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Sur l’islamophobie

lundi 30 novembre 2020, par René MERLE

Alors que la gauche divisée agonise interminablement, la querelle autour des récents propos de Mme Hidalgo est venue crever la surface du marigot, en bulle de putréfaction.
L’arrière-fond, là où git la vérité « vraie », c’est évidemment la lutte de trois appétits présidentiels, déclarés ou en passe de l’être : celui de Mme Hidalgo, celui de M. Mélenchon, et celui, non encore identifié, d’un des deux candidats écologistes potentiels.
N’appartenant à aucune de ces trois mouvances et n’en soutenant aucune, je me garderai d’en traiter.
Mais parlons du fond affiché, qui concerne, selon un néologisme à la mode, la question de l’islamophobie. Terme fourre tout qui occulte une réalité politique inquiétante : comme jadis l’Église catholique, l’islamisme politique s’inscrit dans une opposition frontale au séculaire mouvement de sécularisation qui a abouti à la séparation des Églises et de l’État.
Oh certes, en ces temps d’épidémie ce sujet n’est sans doute pas celui qui passionne le plus. Il nous interpelle pourtant vivement en tant que citoyens.
En l’occurrence, je doute que ce billet apporte grand chose aux lecteurs engagés dans la pratique et la défense de la laïcité. Mais peut-être sera-t-il utile à de jeunes lecteurs engagés contre le racisme, la xénophobie, les discriminations, la violence répressive, qui lient cet engagement à un relativisme culturel décolonialiste, et, partant, qui transforment le droit à la différence en droit de ne pas respecter le principe républicain de laïcité.

Pour Mme Hidalgo, les écologistes et M. Mélenchon « ont un sujet avec la République », formule quelque peu sibylline qui nous renvoie en fait à la participation de LFI et de EELV à la manifestation du 10 novembre 2019 contre l’islamophobie avec le CCIF [1].
Mme Hidalgo affirme que les principes de la République – laïcité, liberté d’expression, égalité homme-femme, etc. - sont inaliénables et doivent être respectés par tous. Bref, elle s’inscrit dans le camp de ceux que l’on appelle désormais les Universalistes, pour bien les distinguer des Communautaristes…
Les Verts s’insurgent, et M. Mélenchon s’indigne des « accusations fielleuses » de Mme Hidalgo, qu’il classe parmi les « chasseurs de sorcières » socialistes proches de LREM, M. Valls en tête. Il affirme que la stratégie de Mme Hidalgo vise « à ériger une barrière de haine religieuse ». Rien que ça !
La lutte contre l’islamisme politique déclencherait donc un fossé de haine contre les musulmans ?
Serais-je par exemple un fauteur de haine pour avoir condamné en son temps la participation à cette manifestation [2] ?
Pour M. Mélenchon, la façon dont le pouvoir et une partie de la classe politique envisagent cette lutte, essentiellement par des mesures de répression [3], ne peut que stigmatiser tous les musulmans vivant sur notre sol.
Car M. Mélenchon l’a dit et répété à maintes reprises : « Ce qui est visé, c’est l’islam ».
Il peut quand même apparaître un peu paradoxal de parler d’attaque contre l’islam alors que la DRH de Charlie Hebdo et d’autres personnalités doivent vivre sous surveillance policière, alors que l’on juge les responsables du massacre de 2015.

Islamophobie ?

Comme beaucoup, je pense que le terme entretient la confusion entre le droit de combattre un courant de pensée menaçant les principes républicains, et l’inadmissible condamnation de tous les musulmans, sous couvert de « séparatisme ».
Il se développe aujourd’hui, et particulièrement dans une partie de la jeunesse urbaine, un courant affirmant que la République universaliste a failli en discriminant socialement et en ghettoïsant les populations accusées de nourrir le prétendu « séparatisme ». La République devrait assumer et cicatriser par des mesures de réparation sociale et non pas par la stigmatisation de comportements dictés par la religion.
En bon « laïcard » ringard et dépassé, je m’en tiens à propos de ces comportements au garant de notre cohésion sociale, la Laïcité. Une laïcité qui n’est ni pure ni dure, ni souple, ni ouverte, ni modulée, et qui n’est pas négociable. Comme si la laïcité avait besoin d’adjectifs ! Il n’y a qu’une laïcité et elle respecte totalement les croyances.
On ne répètera jamais assez les bases de ces principes en matière de laïcité.
La Déclaration des droits de 1789, reprise par notre Constitution, proclame que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
Et la loi de décembre 1905 affirme que : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ». « La République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». [4] »

C’est clair et net !

Mais ce ne l’est sans doute pas vraiment pour nos dirigeants politiques [5]
Il devrait paraître évident, me semble-t-il, que contre l’intrusion illégale d’une idéologie politique conquérante, le principe de laïcité doit s’imposer dans le respect de la légalité républicaine, mais que cette obligation légale peut et doit être accompagnée, face à l’obscurantisme ambiant, par l’éducation et le débat, dans l’esprit émancipateur des Lumières, porteur d’esprit critique et de tolérance.
J’ajoute que ce qui me gêne le plus dans cette histoire est de voir disparaître les mots « Arabes » et « Citoyens », puisqu’on ne parle plus que de « Musulmans ».
On occulte ainsi le vieux mais toujours présent racisme anti-Arabe, auquel j’ai consacré deux billets [6], et qui n’a pas pour fondement la religion. Le croire serait ne rien comprendre à ce qui existe, hélas, dans les profondeurs populaires.
On enferme ainsi, et bien souvent à leur corps défendant, nos compatriotes de religion musulmane dans une communauté supposée dont ils ne peuvent se dégager.

Mais bon Dieu (si j’ose dire !) parlons plutôt de « Citoyens » !


[1Mme Hidalgo aurait d’ailleurs pu élargir son champ d’attaque, puisque ses alliés communistes à la Mairie de Paris, et d’autres, avaient également participé à la manifestation.

[3L’arsenal légal actuel suffit amplement, ajoute-t-il, et il a raison

[4Bien qu’elle le fasse en Alsace Lorraine, par héritage maintenu du Concordat napoléonien et de l’administration allemande.

[5Quelques exemples : En 2007, le Président Sarkozy déclare à Latran que « L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, car il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».
En 2018, le Président Macron déclare dans un discours au collège des Bernardins vouloir réparer le « lien abimé » entre l’État et l’Église.
Quant à Mme Hidalgo, M. Mélenchon remet les montres à l’heure, à propos de laïcité, en pointant les comportements ambigus de la Maire de Paris dans ses rapports avec les cultes catholique et israélite.
Cf : https://melenchon.fr/2020/11/23/hidalgo-ambigue-sans-ambiguite/

Messages

  • « La République ne reconnait, ne sala­rie ni ne sub­ven­tionne aucun culte ». [4] » et en effet ce n’est pas clair pour nos dirigeants ; vous évoquez en note cette reconnaissance et cette subvention avec le concordat mais on devrait insister sur cette extension à toute la France depuis la loi Débré qui est une négation de la loi de 1905. Ecole privée ? fonds privés !
    D.Dupont

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