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Une constituante au Chili ?

lundi 17 février 2020, par Jean-Paul DAMAGGIO

Elle s’appelle Dalia Rivadeneira et elle vit à Valparaiso où elle travaille en tant qu’employée communale. Suite aux mouvements sociaux la municipalité a décidée d’une sérieuse augmentation de salaire. Le salaire minimum a été fixé à 540 euros par mois. Une augmentation de salaire ne signifie pas seulement « gagner plus » mais vivre mieux son travail. Va-t-elle participer à la grève féministe générale du 8 mars ? Cette grève se veut d’un type nouveau. Le mot grève est associé à l’arrêt du système productif sauf que ce système est devenu global et la grève peut être globale. Pas de production, pas de consommation, pas de déplacement, pas de mail. Le mouvement féministe est puissant dans le pays et il veut peser de la même manière sur le processus constituant. Ne pas en faire seulement un processus institutionnel mais un processus constitutif d’un pays nouveau.

Au Chili, le pays vivant encore sous la Constitution de Pinochet, des forces politiques marginales demandaient depuis longtemps un travail constitutionnel. Le grand mouvement social récent a obtenu la mise en œuvre d’un processus après un accord de presque toutes les forces parlementaires (15 novembre 2019) : Démocratie Chrétienne, PS, le parti de droite au pouvoir mais deux partis refusèrent de le signer dont le Parti communiste et un parti pinochetiste en formation.

Comme on va le voir si l’accord a arrêté les manifestations, il n’est pas pour autant très clair.

Le 24 décembre (un mois après) le calendrier de la réforme constitutionnelle a été publié avec ce premier problème : l’actuelle assemblée va-t-elle écrire cette nouvelle constitution ou faut-il élire une assemblée constituante ?
Dans la pratique le groupe technique en charge du dossier doit d’abord faire voter une loi qui ensuite fixera les conditions de l’écriture d’une nouvelle constitution !

La dite loi propose un référendum avec deux questions :

  • Voulez-vous oui ou non une nouvelle constitution ?
  • Qui doit rédiger la nouvelle constitution ? un groupe mixte avec des parlementaires en exercice et des élus nouveaux ou seulement des élus nouveaux.

*Pour ce référendum la télévision publique donnera la parole aux deux camps mais seulement par la bouche des partis et sans référence aux forces sociales.
Tout indique, un peu comme en Algérie, que le système veut garder la maîtrise de la situation pour que toute nouveauté s’inscrive dans le système.

Nous sommes une fois encore dans le cas de figure d’un mouvement social très puissant sans traduction politique organisée, le pouvoir ayant troqué le coup d’Etat brutal pour celui d’une guerre de basse intensité. Nous sommes toujours face à cette contradiction entre d’un côté l’urgence créée par les problèmes, et de l’autre les lenteurs pour leur apporter des solutions… surtout quand le pouvoir veut laisser pourrir une situation. Comment articuler une juste augmentation des salaires qui affronte le présent, et un travail autour d’une nouvelle Constitution qui ne peut que prendre du temps ? Partout les forces démocratiques sont face à ce dilemme.

J-P Damaggio

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