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Quel socialisme (ou communisme) pour notre monde ?

lundi 30 janvier 2023, par Yvon QUINIOU

Quel socialisme (ou communisme) pour notre monde ?

Mon interrogation d’ensemble va porter sur la possibilité du socialisme aujourd’hui et ses formes éventuelles, au sein du monde complexe et à beaucoup d’égards désastreux dans lequel nous vivons, mais en sachant que, pour moi, le socialisme est une étape vers un communisme à venir, lointain mais possible et souhaitable, sinon impératif, même si ceux qui y croient et dont je suis, sont peu nombreux.

Or cette incroyance (si je puis dire) s’explique non par des raisons de fond, mais par la domination sur nos esprits (intellectuels, hommes politiques, spécialistes des médias, gens ordinaires qui y sont soumis) de l’assimilation du socialisme (et du communisme) avec ce qui s’est fait en URSS et qui a non seulement lamentablement échoué mais présenté un visage largement repoussant (mais pas totalement) [1] tant dans le domaine économique que dans celui, humain, des droits inhérents à la démocratie, niés par la dictature stalinienne, avec en plus ses millions de victimes. Cette assimilation est totalement fausse au regard de la pensée de Marx, mais elle a été intériorisée et fait croire que le communisme est mort alors qu’il n’a jamais vécu. J’y reviendrai en expliquant cet échec mais sa conséquence a été terrible, à savoir une déferlante libérale qui a envahi l’Europe et aggravé le sort des peuples tout en déclenchant une domination idéologique, mais aussi concrète, du libéralisme (autre nom du capitalisme) qui paraît nous enfermer définitivement dans notre triste monde… si l’on excepte, selon moi, l’expérience chinoise, cruciale à l’échelle internationale et même si elle est contestable, ou aussi des avancées progressistes en Amérique latine, voire quelques résistances, mais modestes, dans cette même Europe. Or il nous faut redresser la barre et relancer une bataille intellectuelle pour justifier une nouvelle espérance politique radicalement progressiste.

Le refus de l’utopie

En attendant, je voudrais revenir sur la notion d’utopie avec laquelle le projet de Marx a commencé par rompre pour inaugurer une conception réaliste et même scientifique, parce que matérialiste, du dépassement du capitalisme [2] et ce, dès le Manifeste communiste. Sans entrer dans tout le détail des différentes conceptions de l’utopie, j’indiquerai que Thomas More, à la fin du Moyen-Âge, est celui qui a le mieux (et le premier) pensé l’utopie (dans un ouvrage du même nom) à titre d’idée pure ou encore d’idéal parfait d’une société en quelque sorte idyllique où règnerait une harmonie apportant aux hommes le bonheur. Point n’est besoin alors de s’occuper concrètement de la réalité socio-économique et politique pour la réformer : l’idéalité ou l’idéalisme de la fiction, généreuse au demeurant, se suffit à elle-même, même si elle porte accusation implicitement contre la réalité existante et pourra donc inspirer des projets plus crédibles. Sauf que ceux-ci, auxquels Marx sera confronté avec Fourier, Saint Simon, Cabet et Owen (avec leurs tentatives de réalisations concrètes), voire Proudhon, auront conçu diversement la base humaine de leurs projets – les passions ou la raison, la coopération ou la compétition, les inégalités naturelles entre les hommes ou pas, le rôle de la de la science et de la technique, voire celui de l’argent). Ils seront alors passés à côté de la réalité historique telle que Marx (avec Engels) va la faire comprendre scientifiquement dans ses processus objectifs effectifs et nous donner la possibilité politique concrète de la transformer. C’est bien pourquoi il s’est battu contre eux [3] (quitte à leur reconnaître des mérites) au nom d’une intelligence matérialiste de la société la faisant reposer concrètement sur l’économie et les conflits de classes qu’elle comporte quand la propriété privée de la production, en l’occurrence de ses moyens, est là, avec le malheur humain qu’elle entraîne du côté des exploités.

La dimension normative

« Malheur humain » : c’est là une qualification qui ne se contente pas de signaler un fait (tout en l’ayant expliqué comme tel), c’est aussi une dénonciation, une critique, donc un jugement de valeur impliquant la référence à des normes sous-jacentes qui ne peuvent être qu’universelles et impératives et donc morales, et non simplement éthiques, particulières et facultatives [4]. Or il y a là un problème de taille quand on entend s’appuyer sur Marx (et nombre de ceux qui s’en réclament), car celui-ci refuse, dans sa période de la maturité qui est celle du Capital, mais d’abord dans L’idéologie allemande, de concevoir ainsi son projet communiste. Je rappellerai seulement dans ce dernier livre, un passage célèbre, mais que je récuse absolument, où il dit : « Le communisme n’est pour nous ni un état qui doit être crée, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel. Les conditions de ce mouvement résultent des prémisses actuellement existantes » [5]. Je le récuse absolument, même si des marxistes l’acceptent pleinement, y compris Lucien Sève dont j’estime le travail par ailleurs. Car il s’en tient à la factualité d’un mouvement historique (sur lequel je reviendrai car il implique un déterminisme finaliste) en oubliant tout ce qui dans son approche du capitalisme implique de critique de celui-ci au plan social. Or la critique est bien un jugement normatif qui dépasse la seule compréhension « positive » de la science et dont celle-ci ne peut rendre compte, car on passe alors du fait au droit et le fait ne peut rendre compte du droit, ce dernier le dépasse ou le transcende, en un sens. Et du coup les normes qui sous-tendent ce jugement se convertissent très logiquement en un idéal lui-même normatif, en l’occurrence moral, qui s’impose aux hommes comme une obligation spécifique. Le paradoxe est que ce que je viens de dire de Marx, lui-même l’avait dit dans sa jeunesse, en l’occurrence dans son premier grand texte critique sur la religion [6]. Ayant dénoncé autant qu’expliqué celle-ci comme une production imaginaire issue de la détresse sociale, la compensant et la renforçant en tant qu’« opium du peuple », il indique que cette analyse critique de sa source et de son fonctionnement débouche sur « l’impératif catégorique de renverser tous les rapports sociaux qui font de l’homme un être humilié, abandonné, asservi, méprisable » – ce qui est bien l’expression d’une exigence morale, formulée au surplus en langage kantien et destinée à se réaliser en politique. Or celle-ci, le Marx de la maturité, je l’ai dit, refuse de la reconnaître comme telle et de l’assumer sur un plan réflexif, alors qu’elle redouble tout son travail théorique et son intention politique, lui assurant un sens moral immanent incontestable, mais sans le moindre moralisme arbitraire.

C’est pourquoi on peut se tourner vers Jaurès pour mieux spécifier cette dimension, à condition de bien comprendre son profil politique. Car s’il n’a pas été d’emblée partisan du socialisme ou du communisme, s’engageant initialement en faveur d’une optique politique simplement républicaine au début de sa carrière, dans les années 1880, il a évolué, dans le cadre de ses mandats successifs de député, vers ce même socialisme, qu’on ne distinguait guère à l’époque du communisme et en s’inspirant de Marx – malgré ce qu’il pouvait y avoir de tendance idéaliste dans sa propre philosophie générale [7]. C’est sur cette base qu’il créa la SFIO en 1905, reprenant largement les analyses marxiennes du capitalisme et de ses méfaits humains : propriété privée, exploitation, pauvreté voie misère des travailleurs, dégradation des individus, antagonismes de classes, absence de démocratie véritable dans la production et hors de celle-ci, etc. Et ce au point qu’un éminent spécialiste de son oeuvre, Ernest Labrousse, a pu dire qu’ils étaient devenus « si proches au point de s’identifier », même si, on y reviendra, il enrichit ou rectifia la pensée marxienne contre son durcissement par Jules Guesde. Mais le plus important, ici, c’est la manière dont il prit en compte la morale en s’inspirant de Kant (qu’il cite à plusieurs reprises), lequel refusait de la cantonner aux rapports interindividuels et l’appliquait aux rapports collectifs, donc à la sphère politique [8]. C’est ainsi qu’il se réclame explicitement d’un « amour passionné de la justice et de l’humanité », qu’il assume donc pleinement contrairement à Marx, et qu’il met même en avant un « socialisme moral » s’appuyant sur l’idée que « l’humanité porte en elle-même une idée préalable de la justice et du droit » et que « c’est cet idéal préconçu qu’elle poursuit de civilisation en forme supérieure de civilisation » et j’ajoute,, sans le trahir : jusqu’au socialisme ; et c’est pourquoi il valorisera l’instance du droit rendant obligatoire, à travers l’Etat, la traduction économique et sociale de cette morale. Je ne la rappelle pas dans le détail – il suffit de se rapporter à ses critiques du capitalisme que j’ai indiquées pour les traduire en objectifs positifs – mais j’ajouterai une magnifique idée que l’on trouve chez lui dans Le socialisme et la vie [9] : il définit ce régime comme un respect et une promotion maximale de la vie chez tous les hommes.

Reste à savoir comment s’y prendre concrètement pour réaliser cet idéal, car si « le courage c’est d’aller à l’idéal », il faut aussi « comprendre le réel » et s’appuyer sur sa compréhension, au dire même de Jaurès [10]. Or ici il faut revenir d’abord à Marx, même si ce même Jaurès a pu polémiquer avec lui sur ce terrain..

La possibilité concrète de cet idéal moral : Marx

C’est bien lui qui a jeté les bases concrètes de la possibilité d’un socialisme (communisme) futur à partir de sa conception matérialiste de l’histoire faisant se succéder des modes de production depuis l’Antiquité à nos jours et en éclairant les lois du passage de l’un à l’autre sur la base du développement des forces productives et des rapports sociaux contradictoires, conflictuels, qu’ils entraînent – c’est la lutte des classes : esclavagisme, féodalisme, capitalisme. Et c’est dans la Préface de 1859 à la Contribution à la critique de l’économie politique qu’il a en le mieux dessiné le mouvement d’ensemble devant déboucher sur l’apparition d’un autre mode de production mettant fin à ce qu’il appelle l’histoire « pré-humaine » et débouchant sur une véritable « histoire humaine ». Or ce qu’il faut remarquer c’est que, malgré la tonalité un peu normative des expressions « pré-humaine » et « humaine », c’est bien à une vision strictement positive ou à prétention scientifique que nous avons affaire, laquelle est censée appuyer le passage au socialisme non sur la référence à un « idéal » moral comme chez Jaurès, mais sur la logique même, immanente, du mouvement de l’histoire. Et je rappelle que son refus de la morale, pourtant présente implicitement dans son travail d’analyse critique du capitalisme, date de L’idéologie allemande, on l’a vu ; il y précise même que « la morale c’est l’impuissance mise en action » et dans La Sainte Famille, il dit carrément que « les communistes ne prêchent pas de morale du tout ». Or, indépendamment du risque d’un « nécessitarisme » qui lui fait parfois concevoir la révolution comme un « processus d’histoire naturelle » (voir la fin du livre I du Capital) ou comme le résultat d’une finalité régissant l’histoire sur la base de sa dialectique interne (c’est du Hegel « remis sur ses pieds) [11] alors qu’il faut n’y voir qu’un « possible » mais rendu objectivement possible par le développement historique, c’est à la nature de ce développement qu’il faut s’intéresser chez lui car il est essentiel pour nous. Deux choses sont en jeu : 1 Le développement moderne des forces productives capitalistes accumulant une richesse dont le communisme pourra profiter au bénéfice des travailleurs, celui-ci n’étant pas la distribution de la pauvreté ! 2 La constitution d’une masse de travailleurs exploités « immensément majoritaire » (c’est une expression du Manifeste communiste) capable de faire la révolution démocratiquement [12], mais à condition de bien comprendre que ces travailleurs qualifiés de « prolétaires » ne sont pas seulement ceux qui travaillent concrètement ou manuellement dans la production au contact des machines (ce qu’on croit), mais tous ceux qui, directement ou indirectement, contribuent à la production de la richesse (ou de la valeur) et n’en reçoivent qu’une partie sous la forme de salaire leur permettant de reproduire leur force de travail, dans la misère ou le malheur (pour les plus exploités en tout cas), la différence ou « plus-value » revenant au patronat et l’enrichissant à un degré extrême, ce qui est proprement scandaleux (moralement !). Et il y intègrera même l’instituteur parce qu’il forme intellectuellement la future force de travail de ses élèves, participant ainsi à la production dans son ensemble ! J’indique tout de suite que ce diagnostic peut être étendu, avec des nuances, à la société d’aujourd’hui avec ses diverses couches sociales, un siècle et demi après et d’une manière générale, j’y reviendrai.

Or tout cela est décisif pour comprendre ce qu’il s’est passé à l’Est et qui nous fait croire, vu son échec, à l’impossibilité du communisme désormais, comme je l’ai indiqué. Marx a en effet correspondu, à la fin de sa vie, avec une révolutionnaire russe, Vera Zassoulitch, qui était impatiente de faire la révolution en Russie sur la base de la structure agricole de type autogestionnaire, le Mir, présente dans les villages, d’inspiration communiste en quelque sorte et qui devrait permettre d’aller vite au communisme sans passer par « les fourches caudines du capitalisme » ! Or ce processus envisagé contredisait le schéma marxien et il lui répondit que si une révolution pouvait se déclencher dans un pareil pays sous-développé (il l’admettait), il ajoutait qu’elle ne pouvait réussir qu’avec l’aide d’une révolution en Occident capable de lui apporter ses « acquêts » ou acquis [13]. Elle échoua avec la révolution spartakiste en Allemagne et du coup la révolution bolchevique, même sous l’autorité intelligente d’un Lénine, échoua en partie, dut changer de cap avec la NEP (d’inspiration capitaliste), pis, Lénine mort, ce fut la catastrophe stalinienne avec, entre autres, son volontarisme économiques désastreux sur le plan humain. On voit donc à quel point c’est bien le double déficit des conditions assignées à une révolution par Marx qui est la cause de l’échec de la révolution soviétique : le sous-développement économique et l’absence d’une classe ouvrière majoritaire à côté d’une classe paysanne très importante, au point qu’il affirma que « aucun communisme ne saurait partir de la campagne » ! [14] J’indique au passage que l’on peut transposer cela à la révolution chinoise dans ses débuts et donc dans ses déboires initiaux avec Mao. Et c’est en quoi ce n’est pas le marxisme, avec le communisme qu’il préconise, qui a échoué et profondément déçu, voire choqué profondément, mais sa caricature volontariste. Et c’est en quoi aussi, on peut le dire tout de suite, l’avenir reste totalement ouvert !

Reste à savoir, cependant, si l’évolution même du capitalisme de puis le 19ème siècle, n’a pas modifié la donne telle que Marx l’a analysée pour son temps et si, du coup, la question de la stratégie révolutionnaire ne doit pas recevoir une réponse nouvelle, avec Jaurès par exemple.

Une nouvelle donne : Jaurès ?

Un préalable : la question de savoir comment aller au communisme ou, si l’on préfère une formulation moins radicale, au socialisme et sur la base de la société telle qu’elle était mais aussi évoluait, fut au cœur des débats de la social-démocratie dès la fin du 19ème siècle à laquelle Marx et Engels appartenaient, auxquels ils participèrent et qui continuèrent après leur mort jusqu’à la première guerre mondiale et avant la naissance du Parti communiste français en 1920, qui signa la distinction en France entre le socialisme de la SFIO maintenue et le communisme proprement dit du PC. Or ces débats se situaient bien dans le cadre d’une opposition entre une visée maintenue d’un dépassement du capitalisme avec le leader allemand Kautsky, fidèle à l’orientation marxienne, et celle, révisionniste, de Bernstein disant que « le mouvement est tout, le but n’est rien » [15], ou d’autres, plus résolument régressives comme celle, plus tard, d’Henri de Man écrivant même un livre intitulé Au-delà du marxisme. Ce qui était en jeu, c’était à la fois la méthode pour transformer la société capitaliste – réformes internes ou révolution radicale – mais aussi la nature de ce qu’était devenu le capitalisme depuis l’époque de Marx. Bernstein affirmait par exemple que la situation économique s’était largement améliorée au profit du peuple, le nombre de possédants ayant donc augmenté, ce qui ne justifiait plus une rupture radicale avec le système.

Or tout cela est bien au cœur de la pensée du Jaurès devenu socialiste, un socialiste s’inspirant de Marx, tout en le modifiant, non seulement en lui ajoutant la morale mais surtout, ici, au contact d’une nouvelle réalité socio-économique justifiant selon lui une stratégie originale. Sans remettre en cause l’essentiel de l’analyse structurale du capitalisme qu’on trouve dans Le Capital et anticipée dans le Manifeste, il insiste cependant sur la complexité nouvelle de celui-ci et les progrès obtenus, malgré la domination de la bourgeoisie, sur le plan social, voire démocratique, à travers les luttes syndicales et politiques du mouvement ouvrier organisé [16]. Et il en déduit logiquement que la marche au socialisme (ou communisme) ne saurait prendre la forme d’une révolution radicale (sinon violente) mais d’une série démocratique de réformes sur les deux plans indiqués ainsi que sur le plan économique avec l’intervention de l’Etat, ce qu’il appelle alors, reprenant, on ne le sait pas assez, une expression de Marx, une « évolution révolutionnaire » : « évolution » donc et non processus brutal et rapide, mais « révolutionnaire », visant toujours l’abolition du capitalisme et l’émancipation du peuple travailleur par des transformations progressistes successives. Cela explique son soutien célèbre aux mineurs de Carmaux en grève contre leur patron et, surtout, lorsqu’il fut député socialiste, tous ses combats à la Chambre sur le droit au travail, contre la politique répressive du gouvernement « droitier » de l’époque à l’égard de ses opposants, pour la création d’un impôt sur le revenu aidant les travailleurs, mais aussi, son combat contre la peine de mort et pour la laïcité avec la fameuse loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat à laquelle les partis de droite, soutenus par une Eglise catholique particulièrement réactionnaire, s’opposèrent, mais en vain. Tout cela, qui l’opposa à Clemenceau, mais interrompu par son assassinat et la Guerre de 1914-1918, montre bien le parcours d’un socialiste authentique que son idéal moral de départ n’aura pas empêché d’être un acteur pour sa réalisation effective, fût-elle partielle bien entendu, et qui l’aura inspirée. Comme il l’a dit lui-même, d’une manière magnifique : « C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source. ». J’explicite:cette affirmation : c’est cette source (ici morale) qui a donné l’impulsion et la direction pour une société sans classes dont il devint, contrairement à ce qu’on a pu dire, l’absolu partisan, en ajoutant à la fin de l’exploitation celle de l’aliénation qui abîme en profondeur l’individualité des travailleurs exploités [17].

Le court 20ème siècle

Je reprends ici une formule célèbre de l’historien anglais Eric Hobsbawm qui définit ce siècle de la première guerre mondiale jusqu’à l’effondrement de l’URSS. Je ne m’attacherai pas spécialement aux catastrophes guerrières (même si le capitalisme y est en jeu) pour évoquer avant tout l’évolution de la question sociale et économique durant cette période, spécialement en France, mais pas seulement. Or il est clair que, conformément aux prévisions et souhaits de Jaurès, c’est bien à des progrès sociopolitiques que nous avons assistés, non pas à l’initiative de la bourgeoisie mais obtenus par une lutte de classe politique et syndicale et qui pouvaient augurer d’un avenir socialiste avec la rencontre, parfois conflictuelle, de l’action de la SFIO et de celle du PCF : le Front populaire, dirigé par Blum, de 1936 paraissant le promettre avec ses acquis comme la mise en place du droit syndical, la semaine de travail de 40 heures, les congés payés, la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans, etc. ; l’application surtout du programme du CNR (même partielle) à la sortie de la 2ème guerre mondiale et de ses réformes fondamentales, proposées et mises en œuvre à partir de 1945 avec les communistes, sous l’égide, il est vrai, du général de Gaulle. Elles ont eu une portée anti-capitaliste importante au point de transformer la société en profondeur et de d’en faire un mixte de capitalisme et d’avancées socialistes, mais sous la domination maintenue du premier [18] : nationalisations de l’énergie, des assurances et des banques, création du régime général de la Sécurité sociale, entre autres, autant de mesures d’inspiration socialiste et profitant au peuple. On peut ajouter, bien plus tard, les conséquences de Mai 68 et, ensuite, les réformes opérées par François Mitterrand lors de ses deux premières années de sa présidence, avec les communistes il est vrai, avant que le choix de l’Europe et de ses traités lui fasse abandonner ce qui était bien une voie originale vers le socialisme. Et je n’exagère pas en disant cela : Olof Palme, le dirigeant social-démocrate suédois lui envoya une lettre, peu connue et passée sous silence par les socialistes ayant abandonné sur le fond leur identité idéologique, dans laquelle il le félicitait et, surtout, ajoutait qu’eux (les suédois) s’étaient arrêtés à mi-chemin alors que lui, Mitterrand, poursuivait le chemin du socialisme – mais hélas il se trompait. On voit en tout cas que ce « court siècle » aura été celui d’une avancée de type social-démocrate en France – ce furent « Les trente glorieuses » – et, dans les pays développés, une franche social-démocratie, assumée comme telle [19], tout cela sur fond d’une économie capitaliste florissante mais qui acceptait les réformes qu’on lui imposait et qui transformaient le système en partie. J’ajoute tout de même que, à la fin du siècle et suite à Mai 68, on assista à un renouvellement de l’idéologie de gauche avec une attention soutenue apportée à une évolution positive des mœurs, d’allure libertaire, dans le domaine de la sexualité, de la vie de couple et de la libération de la femme – bref dans le sens non de la réduction de la simple exploitation mais bien dans celui de l’émancipation des individus et de qu’il convient d’appeler leur désaliénation [20].

On pourrait alors se demander si dans ces conditions d’une pareille « évolution progressiste » (à défaut d’être « révolutionnaire ») imposée au capitalisme, la problématique d’une authentique révolution, communiste pour moi, ne serait pas devenue obsolète, du fait de l’accumulation de ces réformes ! Problème que certains ont pu envisager [21], mais qui est réapparu après la chute du Mur de Berlin en 1989 en raison de la déferlante libérale qui a envahi l’Occident. Je m’explique sur cette position qui peut paraître paradoxale.

La déferlante libérale et le renouveau de l’exigence révolutionnaire

Un constat, d’abord : les améliorations apportées au capitalisme que je viens d’évoquer, ont été dues aussi à la menace que l’URSS, même mythifiée, paraissait faire peser sur le capitalisme occidental : les capitalistes ont accepté des réformes de leur système pour éviter, précisément, une révolution fantasmée mais qu’ils craignaient réellement. Du coup sa disparition brutale et non prévue, à l’initiative d’ailleurs de dirigeants peu scrupuleux, opposés à Gorbatchev et qui s’en sont mis « plein les poches » au passage, a instauré un libéralisme dans la Russie et ses pays satellites, qui a déferlé en Occident et que j’ai évoquée d’emblée, faisant croire que le communisme était définitivement défunt. On a alors assisté à une régression sociale un peu partout en Europe sous l’égide d’une idéologie libérale importée des Etats-Unis et qui, en France, a pesé aussi sur les socialistes, le quinquennat de F. Hollande, puis sur la présidence de Macron à un point rare, avec des faveurs consenties aux riches, y compris les milliardaires (voir leurs baisses d’impôts), une augmentation des inégalités avec, simultanément (ce n’est pas toujours le cas), une augmentation du chômage due en particulier à une fuite de l’emploi vers les pays où le coût de celui-ci est moindre, et une paupérisation grandissante, atteignant même les classes moyennes – phénomène qu’on retrouva dans de nombreux autres pays, y compris ceux de l’ex-URSS. En France on a assisté à une atteinte aux services publics comme ceux de la santé, l’Ecole (avec un profit pour l’enseignement privé pourtant payant), les transports, les banques, etc. C’est donc à une véritable régression socio-économique globale que nous avons assistés, affectant la situation du peuple et qu’on n’imaginait pas au siècle antérieur ! Cela s’est traduit progressivement par une montée de l’abstention dans les catégories sociales déçues et, corrélativement, celle d’une extrême-droite quasi fascisante (voir les dernières élections en France). Et cela s’est retrouvé à un degré plus grave dans deux ex-pays de l’Est comme la Hongrie et la Pologne, avec en plus chez celle-ci, des réformes rétrogrades au plan des mœurs (sexualité, avortement, etc.) appuyées par une Eglise catholique totalement régressive. Bref ces pays, il faut le dire, ont perdu au change en versant dans le libéralisme économique. Il y aussi le cas effrayant de l’Italie où un courant fascisant a pris le pouvoir en 2022 (alors que c’est un pays où le courant communiste avait été autrefois très important et rayonnant) ainsi que ceux de l’Europe du Nord où la social-démocratie est en crise, cédant la place à des partis de droite.

Je pourrais m’arrêter là dans ce tableau bien noir et dans lequel, comme élément de causalité, il faudrait ajouter le phénomène spécifique de l’immigration, avec les conflits culturels, sinon religieux (voir l’islam), qu’il entraîne et qui renvoie à la misère que les immigrés connaissent dans leurs pays d’origine, qu’ils fuient [22]. Sauf qu’il s’y ajoute un phénomène qui est bien de civilisation et pas seulement de société : l’envahissement de notre vie par les valeurs de l’argent, de la consommation marchande et du commerce qui nous conditionnent à un point extrême de médiocrité dans nos besoins, nos désirs, nos envies, nos activités. C’est bien là un processus d’aliénation spécifique et inédit, venu lui aussi des Etats-Unis, dans le cadre d’une mondialisation de son modèle capitaliste et qui atteint, comme l’a dit remarquablement Félix Guattari, notre plus intime subjectivité, voire détériore ce qu’il appelle notre « fonction-sujet », notre capacité à être à l’origine de notre vie individuelle, d’une façon inventive et originale [23]. Il y là, dans l’inversion de cette réalité actuellement dominante, une dimension du socialisme (communisme) originale et importante qui n’a guère été mise en avant jusqu’à présent… alors qu’elle était déjà présente, on ne le sait pas assez, chez Marx, celui des Manuscrits de 1844, où il milite contre un communisme de l’avoir qui se contente de répartir autrement, d’une manière égalitaire, les richesses que le capitalisme a produites, et pour un communisme raffiné de l’être, visant à faire accéder tous les hommes aux plus hautes valeurs de l’existence que sont « la pensée, la contemplation, le sentiment, l’affectivité, l’amour », avec les satisfactions qui les accompagnent – tout cela supposant que l’on ne s’enferme pas dans la seule dimension de la production, la véritable liberté se situant au-delà ! [24]

On aura compris que le besoin objectif d’une révolution anti-capitaliste est toujours là, sauf à se voiler les yeux ou à choisir le cynisme ou, moins grave, le défaitisme, variante du pessimisme. Mais il se trouve que son besoin subjectif ou son exigence ne se fait pas ou ne se fait plus sentir collectivement pour une raison première que j’ai d’emblée soulignée et expliquée ensuite : l’assimilation erronée, mais véhiculée par l’idéologie dominante, de celle-ci avec ce qui s’est fait mensongèrement sous son appellation au 20ème siècle à l’Est, qui l’a transformé en un rêve à repousser. Or il faut refuser fondamentalement cette assimilation, pour le motif que j’ai mis en avant, tiré de la pensée de Marx lui-même. Sauf que ce point étant admis, il reste la question de savoir comment non seulement réveiller cette exigence, mais la rendre objectivement possible ou réaliste pour qui réfléchit sérieusement sur notre société.

Quelle solution alors ?

Comme on est dans une perspective sur l’avenir qui est entièrement à construire et donc dans le domaine de la stratégie, je ne saurais (ni d’autres) me prononcer avec une totale assurance. Mais il faut bien voir que, comme je l’ai déjà indiqué, nous sommes dans un contexte de néo-libéralisme envahissant, dont le modèle nous vient des Etats-Unis et dont Noam Chomsky nous a fourni une analyse à la fois remarquable et effrayante dans son récent livre Le précipice, parlant de son pays [25]  : une société où règne « L’autoritarisme politique », sous couvert de démocratie politique libérale, caractérisé par une démocratie en déclin, avec l’argent qui décide des candidats aux élections, une réduction du pouvoir des syndicats par rapport à ce qu’il a été, une financiarisation de l’économie au profit des riches dont on baisse en plus les impôts, une augmentation des inégalités et un appauvrissement des pauvres de plus en plus nombreux, la précarisation de l’emploi pour le bénéfice des capitalistes, l’atteinte aux services publics dont celui de la santé et celui de l’école concurrencés par le privé. Et on pourrait facilement y ajouter d’autres symptômes propres aux américains, mais ce qu’il faut retenir c’est que ce que Chomsky décrit, même si c’est en partie avant l’arrivée de Bilden au pouvoir (qui n’a pas changé grand-chose selon lui) : c’est l’idée d’une « opulence privée » liée à la « misère publique » formulée, déjà bien avant, par l’économiste progressiste J.-K. Galbraith [26], laquelle est entrain de gagner l’Europe et aussi la France, avec le libéralisme avoué de Macron. Or ce qu’il est important d’affirmer, en reprenant Chomsky, c’est que « tous ces problèmes sont le fruit de politiques mises en place par des humains (et qui ne tombent pas du ciel ou d’une quelconque fatalité naturelle – Y. Q.), et qui peuvent donc être renversées » [27]. Cela interdit donc aussi de les mettre au compte d’une « nature humaine » mauvaise qui y ferait donc obstacle [28]. A l’inverse, une révolution du « sens commun » à la Gramsci est ici à notre disposition, avec toutes ses implications éducatives, et elle est fondamentale selon moi et même absolument nécessaire. C’est, si l’on veut, l’esprit éducatif des Lumières, mais dans un contenu renouvelé au contact de la pensée marxiste, en tout cas marxienne, et des sciences humaines contemporaines. A quoi s’ajoute le devoir d’affronter la crise écologique – dont j’ai peu parlé – qui impose elle aussi de dépasser le capitalisme : c’est non seulement un devoir de droit, mais une nécessité de fait, sous peine d’extinction de l’humanité à terme [29].

Reste à nouveau la question de savoir comment concrètement y parvenir dans le cadre de la mondialisation capitaliste actuelle, étant donné que cette mondialisation paraîtrait y faire obstacle en étouffant le pouvoir d’initiative des nations, y compris, pour la France, via son organisation européenne ? Dit autrement : comment concevoir comme possible de fait un îlot de socialisme et a fortiori de communisme (au sens fort) dans un pareil monde transnational  ?

Pour être honnête, j’y crois encore (au sens rationnel-raisonnable du terme) vu la catastrophe capitaliste qui pèse sur nous et que le peuple ne saurait vraiment supporter à terme. A quoi s’ajoute, pour terminer, des évolutions progressistes récentes, aussi, comme en Amérique latine ou dans certains pays telle l’Angleterre ou encore, mais là c’est un autre et vaste débat, ce qui se passe en Chine, puissance économique mondiale, animée par une volonté communiste officielle et dans laquelle on peut sans conteste indiquer des acquis sociaux qui vont dans le sens du socialisme d’abord, du communisme ensuite, bien que lointain, sur lesquels des esprits honnêtes et lucides mettent l’accent, contre une propagande internationale radicalement hostile et plutôt méprisable [30].

Tout cela ne garantit rien, mais ne saurait ruiner l’espérance raisonnable d’une société post-capitaliste et ni porter atteinte, de toute façon, à son exigence morale absolue.

Yvon Quiniou

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[1*Il s’agit ici d’une contribution personnelle au débat, liée à mes convictions de marxiste et à ma position en faveur du communisme. D’où l’hésitation à séparer le socialisme et le communisme qui se traduit par le fait que je les associe souvent linguistiquement.

Je veux dire par là que outre l’épisode léniniste et ses conquêtes, l’URSS a aussi présenté des acquis partiels dans le domaine social, celui de l’éducation celui de l’égalité de la femme et de l’homme. Cela aura été une expérience contradictoire, avec du noir et du blanc, qu’on ne saurait diluer dans une moyenne grise, le noir l’emportant largement sur le blanc et ayant tous deux existé..

[2J’indique la parution récente, chez Delga, du livre de Bruno Guigue, Communisme, qui comporte une très bonne analyse de cette notion (1ère partie), en elle-même et dans les sens différents que lui ont donnés divers auteurs au 19ème siècle, que Marx connaissait parfaitement et qu’il a combattus honnêtement et intelligemment, l’un à cause de l’autre.

[3Voir la fin du Manifeste, précisément.

[4J’ai développé cette distinction dans nombre de mes écrits et on la retrouve, avec des spécificités, chez des auteurs comme Habermas, Ricœur, Conche ou même Comte-Sponville. Denis Collin la fait sienne à sa manière.

[5Op. cité, Editions sociales, p. 64.

[6Critique de la philosophie du droit de Hegel. Introduction.

[7Voir sa thèse doctorat, intitulée pourtant « De la réalité du monde sensible », et dans laquelle on a cru pouvoir déceler du spiritualisme, à tort selon moi. Il y défend tout de même la réalité objective de ce monde sensible !

[8Je rappelle que Kant, après ses Fondements de la Métaphysique des mœurs, a écrit une Doctrine du droit et pas seulement de la vertu et, surtout, qu’il a publié un Projet de paix perpétuelle qui fait reposer la politique internationale sur des exigences morales.

[9Voir le texte ainsi nommé dans les Etudes socialistes, Editions Ressources, préfacées par Madeleine Rebérioux.

[10« Discours à la jeunesse » de 1903.

[11« La production capitaliste engendre elle-même sa propre négation avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature ». Et il ajoute, le capitalisme ayant lui-même « nié » la production féodale : « C’est la négation de la négation. », op. cité, Garnier-Flammarion, p. 567.

[12La révolution communiste y est définie comme « le mouvement de l’immense majorité dans l’intérêt de l’immense majorité » : « de » l’immense majorité et non seulement « dans son intérêt » !

[13Voir sa correspondance dans Sur les sociétés précapitalistes, dirigé par M. Godelier, Editions sociales, 1970. Engels ajouta même que c’est une révolution en Occident qui sauverait le Mir !

[14In L’idéologie allemande, op. cité, p. 389.

[15Dans Problèmes du socialisme.

[16Voir en particulier Question de méthode. J’en profite pour indiquer que, à la fin de sa vie, Engels polémiquant avec des syndicalistes prétendant que la misère des travailleurs s’était accrue, leur avait signalé que c’était faux et revenait à nier les résultats des luttes ouvrières. Par contre il leur indiquait que c’était « l’incertitude de l’existence » qui avait augmenté. Belle leçon de lucidité politique !

[17Voir la conclusion du livre Jaurès et Marx. Le dialogue sur l’évolution révolutionnaire, conçu par Jean-Paul Scott, Editions de L’Humanité. On reviendra sur cette idée d’aliénation.

[18Un penseur de la politique comme Bernard Vasseur a pu même parler de l’existence d’« éléments de communisme » au sein du capitalisme ! Voir Le communisme a de l’avenir… si on le libère du passé, Editions de L’Humanité.

[19En Allemagne, du fait de la menace du modèle soviétique, le marxisme fut abandonné au congrès de Bade-Godesberg en 1959. Mais l’Autriche, par exemple, comportait un nombre impressionnant de nationalisations et d’autres pays comme la Suède, la Norvège ou l’Angleterre connurent des avancées d’orientation socialiste.

[20Je précise que l’aliénation individuelle, d’une manière générale, consiste en ce qu’un individu ne peut réaliser toutes ses potentialités de vie du fait du conditionnement social dont il est victime : il est autre et moins que ce qu’il pourrait être dans d’autres conditions… que le socialisme (communisme) est à même de lui offrir ! Je renvoie à mes travaux et à ceux de Lucien Sève et de T. Andréani.

[21Voir Raymond Aron, avant mai 68 et tout le mouvement réformiste qui a affecté le PS après 1983.

[22On ne saura nier démagogiquement ce problème, en sachant que la vraie solution se trouve dans le co-développement : l’aide fournie aux pays sous-développés (ou en voie de développement ?) pour se développer en formant leurs élites scientifiques et techniques, en particulier ; et, en attendant, une intégration sociale des immigrés convenable.

[23Voir son livre Les trois écologies, où il milite pour une « écologie mentale » s’ajoutant à l’écologie physique et à l’écologie sociale, Editions Galilée.

[24Voir Le Capital, Livre III.

[25Entretiens avec C.- J. Polychroniou, Lux Editeur, 2022,

[26Op. cité, p. 65.

[27Ib.

[28J’ai développé et dénoncé cette idée d’« obstacles anthropologiques » au progrès politique dans plusieurs de mes écrits.

[29Voir mon livre L’inquiétante tentation de la démesure (L’Harmattan).

[30Voir le livre de Tony Andréani Le modèle chinois et nous ? (L’Harmattan) et l’ouvrage collectif La Chine sans œillères (Delga) auquel il a participé. On ajoutera les travaux de Bruno Guigue, dont Communisme (Delga). Cela n’empêche pas de porter un regard partiellement critique sur ce régime.