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Appel des militaires : faux problème et vraies questions !

samedi 1er mai 2021, par Jacques COTTA

Pour lever toute ambiguïté et éviter tout faux débat, voici quelques précautions d’usage. C’est la troisième fois depuis l’affaire du capitaine Alfred Dreyfus que la grande muette sort de son silence. Chaque fois c’est la démocratie au nom de la république qui est en ligne de mire.

  • La première fois, au printemps de 1958, les militaires obtiennent la mort de la quatrième république et ouvrent la voie à la 5ème bonapartiste, faite sur mesure pour le général, et dont nous subissons encore aujourd’hui le caractère profondément anti démocratique.
  • La seconde fois, les militaires tentent un putsch directement contre le pouvoir parisien qui s’engage vers la décolonisation de l’Algérie.
  • Cette troisième fois, sommes nous confrontés à une situation semblable, à une menace directe, à un danger comparable aux cas précédents ? Il ne s’agit pas ici de minimiser quoi que ce soit, mais de ne pas se laisser embarquer dans des réactions épidermiques, irraisonnées, qui nous écarteraient de la réalité, qui masqueraient les véritables enjeux.

Parlons du danger d’abord

A peine publié, les réactions se sont multipliées pour dénoncer cette intrusion des militaires sur la scène politique française. L’émotion aidant, « le danger du fascisme de la part de généraux factieux menaçant le pays de la guerre civile » a été très vite mis en exergue. Et curieusement ce sont en des termes comparables que Jean Luc Mélenchon et la ministre de la défense Florence Parly sont montés au créneau.

Voilà sans doute le principal danger de cet appel. Polariser la réflexion, les réactions, la vie politique sur son existence en mettant en scène, de fait, le rêve macronien pour les prochaines présidentielles : les fascistes d’un côté, les démocrates de l’autre. Marine Le Pen tient d’ailleurs son rôle dans cette partition en venant —oh surprise— soutenir les militaires en question, venant ainsi accréditer l’idée du complot d’extrême droite manigancé en réalité par une poignée de généraux en retraite.

Cela rappelle curieusement la manoeuvre du port de Marseille à la veille des précédentes européennes où Macron rencontrant Mélenchon se disent avec respect et circonvolutions devant les caméras leur haine partagée pour Le Pen, Orban, et quelques autres, définissant ainsi le camp du bien —dont Macron devait prendre la tête— contre celui du mal.

Cet appel sur le fond fait diversion

La manœuvre est grossière et il est étonnant que Mélenchon retombe dans le panneau. Le véritable danger n’est pas là. Il se trouve dans les mesures politiques et économiques que le gouvernement avec l’Union européenne vont prendre au nom de la sortie de crise sanitaire : remettre le couvert sur les retraites, attaquer comme jamais l’assurance chômage, fragiliser l’emploi et exiger que passent à la caisse les citoyens pour rembourser le « quoi qu’il en coûte », soutenir et justifier une pléiade de plans sociaux avec ses cortèges de misère, et autres joyeusetés du même acabit.

Et pour y parvenir, en cas de résistance, point besoin des militaires, notamment à la retraite. Les lois contenues dans les différents états d’urgence de la Macronie, qui ont été au fur et à mesure pérennisées, feront l’affaire. Assignation à résidence, emprisonnement préventif, possibilité sans en référer à quiconque pour l’exécutif de paralyser à nouveau le pays, quand bon lui semblera, interdiction de rassemblements, de réunions ou manifestations… Nos libertés piétinées !

Pas besoin là encore d’aller agiter le danger Le Pen. C’est Macron et personne d’autre, le président qui a fait donner la poudre contre les français durant les manifestations de Gilets Jaunes, qui se consacre à mettre en place les mesures répressives et liquidatrices des libertés, comme jamais.

Parlons du contenu

Quelques jours après la publication de cet appel, un sondage indique que 58% des français approuvent cette initiative.

La France serait-elle soudainement devenue fasciste ?
Les hordes d’extrême droite seraient-elles à l’oeuvre ?

Evidemment tout le monde est pris au dépourvu. Certains remettent en cause la validité des sondages. D’autres accusent la presse de monter en épingle quelques réactions isolées. La gauche regarde le doigt lorsque celui-ci indique la lune !

Il suffit en effet de constater les réactions dans la rue, dans les quartiers, pour comprendre la signification d’un tel sondage qui indique, n’en déplaise aux sceptiques, une tendance lourde dans l’opinion.

Les français ne sont pas devenus spécialement militaristes. Ce n’est pas l’uniforme qui les attire, mais les arguments, tout simplement. Et en cela il ne sert à rien de condamner à nouveau l’habileté de militaires qui disent des choses justes au nom de l’ordre, ce qui dans la bouche d’un galonné n’est pas vraiment une surprise. Ce sont les arguments qui comptent dans la détermination des français.

  • Le premier péril serait lié à un certain antiracisme, « certains parlent de racialisme, d’indigénisme et de théories décoloniales mais, à travers ces termes c’est la guerre raciale que veulent ces partisans haineux et fanatiques. Ils méprisent notre pays, ses traditions et sa culture et ils veulent le voir se dissoudre en lui arrachant son passé et son histoire ». Dans la réalité comment contester le différentialisme, le racialisme, la stratégie insupportable de la repentance obligatoire sur tout et tout le temps ?
  • Le deuxième péril viendrait de « l’islamisme et des hordes de banlieue ».
    Ils ont la partie belle les rédacteurs de cet appel vu les les agressions dans les quartiers, les attaques de services publics (et pas seulement de commissariat, ce qui évidemment serait en soi déjà beaucoup trop) ou encore les agressions ou assassinats périodiques à espace plus ou moins espacés.
  • Le troisième péril qui menace notre société serait la haine qui « prend le pas sur la fraternité lors des manifestations où le pouvoir utilise les forces de l’ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des français en gilets jaunes exprimant leurs désespoirs ». Comment ne pas voir que pour la plupart des Gilets jaunes qui ont constitué les gros bataillons des premières manifestations, ce discours tape juste ?

Comment ne pas voir dans les faits évoqués de vrais sujets de préoccupation. Et comment ne pas comprendre que nos militaires ne peuvent s’en saisir, que pour la seule raison que ce terrain de discussion et d’engagement est déserté par la gauche notamment.

Les 58% qui approuvent cet appel sont orphelins politiquement. Et à les laisser ainsi, la gauche les jette tout droit dans les bras de Marine Le Pen qui elle n’évite pas le sujet. Ne pas parler par exemple de crime islamiste à Rambouillet de peur de faire l’amalgame avec les musulmans — ce qui est absurde — revient à rejeter les millions de musulmans français dans les bras des islamistes en permettant à ces derniers de prétendre les représenter.

Parlons de la suite enfin

« Il suffirait de presque rien » comme le dit la chanson, pour gagner la majorité dans la perspective du changement nécessaire de la société. Il suffirait juste qu’une force politique aborde les vrais sujets sans complaisance, sans calcul électoraliste, juste avec le souci de répondre aux préoccupations majoritaires de nos compatriotes, souvent les plus défavorisés, qui sont confrontés à ces sujets qui fâchent.

Parions que si de vieux militaires inconnus emportent la sympathie de la majorité des français, une organisation bâtie, responsable, qui nommerait les choses par leur nom pourrait sans grande difficulté, sans démagogie et sans concession, emporter le morceau.

On se prendrait presque à y croire … Mais le temps passe, et là encore, comme le dit la chanson, « avec le temps va, avec le temps va tout s’en va…. ».

Jacques Cotta
Le 1er mai 2021

Messages

  • Tres très bonne analyse Jacques.
    Tu en appelles à cette organisation tant supputée...
    "Il suf­fi­rait juste qu’une force politique aborde les vrais sujets sans complaisance, sans calcul électoraliste, juste avec le souci de répondre aux préoccupations majoritaires de nos compatriotes, souvent les plus défavorisés, qui sont confrontés à ces sujets qui fâchent.
    [...] une organisation bâtie, responsable, qui nom­me­rait les choses par leur nom "....

    Mais cette organisation, nous l’avons déjà rassemblée dans l’histoire....et quelle histoire ! celle de la guerre !
    Mais... nous sommes en guerre... je te passe les détails qui l’attestent..
    Et ce n’est pas PAR hasard si nous en sommes à la 3 ème lettre de militaires !
    La Patrie est en danger !!!! OUI.
    Un autre texte de la Sociale donne le mot d’ordre : être maître chez soi.
    Cela se nomme la SOUVERAINETÉ.
    Depuis une bonne décennie que les uns et les autres nous tentons de réunir une coalition de souverainistes....C’est pile le moment stratégique avant une guerre civile probable et / OU l’arrivée d’un pouvoir fasciste !
    CRÉONS CET APPEL. MAINTENANT. A LYON OU A PARIS....

  • Bravo Jacques Cotta, tout est dit et bien dit !
    Mais cela sera-t’il entendu pas les fans d’une certaine Gauche (LFI-PCF-PS-EELV) pour qui tout militaire n’est qu’un "fasciste" en puissance.

  • Il manque pour le moins la prise en compte d’éléments essentiels, qui n’auraient pas dû échapper à la réflexion de militaires et qui sont d’une importance bien plus déterminante dans le "délitement" du pays, de la nation, que craignent ces militaires : la perte des souverainetés populaire et nationale, de l’indépendance, de toute démocratie...par soumission à l’UE, arme de guerre de la finance (ce que d’autres militaires ont su exprimer dans une réponse que l’on peut trouver sur le blog d’ "El Diablo"). De grandes régions (lands ?) en "zone transfrontalière" offerte à l’Allemagne, jusqu’à Alsace et Moselle devenues..."européennes"...le délitement de la nation est organisé à un étage supérieur autrement décisif. Ce n’est pas par simple provocation que j’ai qualifié la bande au pouvoir comme étant les "nouveaux collabos" de la nouvelle "souveraineté européenne" mais je dois pourtant admettre que je devais traîner encore quelques débris de naïveté car la fascisation du régime s’est largement accélérée, n’hésitant pas à rivaliser avec celui de Vichy.
    Méc-créant.
    (Blog : "Immondialisation : peuples en solde !" )

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