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L’idéologie dominante est l’idéologie de la classe dominante.

dimanche 22 mai 2022, par Denis COLLIN

L’idéologie dominante est l’idéologie de la classe dominante.

« Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante. Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées, donc l’expression des rapports qui font d’une classe la classe dominante ; autrement dit, ce sont les idées de sa domination. Les individus qui constituent la classe dominante possèdent, entre autres choses, également une conscience, et en conséquence ils pensent ; pour autant qu’ils dominent en tant que classe et déterminent une époque historique dans toute son ampleur, il va de soi que ces individus dominent dans tous les sens et qu’ils ont une position dominante, entre autres, comme êtres pensants aussi, comme producteurs d’idées, qu’ils règlent la production et la distribution des pensées de leur époque ; leurs idées sont donc les idées dominantes de leur époque. Prenons comme exemple un temps et un pays où la puissance royale, l’aristocratie et la bourgeoisie se disputent le pouvoir et où celui-ci est donc partagé ; il apparaît que la pensée dominante y est la doctrine de la division des pouvoirs qui est alors énoncée comme une « loi éternelle ». » (Marx, L’idéologie allemande)

Voilà ce qui permet de comprendre la puissance apparente de l’idéologie « wok » et des groupes de pression LGBTIQ++ : ces deux mouvements qui ne s’accordent pas toujours bien expriment deux formes de l’idéologie bourgeoise aujourd’hui. Le « travail, famille, patrie » ou KKK (« Kinder, Kirche, Küche  », c’est fini. Ça reste en réserve pour la prochaine phase et là le retour de bâton sera terrible.

Pour l’exposé de l’idéologie dominante, c’est encore le « service public » [il faut entendre le mot « public » au sens où l’on parlait jadis des « filles publiques. »] Jean Viard, ce matin du 21 mai sur France Info, tresse des couronnes de laurier pour la nouvelle premier ministre, Madame Borne, transformée en symbole de la méritocratie républicaine qui comprend bien ce que c’est que travailler, elle dont les parents immigrés ont souffert des persécutions nazies. Et Viard de poursuivre que ceux qui réussissent aujourd’hui sont les immigrés, ceux q.ui ont été arrachés à leur foyer et à leur village natal. Bref, tout va très bien en France si on se remue un peu. Il n’a pas dit qu’il suffisait de traverser la rue. Mais ça lui brûlait les lèvres. Ce monsieur est non un sociologue, mais un propagandiste comme les innombrables zigotos de son genre qui occupent les antennes avec comme tâche de fabriquer du consensus autour du système social et politique dominant. Sa spécialité, c’est un remake du fameux « tout va très bien, Madame le Marquise ».

Mais les propagandistes se font vite remarquer. Il faut offrir un exutoire au mécontentement à l’esprit critique, mais un exutoire permette de critiquer le système pour mieux le protéger. Dans le rêve, notait Freud, un des moyens pour l’inconscient de se manifester est de faire passez pour secondaire le point le plus important. L’idéologie procède de manière assez semblable : elle fait passer pour décisif quelque chose de secondaire. Les « discriminations » dont seraient « victimes » les personnes « trans » sont ainsi passées au premier plan des questions « sociétales » dont il faut traiter toutes affaires cessantes. Donc on ne parle plus de critiquer le mode de production capitaliste, mais de saisir comme oppression majeure cette des « binaires » et des « non-binaires ». L’inversion de la réalité se retrouve aussi quand on fait prévaloir les « oppositions de race » sur les oppositions sociales. Ce qui ressuscite la « question raciale » au mépris des faits. À milieu d’origine sociale équivalent les enfants d’immigrés s’en sortent plutôt mieux à l’école que les enfants « français de souche ». Il y a des explications connues à ce fait, mais, malheureusement, il va contre la « victimisation » des ressortissants de la « diversité » et camoufle soigneusement que la principale discrimination se fait en fonction de la classe sociale et non de la couleur de peau. Encore l’inversion du réel ! Il en va de même si on parle des discriminations hommes/femmes ou homos/hétéros.

L’idéologie de la « gauche progressiste » ne parvient pas à dissimuler totalement sa nature de classe. Elle triomphe dans la petite-bourgeoisie intellectuelle qui s’arroge le monopole de la morale — comme jadis les pères blancs dans les colonies. Acteurs, vedettes de tous les spectacles, universitaires, faiseurs d’opinions, ils ont pour eux tous les micros, tous les organes de presse. Aujourd’hui comme hier, ils prescrivent, décident ce qui est bien et ce qui est mal et méprisen les « franchouillards », les « franco-français », ceux qui « sont d’ici. » Les idéologues de la gauche progressiste, eux, ne sont de nulle part. Tout comme les colonialistes de jadis ! Ils ne font pas toujours partie de cohorte des possédants. Ils se contentent du fouet — fouette, cocher — au service des classes possédantes. Il faut tenir le fouet que d’être fouetté !

La guerre en Ukraine a révélé le fond colonialiste de la gauche progressiste. Pourquoi se sont-ils tous précipités au secours des réfugiés ukrainiens, alors qu’ils laissent les Yéménites mourir sous les coups de l’Arabie Saoudite ? Tous ces gens qui ont peur de leur ombre sont prêts, non à partir en guerre, mais à faire partir des autres sur le front russe. Il ne faut chercher bien loin la raison : les Ukrainiens sont des bons blancs caucasiens et pas des « bougnoules » ! À cela, il faut ajouter le vieux phantasme occidental : nous sommes les porteurs du bien et de la civilisation contre la barbarie orientale incarnée par les Russes et, derrière eux, par les Chinois. Les dominés d’hier sont en train de devenir les dominants de demain. Quelle horreur ! Les trois quarts de l’humanité ne veulent plus de la domination occidentale. Les Français se font chasser d’Afrique à coups de pied au derrière. Les Américains grands organisateurs du chaos sont détestés par les peuples « émergents ». L’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, le Brésil, la Russie, etc. ont les moyens de se passer de « nous », de mettre sur pied leur propre réseau d’échange interbancaire, rappelant aux Yankees que leur règne à une fin. Qu’à cela ne tienne, l’intellectuel de la gauche progressiste vole au secours de son maître, invoquant le droit des nations, « nos » valeurs, la démocratie et quelques autres foutaises de la même farine.

« La pire classe sociale de l’histoire », disait Costanzo Preve en parlant de la « gauche progressiste ». Un jugement que chaque jour qui passe ne fait que confirmer.