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L’obsession du Calife

lundi 15 février 2021, par Jacques COTTA

Cette première quinzaine de février a dévoilé le tempo politique accepté unanimement par les responsables de tout bord. France 2 organisait le « grand débat » opposant Marine Le Pen au ministre de l’intérieur Gérald Darmanin pendant que Jean Luc Mélenchon se repliait sur C8 pour discourir avec Cyril Hanouna. Les Médias du Pouvoir sont ainsi à l’oeuvre pour tenter d’imposer les préoccupations des différents leaders, de Macron à Mélenchon, en passant évidemment par Le Pen et les autres, à l’ensemble des français. Il s’agit des élections, non pas des municipales ou régionales qui devraient se tenir dans quelques mois et qui visiblement ne semblent intéresser personne, mais des élections présidentielles qui se tiendront -si d’ici là la crise sanitaire n’est pas utilisée pour les annuler- dans un peu plus d’une année. Inspirée sans doute de la fable de La Fontaine, la gent maré­ca­geuse qui com­pose la classe poli­ti­que pousse autant de cla­meurs que les gre­nouilles qui demandent un roi".

Les « présidentielles » devraient nous obséder et faire passer à l’arrière plan toutes les réalités qui nous sont imposées.

Le FMI dans la bouche de Christine Lagarde exige déjà « des réformes structurelles pour sortir de la crise ». Le ministre de l’économie Bruno Le Maire annonce que la réforme des retraites jusque là « différée » sera remise à l’ordre du jour dés que possible. Les centaines de millions d’euros annoncés par l’Union Européenne pour aider les économies à ne pas sombrer ne seront majoritairement que des prêts accordés en fonction de l’usage qui en sera fait. Autrement dit, c’est l’Union Européenne qui est amenée à décider de la politique des différentes nations si celles-ci veulent bénéficier d’une part des sommes qui seront allouées. Sans oublier qu’il ne s’agit majoritairement que de prêts pour lesquels il faudra passer à la caisse le moment venu. Le « Quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron pour aider les plus vulnérables n’est donc qu’un subterfuge permettant de différer la catastrophe et non de la juguler. Les faillites en cascade sont devant nous, les licenciements par centaines de milliers avec leur cortège de misère et de précarité. Dans ce contexte les lois d’urgence à répétition sont un des moyens utilisés par le pouvoir pour soumettre le peuple et lui imposer des mesures qu’il rejette.

Et dans cette situation qui appelle des mobilisations immédiates, des réactions non équivoques, la bataille pour l’abrogation des mesures, lois et état d’urgence, ce sont les présidentielles qui devraient occuper l’espace alors que des millions attendent des initiatives pour redonner place à la vie, pour les jeunes, les travailleurs, pour toutes les catégories de la population. L’échéance de 2022 n’est pas la préoccupation majoritaire, loin de là. Elle n’est que celle des différents responsables déconnectés de la France et de ses citoyens, au point d’ailleurs de ne pas percevoir la catastrophe dans laquelle ils s’engagent eux-mêmes.

Dans cette histoire, "la gauche" est en voie de marginalisation, de disparition. Déjà 4, 5 voir 7 ou 8 candidats sont en passe de venir au premier tour se disputer un potentiel de 30 à 35% des suffrages qui correspondent -selon les sondages- à ceux qui se reconnaissent encore dans « la gauche ». C’est à dire l’élimination sans autre forme de procès, laissant le terrain libre à Macron et Le Pen. Certains s’y emploient d’ailleurs déjà. Yannick Jadot par exemple, baptisé écologiste de service pour des besoins d’alliance, hier courtisé comme un interlocuteur sérieux par la FI, s’est empressé de clamer son amour pour Biden, différence de taille « avec Jean Luc Mélenchon qui préfère Poutine ». Outre la manoeuvre électorale évidente, Jadot a au moins un mérite, celui d’affirmer clairement la tendance générale de cette gauche attachée à la superficie et les fausses apparences qui valorisent le sociétal au détriment du social.

Cette gauche a tourné le dos à la lutte des classes. Là est sans doute la raison principale de ses échecs et de sa disparition programmée.

  • Elle préfère Biden à Trump, comme si le premier était l’antidote du second. Il ne s’agit pas ici de choisir entre deux personnalités, deux démagogues, deux partisans sur le fond d’un même système. Mais cette haine de Trump se trouve motivée par de mauvaises raisons. Au nom du différentialisme et du communautarisme cette gauche rejette les travailleurs blancs -notamment dans le secteur de l’automobile menacé- et ne comprend pas notamment que les noirs les plus déshérités aient voté pour le président sortant qui est apparu comme leur défenseur notamment sur le terrain de l’emploi en imposant des mesures protectionnistes.
  • Cette gauche déteste Boris Johnson et s’interdit de comprendre les raisons pour lesquelles il est parvenu à laminer les bastions travaillistes, à défaire Corbyn et ses positions communautaristes similaire à celles adoptées par la FI de ce côté de la Manche.
  • Cette gauche déteste la Nation et ses défenseurs, quelle que soit leur nationalité. Elle ramène la souveraineté nationale à un nationalisme, preuve qu’elle ne comprend décidément rien à ce qui anime les classes sociales et la défense de leurs intérêts.

Cette gauche s’interdit de comprendre ce qu’est un vote de classe parce qu’elle n’est pas -ou plus- porte parole des intérêts de classes de l’immense majorité de la société contre l’infime minorité qui tire ses privilèges de l’exploitation en toute circonstance, comme le démontre aujourd’hui la situation sanitaire.

En Italie, la constitution du gouvernement Draghi -gouvernement technique- sur injonction de la Commission Européenne allant du PD à Berlusconi en passant par Salvini indique bien que sur l’essentiel le terrain la souveraineté, de l’indépendance, de la nation, est inoccupé. Salvini de l’autre côté des Alpes comme Le Pen ici ne sont que des leurres chargés d’occuper le terrain pour permettre au système de perdurer. C’est bien là le problème. Celui du système, des rapports de classes, du capitalisme. Et c’est sans doute pour cela que la gauche ne représente un danger pour personne, sinon pour ceux qu’elle prétend défendre et pour lesquels elle dit parler.

Jacques Cotta
Le 15 février 2021

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