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Macron – Louis Napoléon, éléments de comparaison

vendredi 31 janvier 2020, par René MERLE

Dans sa « découverte » (mieux vaut tard que jamais) des deux lucides reportages à chaud de Marx sur notre Seconde République - Les luttes de classes en France (1848-1850), Le 18 brumaire de Louis Bonaparte -, Emmanuel Todd esquisse un parallèle Macron – Louis Napoléon.

Une comparaison de plus.

Car on a déjà si souvent comparé Macron au premier Bonaparte, à Napoléon empereur (dixit Macron lui-même à Philippe Besson), à Louis XIV le Roi-Soleil, à Louis XV le mal aimé (Mélenchon), à Louis XVI (Macron encore à propos de guillotine), à Daladier (Clémentine Autain), à « un coq qui chante alors que ses pieds sont enfoncés dans la boue » (Erdogan), à Rivera, le leader des Ciudadanos, à Trudeau le play boy canadien, à OSS117 à propos de Benalla, voire à Chirac tout fraîchement, sans parler de Kaa, le serpent du Livre de la jungle (Pierre-René Lemas), et de la chauve souris de la fable…

Mais n’oublions pas que notre Président se compare avant tout à Jupiter !
Ceci dit, revenons à la comparaison de Todd.

Nous savons bien que comparaison n’est pas raison, et encore plus lorsqu’elle met en abyme un événement du passé et un événement du présent.
En fait, pareille comparaison n’a de sens que si elle peut repérer dans l’événement passé quelque chose qui éclaire notre présent et nous indique ce sur quoi il faut intervenir.

Je me dispenserai donc de longues considérations historiques pour évoquer la Seconde République et la nôtre, comme je me dispenserai de longues considérations biographiques, dont le seul intérêt serait de marquer la différence entre l’apatride aventurier politique que fut Louis Napoléon avant son élection, - élevé à l’étranger, carbonaro velléitaire, qui ne mit les pieds sur le sol français que pour son débarquement raté de 1840 et la prison qui s’ensuivit, exilé en Angleterre où on le retrouve en constable qui tape sur les manifestants chartistes, etc. - et le sémillant Emmanuel Macron, passant du lycée des jésuites à l’ENA, et de l’ENA à la haute finance…

Mais quid alors des ressemblances ?

Eh bien, tous deux sont sortis du néant politique pour être oints par le suffrage universel (alors seulement masculin pour Louis Bonaparte). Mais si LN était un inconnu, il avait un nom, et quel nom ! Ce n’était pas donné à tout le monde d’être le neveu de l’Empereur… Alors que personne ne connaissait Macron avant que l’énamouré Hollande n’en fasse son ministre principal.

Tous deux sont des populistes au sens le plus mauvais du terme : l’Élu du Peuple au dessus des partis, qui tire sa légitimité du Peuple, pour n’en faire qu’à sa tête.
Tous deux ont tiré parti d’une situation politique où les vieilles forces politiques, apparemment opposées, se fondaient dans une osmose inefficace, et où mûrissait un immense mécontentement populaire qui ne trouvait pas son issue.
Tous deux sont des ambitieux, mais qui n’ont pas a priori une personnalité telle qu’elle suffise à leur permettre de réaliser leur ambition. Il fallut à tous deux que leur ambition soit découverte et soutenue par de puissants intérêts économiques et financiers, et par une camarilla politique à leur service.

En fait, et c’est là que je voulais en venir, Louis Napoléon comme Emmanuel Macron n’ont pu réussir leur prise de pouvoir que parce qu’elle s’inscrivait dans un cadre constitutionnel parfaitement légal. N’oublions jamais que la Constitution de 1848 est la matrice de la nôtre, avec sa création d’une fonction présidentielle, et par l’élection du président au suffrage universel. Rompant avec les constitutions non présidentielles des Troisième et Quatrième Républiques, un autre populiste fit un copier-coller de l’édifice édifié à la hâte par les républicains bourgeois de 1848 : terrorisés par l’insurrection ouvrière de juin, ils avaient instauré une constitution de pouvoir présidentiel, taillée pour leur sauveur, le tristement célèbre général Cavaignac. Las, ce dernier fut battu à plate couture et Louis Bonaparte l’emporta (80% des suffrages). Seul le second tour (qui n’existait pas en 1848) a permis à Macron de devenir président malgré son petit score du premier.
Et une fois élu grâce à son bon peuple, répétons-le, le président fait ce qu’il veut, il est le seul maître de la politique étrangère, il peut dissoudre l’Assemblée mais elle ne peut pas le renverser. Voilà le cadeau que nous a fait la Seconde République, ou plutôt qu’elle a fait à De Gaulle.

Le seul reproche que Louis Napoléon pouvait faire à cette constitution est qu’au terme de ses quatre années de mandat, il n’avait pas le droit de se représenter, d’où le coup d’État. Alors que notre Président peut rêver déjà de sa réélection…
À l’évidence, dans un autre cadre constitutionnel, vu l’état actuel de l’opinion, notre Président serait assez vite aller se faire oublier à la Lanterne de Versailles ou à Chambord…

C’est donc ce verrou constitutionnel qu’il faudra bien faire sauter.

Mais chacun voit, ou devrait voir, que pareille entreprise n’est pas l’apanage des constitutionnalistes ; elle suppose une implication totale dans les bouillonnements de la société, et au premier chef dans la lutte des classes. Marx d’ailleurs, dans ses deux recueils d’articles écrits à chaud, fait vivre au plus près des destins individuels le reflet des oppositions de classe, et l’on se dit qu’il ne serait pas malséant qu’un polémiste de talent, et d’engagement, nous livre un ouvrage du même souffle sur le règne Macron…

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