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Le capital lave plus vert

samedi 13 avril 2019, par Denis COLLIN

Sauvez le climat ! Voilà le mot d’ordre propulsé par les puissants et les médias manipulant des jeunes gens au mieux sympathiques mais peu conscients, au pire à demi-idiots. L’un propose d’arrêter la viande et le nutella et l’autre propose d’interdire tous les vols commerciaux… Peut-être les journalistes ont-ils choisi les meilleurs ? En dépit d’un soutien médiatique et politique massif, la mayonnaise ne prend guère. C’est pourtant si bien d’opposer ces jeunes propres sur eux qui se promènent sagement avec les mots d’ordre creux à ces salopards de pauvres « gilets jaunes » qui roulent au gasoil et demandent la démission de Macron.

Le climat n’est donc pas un problème sérieux ? Le climat, lequel ? On veut sauver quel climat, l’océanique, le tempéré, le continental, le méditerranéen ? Mystère. L’essentiel dans toute cette affaire, c’est de se donner une posture, de faire du vent. Pourtant les transformations climatiques mais aussi géologiques ou zoologiques qui affectent la Terre en tant que les hommes l’habitent, c’est-à-dire notre « écoumène » pour reprendre le concept cher à Augustin Berque, ce sont des questions sérieuses. Ce qui est posé, c’est tout simplement la survie de l’humanité « civilisée ». C’est précisément pour cette raison qu’on ne peut s’en tenir à des slogans débiles. D’abord parce que la question des bouleversements climatiques n’est qu’une question parmi d’autres et peut-être pas la plus grave. L’épuisement des ressources halieutiques, la disparition massive des insectes et des oiseaux et la réduction drastique de la biodiversité mettent en cause la survie du milieu de vie des humains. L’activité humaine est à l’origine de ces destructions massives, à la fois dans les modes de développement de l’agriculture, mais aussi avec le bétonnage systématique de la surface habitable et arable de la planète : autoroutes, échangeurs, centres commerciaux hideux aux portes des villes, déchets plastiques qui envahissent les océans, etc.

Marx disait que le capital détruit les deux sources de la richesse, la Terre et le travail. Nous y sommes : le développement illimité du capital – ce que les politiciens et les économistes appellent « croissance » – est une impossibilité pratique puisque la Terre est limitée. D’autant que la « croissance », c’est-à-dire l’accumulation du capital suppose la croissance rapide de la population humaine. Dans les trois ou quatre décennies qui sont devant nous, nous arriverons aux limites du système et à une crise qui ne sera pas une des innombrables crises cycliques du mode de production capitaliste, mais une crise de l’humanité.

Le capital comme toujours se heurte à ses propres limites et cherche à les surmonter par ses propres méthodes. Le « capitalisme vert » se sent pousser des ailes : éoliennes, panneaux solaires, « énergies renouvelables », aliments végans, « steaks » de synthèse, autos « écolos » à l’électricité. Toutes les pires absurdités sont en vente ou le seront bientôt. Ainsi les sages mobilisations « pour le climat » ne sont-elles que des parades pour le capitalisme qui lave plus vert que vert, même si les acteurs de ces parades ne le savent pas (« père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! »). Il n’est pas compliqué de montrer que toutes les « solutions techniques » du « capitalisme vert sont des impostures ou des cautères sur une jambe de bois. On y reviendra.

Si on veut prendre au sérieux les questions « écologiques », il faut s’attaquer résolument au capital, ce rapport social fondé sur la « valorisation de la valeur » et repenser de fond en comble l’ensemble de nos rapports avec la nature, l’ensemble de nos rapports sociaux de production. « Dépasser le capitalisme » ? La formule est ambiguë : dépasser c’est aller plus vite dans la même direction. Non, « abolir le capitalisme », c’est-à-dire freiner à bloc et faire de demi-tour avant qu’il ne soit trop tard, avant que ne soit définitivement accomplie l’obsolescence de l’homme.