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SAM SUFFIT PAS

lundi 3 janvier 2022, par Robert POLLARD

SAM SUFFIT PAS

Promis, juré, craché ils vont faire ce qu’il faut pour que soient rapatriés les ateliers de production, les usines délocalisées et les bons sentiments, plus ou moins volatiles, mais toujours au rendez-vous pour les élections surtout quand on a affaire à la Présidence de la République. Droit dans les yeux, bien profond. La gestuelle zemmourienne est une référence que tous les candidates et candidats portent en eux silencieusement. Zemmour, candidat tête de pont, au moins aura-t-il donné le ton, montré la voie de la verticalité, flèche éructée d’entre les deux tours hypocrites du religieux et du politique.

Alors, dans cette atmosphère, Renault, le gouvernement, la Présidence sacrifient l’usine SAM sans autre raison que le profit. 340 chômeurs et chômeuses des promesses de reprises déjà effacées ou de reclassement qui ne font pas illusion, on en connaît des exemples nombreux (dans les Ardennes notamment) qui finissent par l’extinction totale des feux en quelques mois, et d’autres sont en préparation, il suffit d’en consulter la liste sur internet, engluée le plus souvent, dans des explications visqueuses. La mondialisation des profits et des pratiques qui structurent leur réalisation, avance comme une nappe gluante qui fige, absorbe et digère le petit paysan, le petit entrepreneur et leurs salariés remis aux mains des grands exploiteurs du travail, tout ce maelstrom s’accompagne de formules convenues faites d’un vocable façonné de mots détournés du sens commun qui font d’un « technicien de surface “, en ‘cessation d’activité sans domicile fixe ‘(classé SDF) un homme ou une femme remisés dans l’abstraction. Le plus remarquable est que plus personne, ou presque, ne parle ou n’écrit avec d’autres mots, d’autres expressions, sauf les travailleurs et travailleuses — expression si souvent moquée — qui n’ont aucun doute sur ce qu’est la vérité du chômage et de l’errance, mais eux n’ont pas la parole publique à leur portée sauf à manifester dans la rue, quand les gardiens de la paix sociale et politique sont lâchés pour que tous et toutes rentrent dans l’ordre par la force.

Il plane une ‘atmosphère ‘qui se répand avec une régularité métronomique par vagues successives annoncées, déjà prévues semble-t-il et planifiées, depuis le mystère non élucidé du laboratoire — ou du marché — de Wuhan. La peur que doit provoquer cette atmosphère ‘anxiogène ‘, comme s’appliquent à répéter les commentateurs, est l’assouplissant nécessaire à notre lavage de cerveau, recherché pour donner cette habitude très appréciée de ceux et celles qui ont la responsabilité du pouvoir : la soumission aux ordres et contre-ordres, le respect de l’interdiction venue du chef, dans le plus grand désarroi.

Non bien sûr, il n’y a pas de complot international ayant pour objectif déclaré de jeter un virus en pâture à l’Humanité, mais une entente spontanée pour voir dans cette ‘pandémie’ une opportunité. Ce qui explique, entre autres, le comportement jugé irresponsable de dirigeants de différentes nationalités faisant la fête en groupes largement excédentaires, sans aucune des précautions vantées à longueur de J.T. ou d’éditoriaux, ou de discours récurrents et plus ou moins grandiloquents sur ce que l’on ‘connaît par cœur’* de la conduite à tenir, mais que pourtant il est nécessaire de redire parce que vous devez y mettre du vôtre. Elle est de votre responsabilité cette conduite.

Une tension paradoxale qui s’accorde avec la tendance relevée par l’astrophysicien David Elbaz (Libération 18/19 décembre) ‘qui veut que l’univers aille vers plus de désordre alors qu’on ne cesse de s’émerveiller de la beauté des formes complexes qui le structurent’ ; ils ne demandent pas l’émerveillement nos ministres intègres, seulement de la souplesse obéissante et respectueuse. Les formes complexes et contradictoires qui structurent leur pensée politique obéissent, elles, à une nécessité catégorique : sauver le Capitalisme affublé du qualificatif ‘progressiste ‘, contre le cheminement reconnu, désormais visible et paradoxal, de l’accélération de la fin du monde vivable. Ce paradoxe serait donc le schéma de l’Univers ! Aucune exception ni faux-fuyant… mais de vrais acteurs faux-culs, sur le devant de la scène politique mondiale qui ricanent devant l’abjection.

Ils ont belle allure, ils sont capés les petits monstres que l’histoire nous désigne : Couve de Murville, ministre très british d’allure qui servit Pétain sans état d’âme jusqu’en 1943, et qui reprit du service comme ministre et Premier ministre sous De Gaulle — très brièvement ‘premier ‘pour cause de Mai 68 un mal dont il ne se remettra pas vraiment (En ce qui me concerne, le ‘de ‘Murville reste un mystère. Cette particule est de bon ton chez les trusteurs français qui tirent profit de la pandémie, comme Aymard de Talhouët de Boisorhand ; Antoine de Rochechouart de Montemart, Antoine de Noaille de Mouchy de Poix sont tous à la tête de grands trusts ayant fait de très aimables bénéfices en bourse, leurs entreprises étant gérées par la société Blue Bridge, également constituée de comtes et marquis. Il y a tout de même anguille au-dessous de la roche puisque le parquet national financier mène une enquête pour escroquerie… Ce ne sont que carnets mondains, il est beaucoup plus édifiant de consulter la note** figurant à la fin de cette lettre pour se faire une idée plus précise du filet dans lequel nous sommes empêtrés. Il recouvre toutes les activités lucratives touchant la fabrique des vaccins, la récupération des données personnelles, etc. La société Vanguard Group, concurrente de Black Rock est aussi un fonds de pension qui roule sur des milliards et, entre autres très, très nombreuses participations au capital, est aussi premier actionnaire de Akamaï laquelle est la première entreprise mondiale de stockage des données numériques notamment les données fournies pas l’application ‘Tous anticovid’**.

Cela donne une excellente occasion au quotidien de référence, Le Monde des 2/26 décembre, de s’adonner à quelques pirouettes spectaculaires dont il garde le secret. Dans son éditorial, ‘Rachat d’actions : quand le capitalisme tourne en rond’ il explique d’abord les mécanismes le l’absurdité boursière qui consistent pour les entreprises à racheter leurs propres actions pour en faire monter les prix et satisfaire leurs actionnaires [les plus gros]. Il nous apprend qu’aux États-Unis ‘les multinationales ont ainsi dépensé, en 2021, plus de 850 millions de dollars [750 mds d’euros]. En France, les montants restent plus modestes, mais la tendance est en forte hausse’. Rien de tout cela ne nous étonne sauf les commentaires qui suivent. Ils dénoncent tout à la fois ce qui paraît être l’escroquerie puisque ‘des milliards partent en fumée’ qui ont été donnés par les Banques centrales pour ‘soutenir l’économie’ [à ce stade on n’arrête plus l’hilarité des décideurs] et le comble, explique l’éditorialiste, ‘est que certaines entreprises vont jusqu’à s’endetter pour financer ces plans de rachats d’action’. Consciencieux, Le Monde explique [presque] naïvement, que les dirigeants de ces entreprises aux pratiques sournoises, sont les premiers bénéficiaires de ces manœuvres d’arsouilles. Le plus remarquable vient sur la fin, l’ultime paragraphe refait le monde ‘capitalistique ‘selon les principes généreusement étalés dans les écoles de commerce de petite envergure : ‘Pourtant il ne faudrait jamais oublier que le but du capitalisme actionnarial consiste avant tout à stimuler la croissance et l’innovation et non à se répartir le butin’ illustrant la force des mots et des idées détournés de la réalité, car qui imaginerait, hormis les âmes naïves, qu’il faut aux capitalistes en panne d’idées et de perspectives, ‘redéfinir un partage de la valeur ajoutée [par qui, au fait ?] moins favorable au capital, au profit des salariés…’ on connaît la chanson : le film d’Alain Resnais, qui a donné toute la saveur du genre aux dimensions d’une comédie musicale. Le général de Gaulle, interrogé, si l’on peut dire, par Michel Droit, nous avait fait la leçon exaltant l’association du capital et du travail condition nécessaire pour une plus grande égalité et efficacité de la société française, c’était l’époque de l’ORTF en noir et blanc, à laquelle les rédactions semblent toujours fidèles : noir et blanc en même temps. Noir pour nous, blanc pour les hommes de pouvoir.

Par ailleurs tout va comme il faut : les licenciements s’annoncent florissants, Michelin en France, au Royaume-Uni, en Espagne espère fermer ses usines surnuméraires qui grignotent les avoirs d’actionnaires déjà bien nourris — ‘L’épidémie de Covid connaît un nouveau sursaut, mais les marchés actions enchaînent les records. Déni de réalité ou reflet d’une réalité économique très favorable ? Trois arguments permettent de trancher le débat. [Les Échos 31/12] — c’est toujours une histoire compliquée avec ce fabricant de pneumatiques : 17 000 salariés en France, on comprend que la marge de manœuvre est assez large. Pour le moment [c’était en décembre], 614, seulement 614 salariés remerciés, quelques réemplois prévus, mais non tenus, comme il est d’usage pour détourner l’attention ou amortir la riposte. Et puis une annonce, résultant plus ou moins d’une fuite, il y aurait de prévue bien plus que ça en matière de restructurations ‘après les élections’ commente Le Point. ; on construisait des BUS électriques à Beauvais, l’entreprise BYD va fermer, même les Chinois ne respectent pas la parole donnée ? Electrolux à Revin dans les Ardennes, déjà ratissées par les faux espoirs et fausses promesses venues de tous les continents y compris US, ici c’est la Suède qui est à l’honneur et qui délocalisera Revin en Pologne, vieille habitude désormais ; Knorr, Unilever doit fermer son usine de Duppigheim dans le Bas-Rhin, 250 salariés auxquels la direction proposerait des reclassements aux quatre coins de la France [Côte-d’Or, Oise, Haute-Marne] 70 sur les 250, on garde ce qu’on veut on jette le reste, pourquoi s’embarrasser de scrupules… ? Et tout n’est pas dit ici, ni répertorié, tant s’en faut.

Au passage on comprendra mieux le rôle que peuvent jouer les alertes répétées aux variants covidiens… et pourquoi se mobilisent les penseurs du Marais quand ils annoncent, chacun à sa façon, que ‘sur un plan politique, le temps des extrémismes est désormais révolu’ comme le dit clairement, au moins dans son titre, Marcel Gauchet dans le septième numéro de Franc-Tireur. A observer et dépecer pour une prochaine 734.

Robert, vous souhaite une bonne année 2022. J’aurais tant aimé voir la 2222, comme le disaient des amies et amis il n’y a pas si longtemps… déjà. Pourquoi déjà, allez savoir.

* Discours de Jean Castex, premier Ministre.

** The Vanguard Group Tout à fait édifiant, ne vous en privez pas !