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Elections européennes et poker menteur

lundi 10 juin 2024, par Jacques COTTA

Avec les européennes, deux enseignements méritent d’être tirés. Le premier concerne les résultats électoraux à proprement parlé, le second les conséquences politiques et le sens exact de la décision du Président de la république de dissoudre l’Assemblée nationale qui s’apparente en réalité à un véritable coup de poker menteur.

Les résultats

Il est habituel dans les soirées électorales de voir ergoter à tour de rôle les représentants des différents partis qui tous affichent en général un air satisfait.

Ces résultats ont donné lieu à un spectacle différent qui confirme la règle.

  • -> Premier point d’inquiétude partagé par tous : le taux d’abstention.

Avec 48,5%, il est légèrement moins élevé qu’aux dernières élections de même nature, mais demeure très élevé.
L’abstention ne peut être réduite à un seul désintérêt pour les élections. Elle témoigne d’une opposition, voire d’une hostilité, au cadre que représente l’union européenne. Et dans cette veine, il y a plus.

Avant les élections, une pétition rassemblant plus de 5000 signatures, appelait les responsables politiques à s’exprimer sur la nécessité de « quitter l’UE sans tarder » et dans ce cadre proposait soit de s’abstenir, soit de voter pour une liste qui dise clairement cette volonté.

Certaines listes dites souverainistes, se sont affichées ouvertement opposées à l’UE, partisanes d’une rupture avec Bruxelles et Strasbourg. Elles totalisent environ 3% des voix.
Le premier enseignement des résultats électoraux est donc le suivant :

Politiquement, c’est donc une majorité absolue qui a montré sa défiance vis à vis de l’union européenne en s’abstenant ou boycottant les élections du 9 juin.

  • -> La défaite des macronistes et de Macron en personne.

Le président de la république s’est affiché comme chef d’orchestre, apporteur d’idées, porte parole, ou encore organisateur du casting pour la liste Macroniste conduite par Valérie Hayer. Avec 15% des voix environ, soit la moitié du score réalisé par le RN qui totalise 32% des suffrages exprimés, la macronie, et Macron lui-même, subissent un désaveu sans précédent.

Dés lors, Macron n’a plus aucune latitude pour gouverner. Le vote émis par la moitié du corps électoral est en effet déterminé plus par des préoccupations nationales qu’européennes. C’est sa légitimité qui est immédiatement balayée.

  • -> Le RN et Reconquête aux environs de 37% des exprimés.

D’évidence, les partis concernés ont été saisis par les électeurs comme les véhicules permettant d’affirmer le rejet du pouvoir, le rejet de la macronie, alors qu’à y regarder de prés, ils sont assez macron-compatibles. Ceux qui se glorifient de ce score pour voir la victoire de leur orientation comme ceux qui mettent en avant ce résultats pour entonner à nouveau l’hymne antifasciste de circonstance se racontent en grande partie des histoires.

  • -> Le PS et Rafael Glucksmann réalisent 14% environ.

Candidat de la presse notamment et d’une partie de l’oligarchie, le tête de liste a rassemblé une part des macronistes déçus qui ne voient plus d’issue dans Macron qu’ils jugent « cramé », et qui cherchent une voie de secours, ainsi que les restes d’un parti socialiste décomposé et désorganisé.

  • -> Le PCF fait environ 2,5% des voix exprimées.

Ce score confirme un déclin continu et sans fin d’un parti qui dans le meilleur des cas apparait comme protestataire, incapable d’ouvrir une perspective quelconque. Encore un effort et il rejoindra sur le plan électoral les LO ou NPA qui au nom de l’extrême gauche au fait la figuration d’usage. En réalité le PCF est victime du moule dans lequel il a décidé de se couler, à l’image de tous les autres, au lieu de faire campagne contre l’UE, rejetée par la majorité du peuple français.

  • -> Les écologistes avec 5% environ.

Ils font la démonstration que les modes passent aussi vite qu’elles font leur apparition, d’autant que sur tous les sujets il semble de plus en plus évident que l’écologie est chose trop sérieuse pour être réduite à quelques lubies conciliables avec le capitalisme, qui pourtant est au point de départ de la crise écologique que nous connaissons et sur laquelle beaucoup dissertent sans effet.

  • -> Restent les petites listes, dont celles qui se baptisent souverainistes.

Chacune à sa façon remet en question l’union européenne dans une division totale qui rend inaudible et inutile leur présence électorale. Seule l’illusion de « se construire », « seuls contre tous », ou la volonté d’occuper leurs militants, peut justifier leur présence dans ce cadre électoral.

Macron et son coup de poker menteur

Dans ce marigot, Macron a donc décidé d’annoncer la dissolution de l’Assemblée nationale. Il affirme avoir entendu les français, et les appelle a retourner aux urnes « par respect du souci démocratique ».

En réalité, la démocratie a beau dos. Si Macron dissout l’assemblée, c’est essentiellement pour deux raisons.

  • -> parce que les résultats rendent impossible à son gouvernement, quel qu’il soit, d’assumer sa feuille de route tant au niveau national qu’international, notamment pour la réforme des allocation chômage, pour les restrictions imposées à la sécurité sociale, pour la santé, les services publics, l’école, pour la guerre, etc….
  • -> parce qu’il compte s’en sortir en rejouant la pièce qui lui a permis d’accéder au pouvoir. Lui va se présenter comme défenseur de la démocratie contre « les fascistes du RN » et les « bordélisateurs de la FI ». Cette volonté explique d’ailleurs la marche forcé vers ces nouvelles législatives avec une campagne très courte, le premier tour devant avoir lieu dans trois semaines seulement, et le second dans quatre.

Macron bluffe donc, comme tout joueur de poker, et comme ce jeu l’impose il prend un sacré risque. Car rien ne dit que le réflexe entretenu par tous les responsables politiques — « tout sauf le RN » — qui lui a permis d’accéder au pouvoir en 2022 notamment, fasse à nouveau son oeuvre dans un électorat qu’il aura du mal à duper une seconde fois.

Certains signes indiquent cependant que l’opération est jouable.

Coté « Les républicains », certains masochistes sont prêts à s’y risquer, pensant qu’il y a là une bonne façon de sauver leur siège.

Côté LFI, Jean Luc Mélenchon, prenant la parole après l’annonce de Macron, déclare que ce sont deux France qui s’affrontent, une incarnée par le RN, l’autre « la nouvelle France » qu’il a définie par le passé, la France créolisée. Il considère que la bataille centrale est celle du racisme en général et singulièrement du « racisme qui touche une couleur de peau ou une religion ». Il donne ainsi une trajectoire dont l’aboutissement pourrait bien être, comme aux dernières élections présidentielles, un soutien plus ou moins explicite à Macron, et à ses candidats.

Pourtant le bilan de Macron qui a encore trois ans devant lui, devrait être suffisamment explicite pour que la seule conclusion « tout sauf Macron » s’impose clairement. Car si danger fasciste ou totalitaire existe, il est incarné par le pouvoir en place, personnifié par Macron lui-même. De la réforme des retraites à l’assurance chômage, de la guerre en Ukraine au silence sur Gaza, en passant par l’ordre donné à la police et la gendarmerie de tirer sur des Français, ici durant les Gilets jaunes par exemple, sans oublier les atteintes aux libertés, syndicales notamment, les exemples sur la question démocratique, sociale, ou internationale ne manquent pas. Jusqu’à la décision de défaire la Nation, à travers le projet qu’il défend au sein de l’UE, qui voudrait supprimer le vote à l’unanimité, donc le droit de véto de tout état qui ne pourrait plus s’opposer à une quelconque décision le concernant prise par une coalition d’autres qui y verraient avantage.

Côté LFI toujours, François Ruffin qui appelle le soir même des résultats à « arrêter les conneries » pour faire barrage au RN, en demandant aux Glucksmann, Mélenchon, Tonnelier ou encore Roussel de se mettre d’accord, donne là aussi un très mauvais signal. Car c’est pour battre Macron que tout ce beau monde pourrait envisager de se retrouver, simplement, sans mettre à l’ordre du jour une prétendue union de la gauche, pour le moins réchauffée, dont les effets ne sont plus à démontrer.

La démocratie est déjà très fortement entamée, par les institutions de la 5ème république, par leur application —le 49-3 par exemple à répétition il n’y a pas si longtemps— par les lois et la soumission à l’union européenne.

Les élections décidées par Macron avec la dissolution de l’assemblée nationale peuvent donner un sursaut démocratique, permettant au peuple de renvoyer la Macronie haïe et ses serviteurs aux ordres. Et il y a fort à parier que celui qui se livrerait, comme cela a été le cas par le passé, à des combinaisons de toutes sortes pour maintenir le pouvoir et Macron en place pour les trois ans qui lui restent, et pour lui donner un vernis de légitimité à l’Assemblée, y perdrait définitivement toute crédibilité.

Jacques Cotta
Le 9 juin 2024

Messages

  • Bonjour Jacques,

    Je partage cette analyse. Cependant, quelque chose m’interroge dans ce que tu écris. En effet comment peut-on considérer que 48,5 % d’abstention ou de boycott font état d’une défiance ou d’un rejet pour cette élection ? Y a-t-il quelque chose qui m’échappe ?

    Bien amicalement,

    Gilles

  • Bonjour Jacques,

    Je partage cette première analyse. Cependant, quelque chose m’interroge. comment peut-on considérer que 48,5 % représentent une majorité absolue en faveur de l’abstention ou du boycott alors qu’il y a malgré tout, 51,5 % de gens qui se sont dirigés vers l’isoloir ?

    Amitiés,

    Gilles

  • Je suis globalement d’accord avec l’analyse de Jacques Cotta. Cependant attribuer au taux d’abstention une volonté d’opposition à l’U.E. n’est pas, de mon point de vue recevable. Il y a en effet une bonne part de désintérêt pour les élections et pas seulement pour les élections européennes. Cela pourrait s’expliquer par une forme d’"à-quoi-bonisme" entretenue par le matraquage des médias très suivis par la grande majorité de nos concitoyens. Les français auraient donc intériorisé le fameux TINA. Voilà pourquoi selon Bernard Teper "il nous faut refonder l’éducation populaire sur la base de la définition historique suivante : « L’éducation populaire est une pratique culturelle qui vise à la transformation sociale et politique aux fins que tout citoyen, tout futur citoyen , tout salarié devienne acteur et auteur de sa propre vie ». Avec cette définition, on est loin des seules garderies sociales et de la vente d’activités socioculturelles qui osent encore s’appeler éducation populaire".

  • Une nouvelle fois les élections on été truquées par les journalistes. Ceux-ci on décidé de ne donner la parole et de ne parler que de 8 des 38 listes leur réservant 92% du temps de parole. Résultat, les listes des journalistes ont fait 90% des voix.
    ce résultat mathématique a déjà été démontré dans des études dont celle-ci : https://x.com/MacaPimaca/status/1757175455667421384
    L’ennemi numéro un de la démocratie, en France, c’est le journaliste qui, en récompense, reçoit d’énormes pots de vin des milliardaires qui les achètent. Tant que les français ne se débarrasseront pas de leur pouvoir de nuisance, la démocratie ne pourra pas exister. Certes les médias ont de moins en moins de lecteurs, auditeurs et téléspectateurs mais leur pouvoir reste considérable face à un internet de plus en plus censuré à la demande de ces mêmes journalistes, notamment de RSF.
    L’avenir est sombre, d’autant plus que la plupart d’entre eux rêvent d’une guerre nucléaire aux 7 milliards de morts.

  • Une contradiction , apparente en tous cas, dans le texte de Jacques Cotta.
    D’abord il semble que ‘’la seule conclusion « tout sauf Macron » s’impose clairement.’’ (et donc le RN éventuellement préférable ou pas pire ? )
    Plus loin Ruffin qui donne ‘’un très mauvais signal’’ en appelant la gauche à se mettre d’accord pour faire barrage au RN.
    Contradiction pourquoi ? parce que s’il est question de faire barrage au RN l’idée est quand même de battre Macron , si c’est possible.
    je veux bien que la contradiction ne soit qu’apparente dans la mesure où cet appel à une une union de la gauche réchauffée a de bonnes chances , en cas - improbable- de succès, de donner une politique à la Macron (ou Hollande) sans Macron. On a déjà donné, même si Macron avait déjà sévi dans le gouvernement Hollande.
    On peut rêver : battre Macron et le RN. je préfère tenter ça. l’un comme l’autre ont d’ailleurs à peu près la même politique. Evidemment je préférerais une coalition intégrant une sortie prévisible de l’Euro de l’UE et de l’Otan, mais cela a été banni du programme de Mélenchon depuis 2017 et les ’’souverainistes’’ sont dans les choux ; calorifère….

  • une semaine aprés ou presque, nous avons un nouveau front populaire qui apparait comme une alliance électorale de circonstance, qui joue à l’antifascisme, alors que le fascisme du XXI° siècle c’est Macron, la technocratie au service des oligarques mondialistes et anglosaxonnisés.
    Pire d’un cote JLM exclut certains députés sortants pour leur manque de servilité, le Nouveau font populaire investit Hollande en Corrèze , sans parler du programme qui soutien Washington, l’OTAN et Zelensky, promet de livrer des armes au nom de la paix et de la démocratie, de la géopolitique et de la diplomatie.
    Bref la gauche s’est perdue dans le sociétal et l’electoralisme, pensant que nouveau Front populaire est un argument marketing !
    Comment les classes populaires et moyennes qui veulent rester françaises,
    pourraient elles crier leur ras le bol autrement qu’en votant RN !
    Lorsque nous assistons en Allemagne à l’éclosion d’un parti de gauche sovciale et populaire : le BSW de Sarah Wagenknecht et son compagnon discret conseiller O Lafontaine atteigant 6,2% aux européennes faisant exploser die Linke parti frère de LFI,cela 5 mois aprés sa fondation ; on se met à rêver qui en France osera se libérer des idéologies catsrtrices que sont le sociétal et ce cosmopolitisme qui sont les idéologies des idiots utiles de la mondialisation anglosaxonne !

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