UN PEU D’HISTOIRE :
Longtemps celles et ceux qui s’intéressent à la politique se sont demandés pourquoi les gens obéissent-ils à d’autres gens. C’est cela le pouvoir : obéir ou se soumettre aux ordres autoritaires ou non d’un autre ou d’un groupe « d’autres ».
Comme la « servitude volontaire » si bien décrite par Etienne de La Boétie, on obéit à des directives que nous n’avons pas produites nous-memes.
Pour cela, il y a trois explications : la force et la contrainte (l’esclave n’a pas d’autre choix sauf à risquer sa vie, qui est la propriété du maitre, et ce rapport donne justification au despotisme, asiatique ou non), la manipulation idéologique (le serf, outre qu’il est attaché à la glèbe et au seigneur, entend « raconter » du berceau à la bière, que c’est dieu qui a institué des rois, des empereurs ou des tyrans, et ce récit donne les monarchies absolues qui ont dominé le monde « occidental » jusqu’aux révolutions des trois derniers siècles, on obéissait aux rois parce qu’on était convaincu qu’ils étaient l’incarnation de dieu sur la terre, dés lors désobéir était un « péché » sanctionné par l’enfer et par les clergés successifs servant la classe sociale au pouvoir), la justification « représentative » (le « citoyen » fait partie de la nation, laquelle est « représentée » par ses élus, les élus pensent et décident pour les citoyens qui sont renvoyés dans leurs foyers après qu’ils aient désignés les « gouvernants » qu’on leur impose, car ces « citoyens » n’ont même pas le droit de choisir celles et ceux qui se présentent à leur suffrage, on appelle cela la BRIGUE, et c’est ce qu’est en train de nous dire Macron : la « foule « est illégitime », seuls les « représentants » sont « légitimes » même quand ils sont désavoués par 80 % du peuple, car ils ont été « oints » par le suffrage !).
Nous en sommes encore à ce stade : car c’est ce que disait Sièyès, « la France ne saurait être une démocratie , la nation ne peut être que représentée », et c’est ce que nous dit encore Macron, deux siècles et demi après Siéyès, qui comme on le sait prépara le coup d’Etat de Bonaparte en 1799...C’est Macron qui nous dit que « la foule haineuse » n’est pas « légitime » car seuls les députés et les sénateurs qui acceptent le 49.3 sont « légitimes » à ses yeux ! On nous a déjà raconté cette fable lors du mouvement des Gilets Jaunes !...
LE SYSTEME « REPRESENTATIF »
Tout le monde dit qu’il est en phase terminale ! Mais peu de gens -politologues de l’oligarchie notamment- proposent des alternatives. De Rosanvallon à Tavoillot, en passant par Blondiaux, Manin, Rousseau (Dominique) et autres Sintomer, tous ces brillants « penseurs »restent dans la « représentation » et ne parlent de « démocratie participative » que pour nier la souveraineté du peuple par le « tirage au sort » ou relégitimer les « élus » qui sont toujours les « décideurs » en dernier ressort !
On ne consulte le peuple que sur la largeur des trottoirs...Tout cela permet à Macron de dire que seul le peuple à travers ses élus serait « légitime », et non « la foule » qui défile démocratiquement dans les rues de France ! Notons ici que Macron ne fait que reprendre cette distinction que faisaient les anciens entre le démos et l’okhlos, bien sur ces auteurs anciens-tous membres des classes dirigeantes de l’époque-ne pouvaient que considérer comme méprisables ces « foules haineuses » -déjà- qui se permettaient de contester l’ordre social établi ! Les classes dirigeantes ne reconnaissent le Démos que lorsqu’elles le contrôlent politiquement par ses « élus » !
Et c’est ainsi qu’un Macron peut soutenir sans honte, que 80 % d’un peuple qui est contre son projet de destruction des retraites par répartition et qui manifeste dans les rues, est « illégitime » et que seule une poignée « d’élus » est légitime -elle- en acceptant l’application d’un article scélérat de la constitution du 4 octobre 1958 , -l’article 49.3- parce qu’ils ont été « élus » par moins de 16,47 % des électeurs inscrits !
C’est cela et rien d’autre le « systeme représentatif » : un système manipulatoire dont le seul objectif est de capturer la souveraineté du peuple au seul profit d’une oligarchie dominante. Et en France, cette oligarchie est celle du CAC 40, décrite dans d’autres articles de ce site. Les « élections » ne servent qu’à cela !
IL FAUT PASSER A LA DEMOCRATIE DELIBERATIVE !
Je n’ai pas perdu le fil de cet article ! C’est quoi le « pouvoir » ? La domination d’un peuple par une classe sociale se fondant sur la tradition, sur une « personnalité charismatique » ou sur une « légitimité légale-rationnelle », comme le dit Max Wéber.
Certains le définissent aussi par « la production d’effets voulus ». Et en effet, l’objectif unique est d’oindre les « élus » de cette huile bénite qu’est l’élection ! Mais ces « élections » ont été dévoyées de leur contenu démocratique et de leur objectif réel ! Et cela aucun « politologue » ne nous le dit, pas même Wéber ! En effet si le peuple est SOUVERAIN, pourquoi devrait-il aliéner tout son pouvoir dans les mains d’élus tout-puissants et rentrer docilement chez lui pour cinq ou six ans après avoir « voté » ?
Dans la démocratie, c’est de VOTATION qu’il faut parler et non « d’élection-désignation » d’élus qui n’ont aucun compte à rendre à leurs « électeurs » ! Rappelons que meme l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen – reprise prétenduement par la constitution actuelle , stipule : « la loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir PERSONNELLEMENT... à sa formation ». Or, depuis deux siècles et demi, cet article est royalement ignoré et foulé aux pieds par la bourgeoisie !
En conséquence, si la souveraineté du peuple est proclamée, si le droit de chaque citoyen d’élaborer la loi commune est reconnu, ce n’est donc pas les « élus » qui doivent être souverains, mais le PEUPLE seul ! Nous pouvons affirmer alors que les actuelles « élections » ne donnent aucune légitimité à ces prétendus « élus » ! Car ces « élus » n’ont pas la légitimité qu’ils prétendent avoir, ayant été « élus » sur la base d’une manipulation théorique non explicite : le dessaisissement de leurs mandants !
Et donc, si nous voulons que le peuple soit souverain, il faut en finir avec l’imposture et l’escroquerie de la « démocratie représentative » et passer à la démocratie DELIBERATIVE !
Ceci signifie que les citoyens doivent avoir les POUVOIRS constituant et législatif. Chaque citoyen est détenteur de la souveraineté populaire. Nous devons donc remettre au goût du jour les ASSEMBLEES PRIMAIRES que notre Grande Révolution Francaise de 1792-1794 avait mise en place dans les 3800 cantons de notre pays(4600 aujourd’hui). Ces Assemblées primaires doivent etre chargées de débattre et mettre en œuvre les MANDATS IMPERATIFS dont leurs élus seront investis. Ainsi nous supprimerons à la fois la brigue, la professionnalité de la politique, et l’inadmissible indépendance de l’élu par l’instrument du mandat « représentatif ». Rappelons que l’article 27 de l’actuelle constitution interdit le mandat impératif !
Qu’est-ce alors que le POUVOIR ? C’est la capacité politique du citoyen à élaborer les lois communes et à contrôler leur exécution.Ce pouvoir ne peut qu’être diffusé dans le peuple, car un peuple est une communauté politique (et non identitaire, ethnique ni religieuse ) de citoyens égaux et autonomes. L’essence de la DEMOCRATIE, c’est la souveraineté du peuple et des citoyens éduqués et informés, capables d’élaborer eux-memes les principes généraux des lois communes, d’en confier le détail législatif à des élus sous mandats impératifs et l’exécution à des mandataires sous contrôle.
La démocratie délibérative signifie donc la restructuration de l’Etat, une réforme territoriale et une redéfinition de la place et du rôle du citoyen. La démocratie délibérative, c’est une Assemblée unique élue au suffrage universel direct, à la proportionnelle à un seul tour, avec prime à la majorité pour le mouvement (ou la coalition de mouvements) arrivé en tete. C’est aussi des Assemblées primaires où le peuple délibère et fixe les orientations générales des mandats impératifs sur la base desquels les partis politiques refondés proposeront leurs candidats au suffrage du peuple, lesquels candidats devront etre validés par les Assemblées.
Alors, c’est quoi le pouvoir ? Dans une démocratie réelle, politique et sociale, le pouvoir ne peut être que la capacité que se donne le peuple de s’auto-gouverner. Un « pouvoir » n’est légitime que s’il est directement issu du peuple, des débats dans ses Assemblées primaires. Ce pouvoir n’est démocratique que si le peuple se donne les moyens de contrôler l’action de ses « commissaires » car- comme nous l’a déjà dit JJ Rousseau- les « représentants » ne doivent être rien d’autre que ses COMMISSAIRES sous mandat impératif ! Tout autre conception du pouvoir -confié à des « représentants »- n’est qu’une captation de pouvoir, une confiscation du pouvoir du peuple, une capture de la puissance politique populaire par une classe sociale parasitaire et illégitime. C’est donc Macron et sa classe sociale qui sont illégitimes, et non le peuple !
CONCLUSION
Le peuple sait ce qu’il faut faire.Il voit bien que la répression brutale de l’expression populaire de cette période par les forces prétoriennes de la bourgeoisie, n’est que la dégénérescence du système représentatif en bonapartisme .
L’illégitimité se manifeste au grand jour ! C’est celle de la classe bourgeoise parasitaire dont il faut se débarrasser .
Je conclurai ce bref article par une pensée de Marx qui devrait être méditée par chacun : « ce n’est que lorsque l’homme individuel réel reprend en lui le citoyen abstrait et est devenu être générique en tant qu’homme individuel dans sa vie empirique, dans son travail individuel, dans ses rapports individuels, ce n’est que lorsque l’homme a reconnu et organisé ses « forces propres », comme forces sociales, et par là ne sépare plus de lui la force sociale dans la forme de la force politique, ce n’est qu’alors que l’émancipation humaine est accomplie ». (La question juive-1843).
C’est cela le citoyen total dans une démocratie délibérative qui organise un pouvoir démocratique.
Jean-Michel Toulouse
Le 22 mars 2023
Messages
1. Quelques réflexions sur le pouvoir, 10 avril 2023, 00:20, par brard
Tes références me conviennent totalement. Le vieux Karl et Jean- Jacques ont toujours beaucoup de choses à nous dire. Si nous n’étions pas aussi arrogants, nous pourrions regarder comment cela se passe dans la patrie de Rousseau où le système de la votation fonctionne bien même pour cadrer le fonctionnement des banques cantonales. Bien amicalement à toi. Jean-Pierre
2. Quelques réflexions sur le pouvoir, 26 avril 2023, 17:28, par Toulouse jmichel
Salut Jean-Pierre. Tout à fait d’accord pour la Suisse. C’est certes un pays capitaliste, mais il y a longtemps qu’ils n’ont plus peur du référendum... Ce qui prouve bien que cet instrument juridico-politique n’est pas suffisant pour retourner une société... Fidèle amitié. jmichel