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L’Homme descend du songe

samedi 24 septembre 2022, par Robert POLLARD

L’HOMME DESCEND DU SONGE

(Moustaki)

Qu’il s’agisse du songe d’une nuit d’été, ou de celui que font les commentateurs de l’univers des politiques et de leurs ayants-droits, tous sont accrochés comme des pendus à ce rêve : les responsables de haut niveau, présidents, ministres et ceux qui s’ensuivent font l’histoire, disent la politique, plus ou moins bien, plus ou moins sauvagement, en un mot ils seraient des décideurs. Ce qui produit un langage conventionnel qui commence souvent par « La volonté de l’exécutif de… », ou encore il nous est confié que le « chef du MoDem, par exemple, met en garde contre “tout passage en force“ et appelle à la pédagogie… », ailleurs il y est question d’un « leader de la CFDT qui prévient que… ». C’est de réforme dont il s’agit et que ce soit de retraite dont ils parlent, ou de chômage, ou de restrictions qu’ils soupèsent, on songe au comment du “savoir-s’y-prendre“ car ils ne peuvent parler que de cela, le comment s’y prendre pour endormir, assommer, pour faire accepter, par exemple, de travailler jusqu’à plus soif pendant plus de 40 ans, jusqu’à ce que sorti de l’usine il en meurt sans même avoir le temps de cultiver son jardin. Relisons L’établi de Robert Linhart : chez Citroën « Le corps d’Albert qui venait de mourir quelques mois après sa retraite avait été programmé pour soixante-cinq ans de vie par tous ceux qui l’avaient utilisé » : concis, on sait donc que la programmation du corps n’était pas le fait des politiques, que ceux-là ne faisaient qu’appliquer des lois et leurs décrets pour obéir aux Autres, les décideurs, les employeurs, les accapareurs du profit, les Maîtres du jeu.

Le Plafond de verre est devenu l’expression de cette obstination à rester quoi qu’il arrive, dans les limites du cadre. Cadre de la loi, des Institutions, le dôme en verre du Reichstag, siège du Bundestag, ceux qui légifèrent et entament les discussions stratégiques, étouffées sous le dôme transparent qui les surplombe, symbole s’il en est, d’où l’on voit ce qu’on ne pourra pas atteindre. Sauf en songe. C’est en Italie que nous remettrons les pieds sur terre : villa d’Este de Cernobbio au bord du lac de Côme, raffinement et discrétion, hôtel de luxe (euphémisme) Paradis Renaissance…ils et elles sont tous là « Durant trois jours, diplomates, chefs d’entreprise et responsables politiques de tout bord se croisent et échangent sur des sujets planétaires  », (surligné par moi) cette fourmilière en dentelle s’organise selon les principes d’une hiérarchie stricte, les bien nommés « Décideurs économiques » ou « Décideurs financiers » tout en haut de ce « mini (pas si mini que ça) Davos lombard  » les autres, les politiques notamment, tentent de se faire bien voir en échafaudant des tactiques propres à consolider le pouvoir des Grands décideurs qui ont dû faire face à cet impondérable, cette foireuse stratégie des coalisés qui soutenaient Mario Draghi qui avait les yeux de Chimène pour ces Grands décideurs financiers capitalistes contemporains qui tentent de perpétuer la tradition dans les pires conditions d’un climat politique dégradé. La clef de voûte de ces stratèges tient dans cette remarque très “objective“ du Monde (21/09) qui écrit que « la dirigeante de Fratelli d’Italia s’en est sortie avec les honneurs » on ne parle plus aussi crument de fascisme mais de « formation postfasciste  » comme pour obéir à une injonction silencieuse des Décideurs qui applaudissent ouvertement Meloni, la postfasciste et Draghi l’ex dirigeant de la Banque européenne et ex-président du Conseil italien — qui peut envisager dans un futur proche sans peur d’être ridicule, la Présidence de l’État, ce bâton de Maréchal lucratif et honorifique.

Dès que l’on parle “d’économie“ le fascisme devient non seulement fréquentable mais recommandé. Ce n’est pas nouveau, la France pourrait devenir la sœur jumelle du système transalpin. « La dirigeante de Fratelli d’Italia ne donne pas l’impression de traiter par-dessus la jambe les questions budgétaires  » et donc se retrouve dans les petits papiers des Grands Prédateurs italiens, avec une côte de popularité qui grimpe y compris chez nos observateurs du Monde-de-la-Haute en France et probablement ailleurs dans nos “Démocraties“. D’où se ronronnement de plaisir du quotidien de révérences, Le Monde du 21 septembre, « Italie : les milieux d’affaires penchent pour Meloni » on peut comprendre ce qui s’agite derrière le rideau noir : que les milieux d’affaires en pincent pour un Fascisme… rénové ! J’ai sous les yeux la publicité pleine page d’une grosse compagnie d’Assurance (Le Monde 22/06/2022 ), « Le Fonds Commun de Placement à Risque  » où il est précisé que ce Fonds Commun « présente un risque élevé de perte en capital et comporte des risques de liquidité », surmonté par la photo d’un personnage qui pourrait illustrer un film de Scorsese, sensé prononcer ces paroles décisives « Parler moins, agir plus, c’est pour quand ? » en très gros caractères. C’est déjà tout le programme d’un néofascisme retors qui vous annonce la couleur sombre de l’aventure que vous pouvez vivre et dont vous mourrez à coup sûr. Avec les honneurs pour le courage et l’abnégation dont vous faites preuve en prenant des risques pour enrichir de plus grands que vous : ne serait-ce pas une image du fascisme tout à fait vraisemblable ?

Dans le brouillard de ses intentions, la machine capitaliste continue de tourner inlassablement, elle tue, emprisonne, torture avec le sourire complice de sa parentèle. Il y eut la mort d’une Iranienne pour une mèche rebelle échappée du foulard, nos hommes et femmes politiques en exercice peuvent se défouler sur ce “scandale“ quand ils et elles deviennent très discrets et discrètes sur l’Arabie Saoudite quand une femme, doctorante en médecine, mère de deux enfants, qui a défendu les droits humains sur… twitter s’est vue condamnée à 34 ans de prison et assortis d’une interdiction de quitter le royaume pendant 34 ans après sa libération. Elle aura alors, et alors seulement, le droit de mourir accablée de remords ! Mais dans 70 ans que sera devenu le “Royaume saoudien“ et ceux qui auront été gorgés de mansuétude pour ces tyrans crapuleux ? Poser cette question est presque aussi vain que de se demander ce que sera devenue l’espèce humaine quand auront été poignardés tous les écrivains et écrivaines aux phrases rebelles au nom d’une quelconque “Fatwa“ lancée par un homme, un humain trop humain, qui se sait temporairement maître d’un Monde et de ses richesses.

Pour l’heure nous avons de quoi nous interroger en songeant aux affres de la Nupes et des Insoumis, si bien soumis à leur démiurge, depuis cette claque qui n’a pas finie de résonner dans les cercles et salons parisiens de Saint Germain des prés — j’ai pour ma part connu des femmes qui avaient giflé leurs compagnons, époux ou pas, que faudrait-il en déduire ? La violence est instaurée, institutionnalisée en des lieux si souvent tenus secrets — bien que découverts depuis longtemps — qu’il devient évident qu’elle est intégrée très profondément au cœur de l’humain. L’en extraire semble être une tâche quasi surhumaine. Ainsi constatée, elle reste insupportable cette violence, que ce soit dans le secret du foyer ou de l’alcôve, ou dans les arrières boutiques des commissariats et et lieux secrets de détention et de torture un peu partout dans le vaste monde. Mais elle comporte des degrés, la violence exercée par la torture — pour de toujours “bonnes raisons“ —, la violence du viol, la violence qui provoque la mort, ne sont en rien équivalentes à la gifle. Et pourtant dans son principe et dans sa fonction elle suppose, cette gifle réflexe, qu’on est entré dans une spirale mortifère, la différence vient de la stupéfaction de celui ou celle qui la donne comme de celle ou celui qui la reçoit, qui souvent (pas toujours) désamorce l’agressivité : geste incontrôlé, effet non moins incontrôlable et stupéfiant chez des gens ordinaires, en situation conflictuelle ordinaire. En l’occurrence allez savoir, aurait-il eu une arme entre les mains par le plus grand des hasards, un long couteau de cuisine par exemple, que serait devenu la “gifle“ ? On retient donc de lui qu’il ne contrôle pas ses pulsions dans un cas d’extrême confrontation mais qu’il a les idées claires en bon politique qu’il est : cas de figure embarrassant pour la petite histoire. Que pèse la gifle au regard des pulsions de Poutine et de quelques uns des siens ? Et de bien d’autres de son gabarit, alors qu’à titre personnel on ne les ait jamais vus gifler qui que ce soit…

Demain les élections italiennes, les électeurs vont-ils contrôler leurs pulsions qui les porteraient vers le postfascisme ? Quel sera le taux de participation de ces pulsionnaires ? Autant de questions en attente aujourd’hui, samedi 24 septembre 2022… bien au-delà d’une vision “genrée“ de la situation italienne.

PS Non, je n’ai pas oublié la question du référendum chilien.