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Moissac (82) : succès personnel du RN

lundi 16 mars 2020, par Jean-Paul DAMAGGIO

Moissac était connu pour son cloître et à présent la ville va être connue pour son maire RN car avec 47% au premier tour comment ne pas gagner le deuxième !

1 ) Qu’est-ce qu’un succès personnel ?

Toute élection municipale est la rencontre entre l’histoire profonde d’une commune et le projet d’une liste incarnée par sa figure de référence. Pendant des décennies l’histoire nationale a été l’addition de succès personnels aux municipales. En 1958, De Gaulle a commencé à casser cette machine puis, surtout à partir des années 90, les succès personnels sont devenus des succès atomisés dans l’univers national,et l’élection de 2020 est le sommet de cet éclatement, après le coup d’éclat coup d’Etat de Macron. Il devient par conséquent impossible d’étudier les conséquences générales d’un succès personnel.

2 ) Le cas de Moissac

Je connais la commune et son parcours politique depuis des années. Le radicalisme mou a été heurté dès l’apparition du FN par le bon score de celui-ci(11% aux cantonales de 1985 !), la droite locale n’ayant jamais su s’implanter. Moissac a un parcours très parallèle et très différent à la fois,de celui de sa voisine, Castelsarrasin,où le FN a mis un peu plus de temps avant d’atteindre les scores les plus hauts. D’un côté nous sommes dans la vallée finissante du Tarnet de l’autre dans celle de la Garonne. Comme le plus souvent, pour deux villes très proches (moins de dix kilomètres), les inimitiés historiques furent de saison. Face au radicalisme mou de Moissac, nous avions un radicalisme plus tourné à gauche pour Castelsarrasin. Pour Moissac,un ancien membre du PSU tendance Rocard va se tailler un costume à la mode de la ville, celui d’un membre modéré du PS et devient maire de 1983 à-2014.Peu après, à Castelsarrasin, un maire centriste bénéficiant des divisions de la gauche a pu contourner une part de l’histoire contestataire de la commune(maire de 1989 à 2014). Les deux furent largement battus en 2014. Avec cependant cette différence : Moissac avait sa liste FN qui entra dans un Conseil municipal dominé, par défaut, par la droite,dans le cadre d’une quadrangulaire, tandis que Castelsarrasin n’avait pas de liste FN.

3 ) Le cas Romain Lopez

Score du FN-RN dans les deux villes.

{{}} Présid. 2017 Légis. 2017 Europ. 2019
Moissac 28,1 23,3 34,9
Castelsarrasin 31,8 25,9 36,9

A Moissac, les divisions de la gauche en 2014(le PRG voulant manger le PS),puisles divisions de la droite pendant sa gestion ont ouvert la route à un candidat FN tout nouveau, un professionnel de la politique en tant qu’attaché parlementaire,d’abord de Marion Maréchal-Le Pen,puis du groupe FN au Conseil régional. Comment passe-t-on de l’anonymat d’un travail de bureaucrate à la notoriété locale ?

Ce point est important car pour justifier ce que j’appelle la dimension « succès personnel » il me suffit d’indiquer qu’au même moment l’ami à Montauban de Roman Lopez, Thierry Viallon conseiller municipal FN sortant,est passé de 13% à 9% et est donc éliminé dès le premier tour. Une autre liste était saluée par Romain Lopez, celle de Beaumont-de-Lomagne dirigée contre le suppléant de la députée et elle a largement échoué. Le RN va donc montrer du doigt le succès à Moissac comme annonciateur de succès futurs mais c’est une illusion !

4 ) Le rôle de J-M Baylet, de son journal et du PRG

Le Tarn-et-Garonne est divisé en deux circonscriptions que le PS et le PRG se sont partagés en 1964. Pour Montauban le PS, et pour Castelsarrasin-Moissac le PRG. Quel est le moyen le plus sûr pour conserver une circonscription ? Faire ensorte que la députée sortante soit face à un candidat FN. En conséquence le journal du féodal du lieu a pendant longtemps fait comme si le FN n’existait pas jusqu’au jour où il a assuré la promotion de Romain Lopez pour avoir un adversaire à sa mesure, adversaire se présentant plus que quiconque comme l’opposant le plus résolu à la féodalité en place ! Une stratégie de Baylet contre-productive qui a conduit le PRG à perdre le Conseil départemental, les Sénatoriales, mais qui a permis de sauver la députée.

Pour prendre un seul exemple du soutien indirect apporté à Romain Lopez je cite la plainte déposée devant les tribunaux, au cours des dernières législatives, pour une affiche de Lopez considérée comme injurieuse, procès perdu d’avance mais qui a permis d’instaurer un feuilleton Romain Lopez pendant que le candidat de LFI, le seul capable de battre la députée PRG était laissé dans l’ombre.

5 ) La réussite de Lopez

C’est dans ce contexte global qu’est apparu sur la ville la question des Bulgares. Auparavant la communauté montrée du doigt était maghrébine mais depuis peu ce sont les Bulgares.Il ne fallait rien de mieux à Romain Lopez pour saisir intelligemment le bénéfice politique à en tirer en constituant une liste « ouverte » à des déçus de la gauche comme à des déçus de la droite sur fond d’une stratégie innovante pour le FN-RN : vive l’union des droites.

A mes yeux, depuis toujours [1], les scores du FN ne sont pas la traduction du mal politique de la démocratie, mais le thermomètre indiquant ce mal. Trop d’opposant de gauche du FN ont cru qu’il suffisait de casser le thermomètre pour en finir avec le mal. Lopez, dont le patronyme est celui d’un immigré (il sait en user) a su utiliser les erreurs de cette gauche, les déboires de la droite, les manœuvre du PRG pour tirer son épingle du jeu. Sa victoire est donc circonstancielle comme celle de la droite de Moissac en 2014. Il mérite d’être battu la prochaine fois.

6 ) L’alternative avec TEMS

Voyons les scores :

Lopez 47,3% ; TEMS : 23%.

TEMS est une liste citoyenne de gauche, héritière pour une part de la tradition socialiste mais proposant des méthodes citoyennes adaptées au temps présent. La situation doit les décevoir mais ils occupent la deuxième place tandis que la droite et le centre s’étant déchirés arrivent loin derrière avec seulement 13% pour la liste de la Conseillère départementale Mme Baulu. Faut-il comme le souhaite la tête de liste de TEMS, Estelle Hemmami,que toutes les listes se retirent pour empêcher la victoire de Romain Lopez ? C’est là entrer dans les combines politiciennes !En tant que liste citoyenne, contrairement à beaucoup d’autres, TEMS n’est pas une alliance circonstancielle mais le résultat d’un travail de fond qu’il reste à poursuivre, à adapter, à compléter sans se décourager. C’est le contraire d’une combine politicienne du genre « tous derrière notre panache » ! Il faut savoir perdre pour mieux gagner la fois suivante et en particulier aux élections départementales.

J-P Damaggio


[1Voir mon livre : Le FN et les paradoxes d’hier et de demain, Trente ans d’études à partir du cas du Tarn-et-Garonne, 318 pages, Editions La Brochure