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École : le crime de Lionel Jospin

mercredi 22 juin 2022, par Denis COLLIN

École : le crime de Lionel Jospin

12, 5 millions d’élèves dans le primaire et le secondaire, auxquels il faut ajouter plus de 2,5 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur, un million de professeurs, sans compter les parents d’élèves — si on estime la moyenne des familles à 2 enfants, cela donne entre 12 et 13 millions de parents d’élèves. L’école, ça pèse lourd dans la nation ! Et au-delà du poids du nombre, l’enseignement détient les clés d’une bonne partie de notre avenir. Or, chose curieuse, la question de l’enseignement a été presque absente des grands débats des dernières élections présidentielles et législatives.

Les désastreuses conséquences de Parcoursup et la liquidation honteuse du baccalauréat, voilà deux éléments qui auraient dû susciter l’intervention politique active hostile à Macron. Et bien, rien ! Silence radio ou presque. Quand l’administration de l’Éducation nationale est prise la main dans le sac à tricher sur les notes du bac pour se fabriquer un bon bilan et une rentrée plus facile en temps d’austérité, qui proteste ? Il est vrai que les affaires scandaleuses d’un État corrompu jusqu’à la moelle sont si nombreuses qu’on ne sait plus où donner de la tête !

Il est urgent que la question de l’école soit ressaisie dans toute son ampleur et sa radicalité. L’école est un enjeu social et politique majeur et nous devons d’abord constater que, sous couvert de démocratisation de l’école, nous assistons depuis les années 1960-1970 a une entreprise perverse de démolition de l’école comme lieu de transmission des savoirs et d’acquisition de diplômes garantis à valeur nationale et sa transformation en « lieu de vie » chargé de permettre l’épanouissement des « élèves au centre », qui deviendront sans trop forcer employables et flexibles — qu’ils ne sachent plus rien ou presque n’est pas grave, bien au contraire.

Il est impossible de faire l’histoire de cette décomposition lente d’une institution dont ne parlait jadis qu’avec respect et qu’aujourd’hui tous méprisent. On ne reviendra ni sur la réforme Fouchet, ni sur le collège unique de M. Haby, ni sur les multiples inventions toutes plus arbitraires les unes que les autres qui ont désorganisé l’institution et miné l’autorité de maîtres. Le point le plus important est peut-être la réforme Jospin de 1989. Il s’agissait d’une loi d’orientation redéfinissant la nature et les missions de l’école. Aux côtés de Jospin, on trouve celui qui deviendra le pire ministre de l’Éducation nationale, le futur sarkozyste Claude Allègre, mais également Pierre Moscovici et l’âme damnée de Jospin, Olivier Schrameck. Que du bon monde !

Le résultat est à la hauteur des concepteurs. La loi introduit plusieurs innovations ravageuses :

  • L’école ne vise pas à instruire (transmettre des connaissances) mais à développer des compétences. Le livret de compétences comme instrument d’évaluation vise à remplacer la notation des devoirs qui contrôlent l’acquisition de connaissances. Schrameck n’avait d’ailleurs que mépris pour les professeurs trop instruits.
  • L’élève doit être « au centre » du système. Autrement dit, le client a toujours raison. Cette thèse « élévocentriste » s’accompagne de « droits » de la défense pour les élèves traduits en conseil de discipline, droits dont les parents aisés ont abondamment usé pour protéger leur progéniture dans les situations les plus invraisemblables. Car placer « l’élève au centre », c’est instituer un tête-à-tête entre le professeur et l’élève, une confrontation entièrement affective (« le prof m’aime pas ») là où le médiateur ultime devrait être le savoir, seul socle objectif.
  • La loi préconise une « pédagogie de contrat » dans laquelle l’élève fixe avec son enseignant les objectifs et les méthodes. L’élève devant « construire son propre savoir », le professeur est maintenant soumis aux desiderata des élèves.
  • Les établissements doivent élaborer des « projets d’établissement » qui finalement ne peuvent conduire qu’à l’éclatement de l’éducation nationale, la mise en concurrence des établissements et la fin des programmes nationaux.
  • La loi crée aussi une machine à décerveler les futurs professeurs, les IUFM.
  • Dans son discours présentant sa loi à l’Assemblée, Jospin en a fixé l’objectif : « faire de notre École, l’École de la réussite de tous les enfants ». Que veut dire réussir ? On ne le saura pas, mais tous les ministres successifs se sont évertués à mettre en œuvre ce programme : tout le monde aura le bac, sauf ceux qui en feront la demande expresse.
    Il est aisé de voir que tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont repris la partition écrite par Jospin et se sont évertués à en tirer les conséquences ultimes. Le résultat est connu : le niveau des élèves français s’effondre dans les classements internationaux, le baccalauréat n’a plus aucune valeur, comme viennent d’ailleurs de la signifier les universités suisses et l’école est devenue un capharnaüm sur lequel règnent en maîtres les parents d’élèves et les petits caïds.

Je reviendrai sur l’état des lieux de l’école dans un prochain article. Mais il y a d’ores et déjà un mot d’ordre simple : défaire tout ce qu’on fait les malfaisants Jospin et Allègre et restaurer, à minima, l’école d’avant 1989.