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La 5ème république sur un volcan

jeudi 1er juillet 2021, par Jacques COTTA

Les grands traits qu’on peut dégager des dernières élections départementales et régionales ont de quoi inquiéter les tenants du pouvoir, comme ceux qui y aspirent, et en même temps de quoi « rassurer » tous ceux qui observent et cherchent les voies et les moyens de s’inscrire activement dans une situation qui semble paralysée.

  • 1/ Le premier élément est l’abstention record, massive, digne d’une grève du vote. Les citoyens ont exprimé le rejet d’un système qui bafoue la souveraineté, qui s’inscrit dans une politique contraire aux besoins sociaux et démocratiques.
  • 2/ Le deuxième élément concerne LREM qui sort laminée du scrutin. Quelques exemples suffisent à le comprendre.

 > Dans les hauts de France, cinq ministres sortent étrillés de cette confrontation, dont le ministre chargé de liquider les retraites, Laurent Pietraszewski qui ne fait que 8% des voix sur son nom. 8%, voilà la base électorale de la réforme qu’il porte, ni plus, ni moins et qu’Emmanuel Macron veut faire passer durant l’été.

 >En Ile-de-France, Marlène Schiappa (Citoyenneté), Amélie de Montchalin (Transformation et Fonction publiques), Nathalie Élimas (Éducation prioritaire), Emmanuelle Wargon (Logement) et Gabriel Attal (porte-parole) pataugent dans les mêmes eaux.

Le candidat macroniste qui conduisait la liste, Laurent Saint-Martin, est arrivé quatrième, soit un camouflet sans précédent.

 >La ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, a obtenu 13% des voix en Nouvelle-Aquitaine.

 > Marc Fesneau, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement arrive en quatrième position à l’échelle de la région centre val de Loire avec à peine 16% des votants. 

 > En Alsace, Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l’Insertion, obtient 13% des voix.

Au premier tour des ministres de premier plan avaient déjà été balayés. Eric Dupond-Moretti (Justice), Gérald Darmanin (Intérieur), Agnès Pannier-Runacher  (Industrie) et Alain Griset (Petites et moyennes entreprises) notamment.

Emmanuel Macron lui-même s’était engagé pour attirer les électeurs sur son nom.

Le résultat constitue un échec personnel pour le président de la république.

  • 3/ L’échec est aussi celui du RN et de Marine Le Pen dont les scores indiquent un recul important depuis les dernières élections du même type, avec une perte d’une centaine d’élus, ce qui ne devrait être indifférent ni pour le financement du RN, ni pour les parrainages en vue de 2022.

Le RN, victime de l’abstention, notamment dans les quartiers populaires où il réalise de bons scores, subit les revirements de son état major sur la question européenne notamment. Pour accéder au pouvoir, le RN a besoin qu’une partie de la bourgeoisie se range derrière sa candidate. Pour cela, Marine Le Pen a tourné sur l’Europe en gommant toute velléité de rupture. Mais ce que le RN voudrait gagner d’un côté, il le perdra de l’autre, notamment dans les milieux populaires qui savent que l’Union européenne est un obstacle à leurs revendications et à leurs droits élémentaires.

  • 4/ L’Echec est aussi celui de la FI. D’une part la stratégie de Jean Luc Mélenchon de se déclarer pour 2022 envers et contre la gauche dans laquelle il a décidé de se ranger l’a amené à cette déconvenue, ses candidats étant soit rejetés par les listes d’union, soit marginalisés là où ils se présentaient. Avec un score de 4 à 5% des voix, non seulement la FI n’est pas parvenue à mobiliser les bataillons d’abstentionnistes, mais elle n’a pas attiré sur ses candidats une part significative des citoyens qui se sont déplacés pour voter.

L’Echec de la FI est celle d’une orientation. En abandonnant la ligne souverainiste, républicaine et sociale qui avait fait son succès en 2017, en lui sacrifiant un retour à la gauche qui implique des alliances sans principes, notamment avec les verts, Jean Luc Mélenchon s’est engagé dans une voie qui risque fort de marginaliser définitivement ce qui hier constituait un espoir partagé…

  • 5/ Enfin, la mine réjouie des Christian Jacob ou Olivier Faure, comme de Yannick Jadot, qui sont présentés par les commentateurs comme les gagnants de l’élection ne peut donner le change. Le taux d’abstention fait des candidats LR ou PS qui ont emporté le scrutin des victorieux sans légitimité réelle. La renaissance du clivage gauche-droite que se sont empressés de faire renaitre dans leurs commentaires les causeurs de soir d’élection, comme si la mémoire des politiques réelles des uns et des autres était évanouie, ne relève t’elle pas du pur fantasme ?

Dans ce contexte la situation indique les germes d’une révolte dont nul ne peut dire aujourd’hui la forme qu’elle prendra. Révolte civique, révolte populaire, révolte dans la rue ?

Le « Quoi qu’il en coûte d’Emmanuel Macron, véritable arnaque » va susciter dans les mois qui viennent des oppositions de plus en plus précises et massives, dans la foulée d’une lutte des classes que ni le Covid, ni la propagande officielle n’ont pu mettre sous le boisseau.

Dans son édition du 21 juin, le « Figaro » faisait preuve de clairvoyance. Le quotidien indiquait notamment que « la colère des français vise tous les pouvoirs (…) Elle a nourri hier la révolte des Gilets Jaunes. Elle alimente aujourd’hui cette dissidence civique. Et demain, si rien n’est fait… ».

Ce qui est prévu pour demain ne peut qu’inquiéter un peu plus les plus inquiets. La politique que prévoit Emmanuel Macron pour tenter de reprendre la main ne peut que pousser qu’à une exaspération encore plus forte, et faire des mouvements qui ont marqué son quinquennat, de l’irruption des foules méprisées, rejetées, ignorées, une simple répétition générale…

Les seules questions sans réponse seraient alors quand, où et sous quelle forme ?

Mais l’issue n’est-elle pas déjà inscrite ?

Jacques Cotta
Le 1er juillet 2021

Messages

  • Aussi bien le RN que la FI ont joué l’ambiguité vis à vis de l’union européenne avant de s’y rallier (c’est bien sûr le seul point commun entre ces 2 partis).
    Sur l’analyse du RN je la partage : ils sont en train de se donner l’apparence d’un LR -bis qui éloigne d’eux les couches populaires et c’est tant mieux.
    Pour Mélenchon sa stratégie d’alliance est catastrophique (seule justification : gagner quelques parrainages). Par contre je ne pense pas qu’en 2017 le côté républicain de Mélenchon ait séduit les couches populaires à la recherche de solutions concrètes à leurs problèmes plutôt qu’à un verbiage républicain.

  • Notre système arrive peut être en bout de course. Mais je vois beaucoup, j’espère me tromper, un abandon de désillusion, de désintérêt de la chose publique, de je m’en foutisme et de chacun pour soit dans l’abstention du dernier scrutin. Il est certain que les magouillages des partis sont en prendre en compte. Mais cela a toujours existé. En fait, la question posée par l’abstention est : Les élections peuvent-elles changer quelque chose à notre situation ? La réponse est assurément NON. Après……. (et quelqu’en soit les causes : désinformations, bourrage de crâne…) même avec 10% des inscrits, le pouvoir à les mains libres pour la suite.
    ABIRATO

  • vous écrivez :
    " Le premier élément est l’abstention record, massive, digne d’une grève du vote. Les citoyens ont exprimé le rejet d’un système qui bafoue la souveraineté, qui s’inscrit dans une politique contraire aux besoins sociaux et démocratiques ."
    il me semble que vous ne soulignez pas l’essentiel : l’enjeu de ces élections était très faible.
    Il s’agissait de voter pour des représentants qui ne font que gérer, sous la tutelle de l’état, des activités où il n’y a guère d’enjeu réel (les transports, les bâtiments scolaires, la distribution d’assistances sociales définies par l’état ...).
    Gestion faite de plus dans la plus totale opacité (dans ma région, impossible de se procurer sur internet un bilan de mandature, que ce soit par le sortant, les journalistes, les associations ...).
    En fait ces élections n’ont aucun sens démocratique. Parler de "devoir démocratique" est un total abus de langage.
    Je fais bien sûr partie des abstentionnistes et la seule chose qui m’étonne, c’est qu’il y ait encore autant de votants ...

  • Cette "abstentionnite aiguë" peut rejoindre en un sens les réflexions que je présentais à propos des "européennes" (pour lesquelles je n’ai jamais voté). Si je faisais allusion à "l’éloge de l’abstention" c’était pour donner à comprendre que bien des abstentionnistes avaient des choses à dire quand leur décision relevait de choix nettement politique. Et il me semblait que pouvoir faire entendre, avant toute élection, la voix des abstentionnistes assumés devrait relever de la moindre des applications démocratiques. Peut-être pourrait-on envisager que ces abstentionnistes déclarés développent leurs différents arguments et puissent désigner des représentants capables de pouvoir les défendre dans les médias.
    Mais en dehors du rejet global des politiciens (ce qui, d’ailleurs, n’améliore pas non plus nos vies) et des "arrangements" plus ou moins douteux sinon honteux entre partis, je ne pense pas que la majorité des abstentionnistes portent une vision suffisamment claire de ce qu’il faudrait faire. Peut-être ressentent-ils plus ou moins consciemment, que nous avons à faire face à l’immondialisation capitaliste, cornaquée chez nous par l’UE. Mais comment la combattre sans reconquête de nos souverainetés et, même plus crûment, de notre territoire : "zone transfrontalière" offerte à l’Allemagne, Alsace/Moselle "européanisées", grandes régions pour nouveaux roitelets...Les éléments ne manquent pas...pour nourrir la gamberge des abstentionnistes...s’ils en trouvent le courage.
    Méc-créant.
    (Blog : "Immondialisation : peuples en solde !" )http://Immondialisation-peuples-en-...

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