gauche :

« Pour être au « rendez-vous de notre histoire », les 150 signataires proposent qu’une « convention du monde commun » réunisse « toutes les énergies disponibles » et éprises de profonds changements. Constatant « l’échec de la Ve République », ils veulent sortir de « l’impasse » du capitalisme financier, créer un nouveau modèle de protection sociale, refonder l’hôpital et réussir la transition énergétique. Leur objectif est de s’engager « à la hauteur des principes affirmés dans la “reconstruction” qui suivit la Seconde Guerre mondiale » et de « faire preuve d’une égale ambition ». La préparation d’une offensive de gauche ne fait peut-être que commencer. »

 Politis signale le rapprochement des forces de gauche mais laisse entendre que le combat pour l’union n’est pas pour demain :

« La crise du coronavirus n’a donc pas fait table rase des désaccords et des « enjeux d’écurie », préviennent les participants. « On l’a bien senti, dans certains sous-entendus », glisse l’un d’eux. « Le fait de travailler ensemble dans un cadre unitaire n’efface pas nos différences », confirme Manu Bichindaritz, du NPA, avant de ressortir les piques : « Olivier Faure, son problème, ce n’est pas d’aider les personnels hospitaliers, c’est la recomposition politique. » »

Et plus loin :

« « L’unité, si elle se faisait, serait un déclencheur, promet Gérard Filoche. Les gens ne sont pas résignés, ils n’attendent que ça, ils ont de l’espoir et de l’impatience. » Les rapprochements de ces dernières semaines démontrent aussi, selon Jean-Baptiste Eyraud, que « chaque organisation est consciente que personne n’y arrivera seul. » »

 L’optique de l’union semble résumée à faire barrage... comme on peut le lire dans L’Humanité, on entend la même petite musique que dans le monde d’avant :

« Face à ce défi [d’unifier la gauche], la gauche se parle. « Le dialogue est plus riche. La pandémie nous oblige à discuter et à obtenir des résultats. Sans quoi, le risque est que Macron l’emporte in fine et que rien ne change », mesure Fabien Roussel. Le secrétaire national du PCF bataille dès maintenant pour « la gratuité des masques, des relocalisations, éradiquer la pauvreté, ne pas faire payer la dette au peuple, briser la fatalité du chômage et réussir la transition écologique ». Mais il insiste : « Nous avons intérêt à nous unir à gauche pour peser dans le rapport de forces et montrer qu’il y a d’autres choix que ceux de la droite, du Medef et d’En marche, et, bien sûr, pour bloquer le chemin à l’extrême droite. » »

Antoine Bourge
Le 28 mai 2020


Le Monde nous apprenait mardi qu’un dixième groupe a été formé à l’Assemblée, dont la ligne politique « libéral[e], social[e], humaniste et européen[ne] » ne va pas révolutionner le « monde d’après. » Quitter le navire au moment où le bateau Macron-Philippe coule c’est redorer son image à peu de frais, mais les citoyens – il faut l’espérer – garderont en mémoire comment leurs députés ont voté dans le « monde d’avant ».