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"Les révélations" du covid 19 sur l’état de l’économie

lundi 7 septembre 2020, par Jean-Pierre BATTAIS

Le secteur tertiaire a été le plus touché, notamment dans le domaine du commerce et de l’hébergement -restauration, particulièrement ce qui a trait à la saisonnalité (tourisme, événementiel).

Comme c’est un secteur de l’économie qui a été développé dans le but de soutenir et d’élargir les débouchés de l’industrie, dans le cas de la crise du covid, à l’inverse, la baisse d’activité dans ce domaine a écroulé toutes les activités industrielles support.

C’est le cas pour le transport aérien et maritime dont l’arrêt a entrainé assez rapidement la construction des appareils neufs.

Comme les capitalistes comptaient sur une reprise en ‘’V’’, les gouvernements des USA et d’Europe n’ont pas trop tardé à avoir recours au déficit financé par les banques centrales afin d’assurer la continuité du système sans trop de dégâts, le recouvrement de cette dette étant supposé être réglé ultérieurement.

La FED et l’UE ont mis à disposition du gouvernement une ligne illimitée de crédit bornée en fait par les montants validés et assumés par le congrès américain et les gouvernements de l’UE.
Le problème, c’est que la contagion par le covid 19 est un phénomène explosible entrainant une perte de contrôle. D’emblée, la division est apparue entre les deux principales composantes du capital sur la façon de traiter la continuité du système :

  • Toute la partie de service qui relève de l’hébergement-restauration comme Trump, ne voit pas du tout l’intérêt de s’endetter pour des salariés qu’ils peuvent faire travailler aux dépens de leur santé sans attendre qu’une solution médicale fiable soit trouvée d’une part, et d’autre part, prendre des mesures couteuses pour une partie de la population de toute façon âgée dont la maladie ne fait que précipiter son sort.
  • Par contre, l’autre partie impulsée par la FED, reprise par les démocrates soutenus par des milliardaires comprend parfaitement que le recours à la dette permettra à la finance de ne pas plonger de panique, et qu’il permettra aux salariés de survivre tout en assurant la continuité des rentes, ce qui explique que la bourse monte tranquillement alors que les profits hors GAFAs sont loin d’être prometteurs.

Les démocrates ont appris la leçon de 1929 et souhaitent appliquer la méthode de D.F Roosevelt pour sauver le système capitaliste (Mme Coronado a déclaré : Une fois cette crise terminée, le Congrès devrait examiner les outils dont la Fed dispose pour contrer les crises futures. « Nous devrions penser grand et structurellement. ». (NYT 27/08/20.)

Mais évidemment la composition organique du capital a profondément changé. Elle a été modifiée par la mondialisation qui rend tous les pays interdépendants de la délocalisation pour exploiter les gisements de main d’œuvre les moins chers et grâce à une énergie pétrole bon marché et abondante (pour l’instant) rendant le prix du transport dérisoire dans la formation du prix des marchandises et des services.

Cette modification a gonflé le secteur tertiaire dans les pays avancés et a mis en évidence des carences graves dues à l’abandon de fabrications sur le terrain national qui ne sont que les prémisses de ce déséquilibre dangereux.
Par conséquent, il faut surveiller de près ce qui se passe dans la première puissance mondiale dont la crise peut s’abattre sur les pays européens en particulier.

La crise sociale et financière est retardée.

Les effets de seuil de rentabilité ne sont pas encore atteints pour l’ensemble des acteurs concernés, parce que l’état prend en charge temporairement une partie importante des pertes, mais à partir de la rentrée, les conséquences vont être inéluctables et entraîner des faillites en cascade avec son cortège de licenciements massifs.

La crise sanitaire vient se superposer à la situation avant covid qui était marquée par une récession elle-même ralentie par l’endettement au profit des entreprises, et avant d’estimer les suites et les conséquences de cette crise sanitaire, il convient de contextualiser la position du capitalisme occidental par rapport à celle qu’il occupait au vingtième siècle après la seconde guerre mondiale.

Le secteur tertiaire s’est hypertrophié au point qu’il représente en France 75.9% de l’emploi total pour 13.8% dans l’industrie en France. Cette tendance s’est amorcée à partie de 1974 et avec une perte de 2 5000 000 emplois a fait baisser les effectifs ouvriers entrainant mécaniquement la baisse des effectifs dans les syndicats dits lutte de classe, minimisant par là-même le poids de leur engagement dans la lutte.

C’est à partie de 1995 que le leadership de la résistance syndicale a basculé dans le camp des services publics, accentuant le caractère politique des revendications sans justement les assumer en tant que telles. Par conséquent, les dirigeants syndicaux se sont contentés d’ajuster la stratégie des moyens à l’objectif ainsi éludé. C’est la répétition sans fin des grèves partielles et manifestations sans lendemain.

La non prise en considération de ces changements leur a permis de laisser filer le recrutement syndical.
Les fondements pour aborder la lutte de classes dans la période qui s’avance :
Les accords Ségur, compétitivité, ARME montrent le désarroi dans lequel sont plongés les salariés qui veulent préserver leur emploi et leurs revenus. Ces accords constituent une adaptation au capitalisme de misère du 21eme siècle caractérisé par les bas salaires, le partage du travail et des revenus avant de basculer dans le chômage de masse. Ce n’est ni plus ni moins qu’un accompagnement de la part des directions des confédérations.

Le partage du temps de travail est antinomique avec l’extraction de la plus-value qui exige d’allonger la durée de travail le plus possible au-delà de ce que paye le patron à l’employé. Le partage du temps de travail ne peut être que subventionné, et dure aussi longtemps qu’il est subventionné.

Les gains de productivité autorisés par la mécanisation mue par une énergie à bas coût non seulement ne se partagent plus avec le capital qui refuse tout en bloc, mais ils sont la source de la contraction du marché. C’est la baisse tendancielle du taux de profit qui s’applique à l’échelle de la planète, et c’est la fin d’un cycle du système : l’exemple de la relocalisation de la fabrication du paracétamol qui dans le cadre de la concurrence libre et non faussée est un leurre. En effet, vu la taille du marché français, il ne peut pas surpasser ses concurrents ou chinois qui disposent à la fois des ressources du principe actif et du capital de production investi à hauteur du marché mondial. Par conséquent, l’entrepreneur n’investira pas, sauf, s’il est subventionné, (rompant avec les règles de concurrence) de l’UE, alors que la santé est un bien commun dans les limites du pays.

C’est une des raisons pour lesquelles, les capitalistes n’investissent plus et ne font que se partager les dividendes. De ce fait, le taux de productivité a cessé de croitre. Un autre facteur limitant est l’accessibilité du pétrole naturel qui a passé le pic d’extraction et par conséquent va tendre à contribuer à limiter l’extension du parc des moyens de production nouveaux.

Il faut comprendre ce qui a rendu possible l’augmentation des effectifs du secteur tertiaire au cours du 20eme siècle. C’est l’énergie fossile très performante et bon marché permettant de booster les rendements par l’augmentation des machines de plus en plus efficaces (le laminoir de Fos met entre les mains d’un seul opérateur autant de puissance que des millions de forgerons du temps où K. Marx écrivait le capital) qui a nourrit la croissance mesurée par le PIB tant bien que mal.

Les limites du système capitaliste

C’est là qu’il faut rappeler les contradictions immanentes du système entre les ressources qui semblaient illimitées, c’est à dire les moyens de productions et les matières premières, et le capital humain que les patrons veulent éliminer en masse alors qu’ils en ont besoin sur le marché solvable pour réaliser leurs profits. Cette tendance a été ralentie par l’augmentation de la sphère des échanges due aux acquis sociaux.

L’augmentation de la production par l’augmentation des rendements a rempli les effectifs des services où s’effectue principalement le prélèvement de la plus-value en comprimant les salaires et les services rendus au public,
La plus-value est de plus en plus captée par la rente ou la position de rente :
Par le levier du service de la dette publique et l’agiotage sur la dette privée.
La finance et les GAFAs en position de rente par leur position de monopole, les sociétés d’autoroute etc. Dans les services sur la peau des salariés car l’amélioration de la productivité provient davantage de l’intensité du travail que du machinisme.

La solution n’est plus du tout dans les revendications ajustées sur le partage de la plus-value, mais sur un changement de société qui doit s’articuler dans le période sur le maintien de l’emploi et des salaires, dans lequel les syndicats lutte de classe doivent concentrer toute la force militante sur un seul point :
NON A LA FERMETURE DE TELLE OU TELLE ENTREPRISE.
NATIONALISATION IMMEDIATE - MAINTIEN DE TOUS LES EMPLOIS ET SALAIRES.
CREATION MONETAIRE AFFECTEE SPECIALEMENT pour la réindustrialisation du pays. (La France devant se doter de sa propre banque centrale)
PLUS AUCUN EURO POUR LA FINANCE PRIVEE

C’est une urgence absolue, parce qu’il faut bien comprendre qu’après que notre industrie soit partie au fil des délocalisations, notre savoir-faire en haute technologie capté par la Chine, (sans compter les technologies innovantes dont le développement numérique que nous n’avons même pas abordées) cela va entraîner à son tour, une baisse considérable du secteur tertiaire, dans la mesure où nous n’aurons plus rien d’autre à échanger sur le marché mondial qu’une portion congrue du marché du tourisme. Les acquis sociaux ne seront plus financés, nous seront rendus à l’état de nation déclassée.

Tous les patrons vont ouvrir leurs livres de compte pour justifier qu’ils ne peuvent rien faire d’autre que de mettre la clé sous la porte. C’est dans ce contexte que la reconquête de FO est un enjeu crucial de la situation, comme il le fut en 1995 lors de la bataille pour la défense de la sécu.

Ce syndicat occupe une place historique dans le syndicalisme lutte de classe et a été un levier déterminant contre le stalinisme. Il occupe aujourd’hui une position qui pourrait permettre d’en appeler aux militants de la CGT (c’est là que se trouvent les effectifs) à s’engager dans une véritable politique de résistance au capital par-dessus la tête des dirigeants de la CGT.

Le problème c’est que la direction FO a basculé dans le camp de la CFDT et qu’il s’agit de s’appuyer sur la démocratie dans nos rangs pour mettre à disposition de la classe, y compris les gilets jaunes, cet instrument indispensable de combat centralisé.

« Notre souveraineté politique dépendra de notre souveraineté technologique…/…si nos équipements automobiles, nos batteries électriques, nos systèmes de guidage sont chinois ou américains, nous pourrons toujours proclamer notre souveraineté politique, nous l’aurons perdue, et nous tomberons dans le camp des vaincus et des soumis…/…Bâtir une Europe puissante exclusivement sur une économie de service est un mythe. Nous avons besoin de l’industrie ».

Ainsi parlait Bruno Lemaire le 6 mars 2019 dans ‘l’Express’. Ils le savent, mais veulent le faire dans un cadre capitaliste déclinant. Il faut s’en défaire, reconstruisons notre premier outil , FO démocratique.

J-P BATTAIS
le3/09/2020

PS : Je viens de voir le manifeste de propositions pour la relance de l’industrie française…. C’est pire que ce que je pensais.

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