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Le grand rendez-vous mexicain

jeudi 7 juin 2018, par Jean-Paul DAMAGGIO

L’histoire du Mexique a souvent été à contretemps. Si bien que pendant les années 2000 quand l’Amérique latine découvrait de nombreuses politiques de gauche, c’est la droite qui accédait enfin au pouvoir à Mexico. Aujourd’hui, alors que le bilan des dites opérations de gauche est contrasté pour ne pas dire parfois catastrophique (Nicaragua), les élections de juillet au Mexique vont assurer la victoire d’AMLO (Andre Manuel Lopez Obrador). Après trois tentatives, comme François Mitterrand, cet homme issu du parti de gauche le PRD ne peut plus se faire voler la victoire comme c’est arrivé auparavant. Mais cette victoire annoncée, si elle soulève l’enthousiasme d’une partie de la société civile, n’efface pas les craintes d’un échec possible.

Le dossier le plus terrible concerne la lutte contre le crime organisé. Depuis les dites années 2000, les divers pouvoirs du PAN (la droite) et à présent du PRI (le parti historique issu de la gauche) n’ont pas réussi à inverser la tendance au pourrissement du pays. A lire le programme d’AMLO, l’objectif est de prendre des mesures sociales, et de proposer des amnisties pour calmer la situation. Mais ce programme reste flou sur un dossier majeur : faut-il légaliser ou pas les drogues ?

Personnellement je n’ai pas d’opinion arrêtée sur le sujet mais une chose est sûre : la légalisation ne freinera pas le crime organisé qui en est à un stade où ce marché n’est qu’une des variantes de ses activités.

Chavez a beaucoup pensé que les politiques sociales mises en œuvre pouvaient en finir avec le cancer du crime organisé mais sans succès, et il en était venu à des mesures de répression y compris en lien avec les USA. Aujourd’hui, les problèmes du Venezuela sont au-delà de cette question mais comme partout en Amérique latine, l’argent « facile » détruit toutes les structures sociales (familiales, politiques, économiques…).

De plus si AMLO peut espérer un succès personnel, après des années de campagne électorale dans le pays, son parti, MORENA, aura-t-il la majorité de députés et d’élus dans les villes ?

Ajoutons que l’ampleur de son programme est telle que la question de son successeur se pose : au Mexique toute réélection est impossible, et il ne peut espérer, en un mandat, révolutionner son pays comme il le souhaite.

A suivre au jour le jour cette campagne électorale, le Mexique démocratique peut inaugurer une révolution nouvelle comme celle de 1910, une révolution tenant compte des échecs du PT brésilien et d’autres, tenant compte de la guerre engagée par Trump et tenant compte des forces sociales existantes. Une des erreurs du PT a été de s’appuyer faiblement sur le Mouvement des sans terre par exemple, pour ne pas affronter les grands pouvoirs économiques. Jamais le PT n’a été majoritaire et il a gouverné en composant toujours avec des forces du centre, voire de droite, c’est ainsi qu’il a été chassé du pouvoir par le vice-président que lui-même s’était choisi.

Le mode de scrutin mexicain de la présidentielle qui fait qu’est élu dès le premier tour le candidat arrivé en tête, ne donnera pas une majorité de 50% à AMLO d’où la difficulté de la tâche. La satisfaction née des premières mesures sociales vont-elles entraîner la mobilisation générale ? C’est là aussi une des leçons des expériences progressistes d’Amérique latine : si le social consiste seulement à aider les pauvres par une redistribution, l’échec sera aussi au bout. Le Mexique, grâce à un mouvement social divers et riche, a les moyens de repenser globalement un projet économique.

Voici une des présentations de l’alternative par Víctor M. Toledo

"Andres Manuel Lopez Obrador et son gouvernement, seront alors en permanence obligés de choisir entre l’opportunité de suivre les recettes automatiques que cherchent à imposer les grands consortiums politiques, diplomatiques, commerciaux, d’affaires, scientifiques, technologiques et de communication, qui sont également livrées et emballées dans des boîtes cadeaux attrayantes et avec dessus le nom de « moderne », « progrès », « développement » ou « croissance », OU de les méditer à la lumière de la réalité du pays et de son histoire. Ici, sa longue marche à travers chaque commune du pays lui donne un formidable avantage. Cet auteur est convaincu que lire ou connaître un phénomène à distance ne sera jamais le même que de le vivre dans toute son intensité, de l’incorporer dans sa propre existence. Cela découle de la diversité biologique et culturelle majestueuse de cet énorme pays, ce qui lui donne beaucoup de mosaïques, de paysages, de tant de différentes régions, et beaucoup d’expériences et de souvenirs, tous qui débordent le jeune âge de la nation (seulement 200 ans). Cette réalité, qui tend à être perdue ou diluée du point de vue urbain et industriel, continuera d’être la boussole la plus importante pour un projet de pays judicieux. Et encore plus avec la civilisation moderne en pleine crise. Par conséquent, les peuples indigènes ou autochtones, avec une population de plus de 25 millions (INEGI, 2015) et un taux de croissance supérieur à celui des métis, demeureront les réserves civilisationnelles et spirituelles du Mexique, qui contiennent de nombreuses clés de la construction d’une modernité alternative."