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Prospective

jeudi 10 juin 2021, par Denis COLLIN

Le développement du mode de production capitaliste est indissociable de la croissance démographique. Il y a chez Marx quelques considérations sur ce sujet qui mériteraient d’être approfondies. Mais globalement la démographie, dans toutes ses dimensions, est un point aveugle du marxisme. Pourtant, la population mondiale ne peut croître indéfiniment. Les 9 ou 10 milliards annoncés pour la mi-XXIe siècle sont sans doute le maximum tolérable – sauf à se mettre au régime « soleil vert » et accepter le contrôle totalitaire global comme dans les pires dystopies. Mais si la population se stabilise, plusieurs conséquences s’en déduisent : d’abord un vieillissement statistique, supportable à condition que l’espérance de vie n’augmente plus ; ensuite la fin de la « croissance » capitaliste et enfin des bouleversements anthropologiques radicaux.
Certains pensent (de Laurent Alexandre à Jean-Luc Mélenchon !) que nous pourrons vaincre la mort. C’est évidemment pure folie. Un monde d’où la mort aurait disparu serait d’ailleurs un monde sans vie. Paradoxalement, ce désir d’immortalité est une manifestation névrotique de la pulsion de mort. En réalité, dans les pays où l’espérance de vie est la plus élevée, celle-ci commence à stagner et on observe des régressions de l’espérance de vie en bonne santé. Significativement, le « record » de Jeanne Calmant n’a pas été battu et même pas égalé. Le spectre, horrible du point de vue capitaliste, d’une limite commence à se dresser devant nous. En même temps d’ailleurs, la natalité ralentit nettement. L’Italie se dirige vers un taux de fécondité de 1,25 enfants par femme et la France est elle-aussi très nettement en dessous du taux de renouvellement (1,84 enfants par femme). Si les pays d’Afrique suivaient cette voie, ce serait une bonne nouvelle « pour la planète » et les amis de Mlle Greta devraient se réjouir.
Le vieillissement de la population induira automatiquement une baisse de l’innovation, un moindre goût du risque et si les vieux vivent en bonne santé assez longtemps, ils interdiront aux jeunes de prendre la place. La consommation baissera nettement (la consommation d’école, la consommation de ce qui est nécessaire à l’élevage des enfants, etc.) et donc la production aussi. Bref, les ressorts du mode de production capitaliste seront brisés. Tout cela peut très mal finir.
La situation n’est cependant pas désespérée. Elle exige seulement une révolution. Rien de moins que cela. L’humanité a longtemps vécu dans une quasi-stagnation démographique et cela ne l’a pas empêchée de produire des œuvres dans tous les domaines, qui souvent nous inspirent encore. Si nous voulons que l’humanité ait encore une histoire, on doit se préparer à ce qui vient et changer nos façons d’envisager l’avenir. Accepter de vivre dans un monde limité, une vie limitée, et accepter qu’il n’y ait pas de croissance infinie de la richesse globale. Échanger le plus contre le mieux. La vie des nababs du capital est une catastrophe écologique et l’envier est pure sottise. Par contre, un monde où les inégalités sociales seraient drastiquement réduites serait un monde bien plus intéressant ! Un monde où la culture, la grande culture, serait à la portée du plus grand nombre serait un monde meilleur. Pour employer des termes peut-être un peu pompeux, renoncer à tout avoir pour être plus : voilà sans doute ce que devrait être un idéal communiste renouvelé, unissant la critique marxienne du capital et la tradition de la philosophie.

Denis Collin – 10 juin 2021

Messages

  • L’espérance de vie peut être vue de 2 points d’observation : individuel et collectif. L’espérance de vie collective est aujourd’hui supérieure à 80 ans contre à peine 40 ans pendant toute l’histoire humaine précédente. En 1900, elle était encore d’à peine 47 ans en Occident !
    Mais, à l’échelle individuelle, l’espérance de vie n’a pas changé. L’histoire a retenu de nombreux exemples de personnages ayant vécu très vieux. Je cite Genséric, roi des Vandales, mort à 87 ans au Ve siècle.
    Les progrès de la civilisation industrielle, donc du capitalisme ont augmenté l’espérance de vie collective. La civilisation humaine franchira-t-elle l’étape suivante : augmenter l’espérance de vie individuelle ? Difficile à dire. On ne peut pas savoir où vont nous mener les progrès technologiques actuels.
    Ce qui est certain est que la technologie est inhérente à l’évolution humaine depuis le paléolithique. Sans technologie, pas d’humanité. L’inhérence a été renforcée par le capitalisme. La course-poursuite technologique est vitale pour le capitalisme. Sans elle, le capitalisme s’effondre et cesse d’exister. Le capitalisme est, par essence, un mode de production qui ne peut être stabilisé.
    La menace écologique est la plus visible. Il y en a d’autres. A commencer par l’état de guerre permanent. Il est faux de dire que le monde est en paix depuis 1945. Depuis cette date, des millions d’humains ont été massacrés dans des conflits de rapine sur tous les continents, y compris l’Europe. Des millions sont sur les routes de l’exil, ce sont les "migrants" que les gouvernements cherchent à contenir, depuis plus de 20 ans, sans y arriver, aux portes des pays capitalistes riches, à la frontière mexicaine et en Méditérannée.
    Le capitalisme génère des crises et se nourrit de l’état de crise permanent. Dès la fin du XIXe, les marxistes, sur lesquels domine largement la figure de Rosa Luxembourg, ont bien perçu la menace et ont défini les enjeux du socialisme : se débarrasser de l’anarchie capitaliste où ne se développe que ce qui présente un avantage pécuniaire pour créer un mode de production stable au sein duquel le progrès technologique se poursuive au bénéfice de l’ensemble de l’humanité.

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