L’Eurovision de la chanson est présentée comme un des évènements planétaires le plus en vue, avec une retransmission télévisuelle à destination de centaines de millions de téléspectateurs. Il suffit de se remémorer la chasse aux pancartes dans un match de foot ou de rugby, pour peu que l’inscription « dérange », le trucage sonore interdisant d’entendre les huées par exemple à l’apparition du président Macron sur les écrans, pour réaliser que rien n’est laissé au hasard dans un évènement d’une telle ampleur.
C’est ainsi que les manifestations antisémites ont eu droit de cité avec les hurlements contre la candidate israélienne, non pour une prestation médiocre, pour des paroles de chanson déplacées, puisque celles-ci faisaient référence au 7 octobre et appelaient à la paix, mais juste pour son appartenance, juste parce qu’elle est juive.
C’est ainsi aussi que l’exhibition de toute sorte de signes et d’accoutrement —croix, crucifix, jupette, plumeau, ou autres extravagances faisant appel à des communautés bien spécifiques — ont été de fait les éléments incontournables du « succès ».
Le suisse —ou la suissesse, c’est au choix puisqu’elle —il— se qualifie de « non binaire » donne la cohérence de l’évènement :
« Je suis incroyablement fier, pas pour moi, mais pour toute notre communauté, pour tous ceux qui sont des gens non binaires, fluides de genre, transgenres, justes, des gens qui osent être eux-mêmes et qui ont besoin d’être entendus et compris. Nous avons besoin de plus de compassion. »
Comme il est toujours préférable de nommer les choses par leur nom, c’est une manifestation woke de grande ampleur qui a été retransmise en Europe, en Asie, en Afrique, en Afrique du Sud, en Australie, au Canada, en Corée du Sud, aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande ou encore en Chine. Lorsque les manifestations woke arrivent dans nos universités en France, sont promues dans les médias nationaux, sont relayées par nos politiques, LFI en tête, c’est l‘expression d’une bataille idéologique planétaire au service du capitalisme qui s’abat et déferle.
Le wokisme (dont j’ai abordé la nature et certaines de ses manifestations dans « Wokisme, LGBT+++, Pseudo-féminisme et autres balivernes ») est en effet l’auxiliaire du capitalisme. Il relativise les comportements, essentialise les individus qui comptent pour ce qu’ils sont, leur appartenance à un groupe donné, et non pour ce qu’ils font, pour la nature de leurs actes.
Ainsi, aux classes sociales sont substituées les minorités de genre, « racisées », « post-coloniales », « religieuses », de pratiques sexuelles, LGBTQ +++, les noirs, les femmes, et autres dominées et discriminées par « le patriarcat blanc et post-colonial » représenté en général pour le woke par « l’homme blanc de plus de 60 ans, qui plus est hétérosexuel ».
Le pouvoir politique se régale, enfourchant toutes les batailles sociétales pour mieux organiser l’oppression sociale. L’avortement constitutionnalisé (alors que nul ne le remet en cause), la PMA ou la GPA pour tous, le mouvement Metoo qui rythme non seulement le festival de Cannes, mais la vie politique dans son ensemble, le néo-féminisme opposé au féminisme tout court et à l’égalité des droits dont le premier, l’égalité de salaire, font les choux gras du pouvoir en difficulté.
La remise en cause du wokisme n’est en rien une remise en question des faits extrêmement graves et condamnables, tels la violence faite aux femmes dont les woke se saisissent, ou encore les manifestations racistes lorsqu’elles se produisent. C’est l’instrumentalisation qui est en cause, l’usage politique que le capital en fait pour mieux diviser et en définitive régner. C’est la nature du wokisme, béquille idéologique du capitalisme en crise, qui est en cause.
Le wokisme rend toute discussion difficile, voire impossible, sur les questions dont il se saisit. A l’issue d’une conférence sur l’immigration que je tenais dans le cadre de l’université populaire de la Roya, un responsable du PCF condamnait ma tendance « zémouriste » pour avoir seulement donné des chiffres et mis en rapport l’immigration, la Nation, la république et ses principes et l’édifice sociale toujours plus menacé.
C’est la gauche qui tournant le dos à la classe ouvrière abandonnée au FN décidait de faire des questions de société la priorité de sa politique, délaissant durablement toute préoccupation sociale. C’est la gauche qui à la remorque des couches petites bourgeoises américaines et du parti démocrate a fait du wokisme en France sa priorité. Les « woke » sont étrangers ou opposés par leur nature aux combats sociaux, féministes et d’émancipation des peuples… Ils deviennent porteur d’antisémitisme puisqu’ils jugent de tout non selon la nature des actes, mais de l’appartenance à des minorités supposées dominantes face aux dominées.
La gauche qui a promu le wokisme s’affirme comme béquille du capitalisme. Elle est victime entre autre de toutes ces innovations idéologiques, conséquences de ses propres abandons, et en paye le prix.
Jacques Cotta
Le 16 mai 2024