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Nouvelle donne en Italie ?

jeudi 24 septembre 2020, par Denis COLLIN

Les 20 et 21 septembre, l’Italie a voté. D’abord pour une référendum, ensuite pour le gouvernement de six régions et enfin pour l’administration de quelques centaines de communes. Tous ces scrutins modifient le paysage politique italien et un certain nombre de conséquences peuvent en être tirées.

Le référendum, lancé à l’initiative du gouvernement et qui reprenait une des propositions centrales du M5S — le parti de Beppe Grillo et Luigi di Maio, principal soutien du Premier ministre Conte — réduit le nombre de parlementaires de 945 à 600 (400 députés et 200 sénateurs). Toutes les oppositions, de la droite au centre gauche autour du groupe de presse La Repubblica, avaient appelé à voter « non ». Le résultat est sans appel : près de 70 % de « oui ». Bien qu’elle ait été défendue dans le passé par tous les partis politiques, les opposants au gouvernement qualifiaient cette mesure de « populiste » et y voyaient même une atteinte à la démocratie. Dans l’esprit des « Cinq étoiles », c’est plutôt une mesure visant à revivifier le parlement et à redonner aux citoyens confiance dans leurs parlementaires. Il Fatto Quotidiano, le journal dirigé par Marco Travoglio, est l’un des rares à avoir soutenu le « oui » et je dois reconnaître que ses arguments m’ont finalement convaincu alors que j’étais très réticent sur la mesure elle-même.

En tout cas, ce résultat conforte le gouvernement Conte et prive ses opposants d’arguments pour des élections anticipées. Il impliquera aussi une refonte profonde du mode de scrutin. Le détail des régionales est plus complexe à analyser. Les candidats gouverneurs ont attiré sur leur nom les électeurs de tous les partis. Ainsi l’élection du gouverneur de Vénétie, Zaia qui atteint les 77 % avec le renfort d’électeurs PD ou M5S. Le même phénomène se produit dans d’autres régions. On note également que la Lega de Salvini a dû revoir à la baisse ses ambitions et elle échoue à prendre ce trophée qu’aurait été pour elle la Toscane, comme elle avait échoué à prendre l’Émilie-Romagne au début de l’année 2020. L’ascension de Salvini est visiblement résistible, même si la Lega conforte nettement sa première place à droite, reléguant les amis de Berlusconi au rôle de supplétifs. Il est vrai que les dissensions se multiplient au sein de ce parti — Zaia ne cache ses critiques acerbes contre Salvini — par ailleurs ravagé par un certain nombre de scandales financiers impliquant des dirigeants de premier plan dans les régions du nord de l’Italie.

Au total, les deux principaux blocs, « centre droit », c’est-à-dire la droite de Berlusconi, Salvini, Melloni) et « centre gauche », c’est-à-dire le PD et ses alliées comme le groupe Liberi e Uguali notamment, se retrouvent face à face avec chacun 42 % des suffrages environ. Le “mouvement 5 étoiles” est en dessous de 8 %, en dépit de la popularité de Conte et de la réussite de la stratégie d’alliance avec le PD. Renzi, PD-dissident, le petit Macron italien, fait, quant à lui, un “bide” puisqu’il n’atteint même pas 6 % en Toscane, “sa” région. Quant aux partis de la vielle gauche comme le PRC, le SEL, etc., ils ont complètement disparu. La mort de Rossana Rossanda, figure tutélaire de la gauche communiste et fondatrice du journal “Il Manifesto” vient symboliquement clore toute une époque.

Le retour du bon vieux clivage droite-gauche ne doit pas faire illusion. Si au PD nombreux sont les militants qui demandent un retour vers une orientation plus sociale, l’appareil du parti reste farouchement européiste et souhaite que l’Italie entérine le mécanisme européen de stabilisation (MES) au prétexte que cela est nécessaire au plan de rénovation du système de santé en vue d’en faire “le meilleur du monde”, selon le ministre Speranza. Au contraire, globalement le M5S lui est très opposé. Les M5S sont eux-mêmes très divisés. Entre Di Battista qui tient ces élections pour la pire défaite du parti et Luigi di Maio, la guerre est ouverte ; un troisième larron, Roberto Fico est entré en lice ; et personne ne peut préjuger de l’issue du congrès du parti qui a perdu beaucoup d’électeurs… et une bonne partie de son identité (*). Bien que le bilan social dont le gouvernement peut se prévaloir soit bien meilleur que celui des ses voisins (au royaume des aveugles, les borgnes sont rois), et que l’économie italienne s’en tire mieux par exemple que la France (**), l’avenir politique de l’Italie se joue sur un fil. Pour l’instant, la planche à billets tourne et la question de l’UE est remisée au second plan, mais le jour où il faudra passer à la caisse, on s’apercevra que l’Italie ne peut ni ne veut payer et alors l’euro sera mort.

Denis COLLIN.

(*) Le M5S était typiquement un “mouvement gazeux”, construit autour de la personnalité de Grillo et de la plate-forme internet “Rousseau”. De nombreux cadres se prononcent maintenant pour sa transformation en parti avec des locaux et des sections dans les villes, etc. Le bon sens triomphera peut-être.
(**) Le commerce extérieur italien reste nettement excédentaire alors que le déficit français devient abyssal !

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