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La guerre de la Russie contre l’Ukraine a déjà changé le monde

lundi 21 mars 2022

Voici une traduction d’une interview publiée par le site socialiste américain Jacobin. Les analyses développées par le sociologue ukrainien Volodymyr Ischenko nous semblent particulièrement pertinentes et nous souhaitons les faire connaître au public français.

La guerre de la Russie contre l’Ukraine a déjà changé le monde

UN ENTRETIEN AVEC VOLODYMYR ISHCHENKO, sociologue, travaillant à Kiev. Il a publié des articles dans The Guardian et dans la New Left Review.

L’invasion russe criminelle a dévasté les villes d’Ukraine et contraint des millions de personnes à fuir le pays. L’obtention d’un cessez-le-feu est la priorité absolue — mais la guerre a déjà apporté des changements qui feront écho pendant des décennies.

INTERVIEW PAR Jerko Bakotin

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a plongé ce pays — et l’ordre post-1989 de l’Europe — dans le chaos. Alors que les chars et les canons russes continuent d’assaillir les villes ukrainiennes face à une résistance étonnamment forte, un nouveau sentiment d’unité et de détermination a émergé parmi les Ukrainiens — et parmi les élites occidentales. De nombreux anciens partisans européens de Poutine se sont retournés contre lui, tandis que des hommes politiques de tous bords ont fait des gestes de solidarité avec l’Ukraine, tant matériels que symboliques.

Dans le même temps, de nouvelles divisions sont apparues au sein de la gauche. Bien que les partisans de l’invasion russe soient une petite minorité, certains en Europe de l’Est et ailleurs ont reproché aux gauchistes de l’Ouest de sous-estimer les ambitions impériales de Vladimir Poutine — une menace qui n’est devenue que trop réelle pour les habitants de Kharkiv, Mariupol et d’autres parties de l’Ukraine sous l’assaut russe.

Les répercussions de la guerre ne manqueront pas de se faire sentir dans les deux pays — et dans le monde entier — pendant les années à venir. Que signifie la guerre pour l’avenir de l’Ukraine ? Quel impact aura-t-elle sur la gauche ? Dans une interview publiée à l’origine dans l’hebdomadaire croate Novosti, Jerko Bakotin a demandé au sociologue ukrainien Volodymyr Ishchenko son avis sur ces questions. L’article a été traduit en anglais par la Rosa Luxemburg Stiftung [et retraduit en français par La Sociale].

JB : L’attaque de la Russie contre l’Ukraine a surpris les analystes, qui étaient nombreux à penser qu’elle n’aurait pas lieu, compte tenu du fait qu’elle nuirait considérablement aux intérêts de la Russie. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

VI : Il y avait de nombreuses raisons d’être sceptique quant à l’éventualité d’une attaque, principalement en raison des énormes risques militaires, économiques, politiques et géopolitiques de cette action. Il y avait une réelle possibilité que Moscou sous-estime l’armée ukrainienne et que des erreurs soient commises dans la planification de l’opération militaire — certains soldats croyaient qu’ils allaient participer à des exercices en Biélorussie et ont reçu des ordres juste avant le début de l’attaque.

En outre, bien que la France et l’Allemagne aient mené une politique légèrement différente de celle des États-Unis avant l’invasion, l’Union européenne impose désormais des sanctions plus sévères que les États-Unis. L’invasion affectera grandement la position de la Russie dans le monde et la situation politique intérieure. Vladimir Poutine a tout risqué, aussi une défaite en Ukraine lui coûterait-elle probablement sa position au pouvoir, ce qui se solderait très probablement par un coup d’État au sein de l’élite existante, et peut-être même sa vie. Une révolution n’est pas non plus à exclure, bien que les chances qu’elle se produise soient plus faibles.

En raison de tous ces risques, de nombreux spécialistes des sciences sociales et analystes des relations internationales pensent que Poutine veut intimider l’Ukraine et l’OTAN, mais qu’il n’y aura pas d’attaque.

JB : Il existe plusieurs théories sur la motivation de Poutine : des questions sur sa santé mentale, le messianisme impérialiste, la menace posée par l’OTAN ou la théorie selon laquelle une Ukraine démocratique menace l’autocratie en Russie même. Qu’en pensez-vous ?

VI : Je n’ai toujours pas vu d’interprétation convaincante. La thèse selon laquelle Poutine est devenu fou ne tient pas, car, à mes yeux, il ne présente pas de symptômes de folie. En ce qui concerne l’explication selon laquelle il s’est transformé en un fanatique idéologique avec une mission messianique de reconstruction de l’Empire russe, il faut dire que les leaders aux croyances idéologiques sincères sont très, très atypiques dans la politique post-soviétique. Tous les dirigeants postsoviétiques étaient des pragmatiques cyniques qui ont bâti des régimes kleptocratiques dépourvus de vision idéologique. Même s’il est vrai que Poutine est devenu un fanatique idéologique, la façon dont il en est arrivé là reste un mystère et des explications supplémentaires sont nécessaires.

JB : Mais Poutine a clairement exposé des raisons impérialistes et chauvines dans son essai « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens » l’année dernière, et encore plus dans son discours annonçant la guerre, où il a parlé de « dé -nazification » de l’Ukraine. Il a nié le droit de l’Ukraine à un État indépendant et a évoqué la semaine dernière la possibilité de sa disparition. Les motivations idéologiques semblent être très claires, ne pensez-vous pas ?

VI : La question est de savoir s’il s’agit d’une simple rhétorique visant à légitimer des mouvements motivés par d’autres raisons. Aujourd’hui, beaucoup interprètent son essai de la manière que vous avez mentionnée. Cependant, ce texte ne nie pas l’indépendance de l’Ukraine, mais plutôt une forme spécifique d’identité ukrainienne, qui n’est pas la seule possible. Poutine argumente contre l’Ukraine en se basant sur une identité anti-russe. Dans sa vision, l’Ukraine et la Russie pourraient être deux États pour « un seul et même peuple ».

Poutine revient ici à l’interprétation de l’époque de l’Empire russe, lorsque les Russes, les Biélorusses et les Ukrainiens étaient considérés comme trois branches d’un même peuple. Ce concept a été supprimé pendant l’Union soviétique, lorsque la position officielle était qu’il s’agissait de trois peuples et langues différents, même s’il s’agissait de peuples fraternels d’origine commune.

De nombreux Ukrainiens considèrent ces interprétations comme une négation de leur existence, car ils ont construit leur identité en opposition à la Russie, qui est pour eux un « grand Autre ». Pour beaucoup d’autres, notamment ceux qui ont été socialisés en URSS, les Ukrainiens ne se définissent pas nécessairement par opposition aux Russes. Même après l’Euromaïdan et le déclenchement de la guerre dans la région du Donbas, la plupart des Ukrainiens pensaient qu’ils étaient des peuples fraternels et, pour 15 à 20 % de la population, il était normal de se sentir à la fois Ukrainien et Russe. Cela dit, la guerre actuelle pourrait effacer ces identités ambiguës.

JB : Dans un article publié sur LeftEast, vous avez soutenu que l’idée que les Ukrainiens résisteraient farouchement à l’invasion russe était exagérée. Mais n’est-ce pas précisément ce qui se passe actuellement ?

VI : Je parlais d’une situation dans laquelle la Russie aurait détruit l’armée ukrainienne et occupé une grande partie du territoire, ce qui ne s’est pas encore produit. La résistance est peut-être plus forte que ce à quoi la Russie s’attendait, mais il en serait probablement autrement si Kiev avait été occupée en quatre-vingt-seize heures, comme l’avait prédit le Pentagone. De nombreux Ukrainiens rejoignent la Défense territoriale et l’armée, mais environ 2 millions de personnes ont déjà fui, et il pourrait y avoir jusqu’à 10 millions de réfugiés selon certaines estimations.

Dans le même temps, dans les villes occupées telles que Kherson ou Melitopol, le scénario que j’ai décrit se produit — il y a d’importantes manifestations pro-ukrainiennes, mais il n’y a pas de forte résistance armée. Si la Russie occupe une grande partie du territoire ukrainien, la majorité de la population sera probablement passive dans un premier temps. La résistance armée ne sera pas assez forte pour renverser l’occupation, mais elle sera significative si Moscou tente d’établir un régime très répressif dans les territoires occupés. Le résultat serait une résistance non armée plus forte qui serait une source d’instabilité permanente non seulement en Ukraine, mais aussi en Russie.

JB : L’Occident a réagi de manière décisive avec une stratégie basée sur des sanctions sévères contre Moscou et la livraison d’armes à Kiev. La destruction de l’économie russe et le renforcement de la résistance ukrainienne ont le même objectif : forcer Moscou à arrêter l’attaque. Quel regard portez-vous sur cette réponse et que pensez-vous des appels lancés à l’OTAN pour qu’elle établisse une zone d’exclusion aérienne ?

VI : Je crains que si les sanctions et les livraisons d’armes restent la réponse dominante, cela signifie que l’Occident est en fait intéressé par cette guerre. Poutine ne peut pas se permettre de perdre, il fera donc la guerre aussi longtemps que possible. Cela signifiera un nombre énorme de morts et la destruction complète des villes ukrainiennes. Tout comme elle a détruit Grozny en Tchétchénie, l’armée russe pourrait détruire Kiev et Kharkiv. S’il n’y a pas d’autres options, Poutine pourrait menacer d’utiliser des armes nucléaires.

Je pense que les élites de l’OTAN comprennent que la zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine signifierait une guerre entre l’OTAN et la Russie. Je ne pense pas que nous puissions nous permettre de prendre des risques quand il s’agit de risquer une apocalypse nucléaire.

Arrêter la guerre est la priorité absolue. Cela pourrait être possible en donnant immédiatement à l’Ukraine une perspective claire d’adhésion à l’UE, au moins un plan d’adhésion concret. Dans le même temps, un accord sur la neutralité militaire pourrait être conclu. C’est plus facile maintenant, car le président Volodymyr Zelensky et le reste de l’élite politique sont déçus que l’OTAN n’aide pas l’Ukraine ou n’établisse pas de zone d’exclusion aérienne.

Zelensky sera contraint d’accepter des compromis douloureux sur la Crimée et le Donbas. Mais grâce à l’adhésion à l’UE, Zelensky pourrait présenter l’accord avec la Russie comme une victoire et prétendre que les Ukrainiens ont gagné ce pour quoi ils se sont battus depuis la révolution de la place Maïdan. Dans le même temps, Poutine pourrait également affirmer qu’il n’a pas été vaincu, que l’invasion a atteint ses objectifs. L’UE et les États-Unis devraient négocier quelque chose comme cela s’ils veulent éviter la perte de vies ukrainiennes et la destruction de l’économie.

JB : Que voulez-vous dire par « l’Occident est intéressé par cette guerre » ?

VI : Certains commentateurs affirment avec enthousiasme que la résistance de longue durée en Ukraine épuisera la Russie de la même manière que la guerre en Afghanistan a contribué à l’effondrement de l’Union soviétique. Cette guerre a fait beaucoup de mal à l’URSS, mais elle a été catastrophique pour le peuple afghan. L’Afghanistan a été dévasté pendant des décennies et est devenu un État défaillant, où un mouvement extrémiste a fini par prendre le dessus.

Si l’Occident se satisfait d’un tel avenir pour l’Ukraine, cela signifie qu’il avait besoin de cette guerre. L’attitude actuelle de l’Occident ne sera justifiée que si la Russie est vraiment si fragile qu’elle s’effondre dans un avenir très proche. Toutefois, si l’invasion se poursuit pendant des mois, voire des années, l’Occident sera complice de la prolongation de la guerre.

JB : L’Ukraine n’est donc pas seulement une victime de la Russie, mais aussi des jeux géopolitiques occidentaux ?

VI : Les services de renseignement américains et britanniques avaient annoncé l’invasion depuis des mois. Si Londres et Washington étaient si sûrs de l’invasion, pourquoi ne l’ont-ils pas empêchée, pourquoi n’ont-ils pas négocié plus activement avec Poutine ? Certes, Poutine est le principal responsable de la guerre. Mais l’Occident était au courant de l’invasion et n’a pas fait assez pour l’empêcher.

Certains commentateurs affirment avec enthousiasme que la résistance de longue durée en Ukraine épuisera la Russie de la même manière que la guerre en Afghanistan a contribué à l’effondrement de l’Union soviétique. Cette guerre a fait beaucoup de dégâts.

JB : L’Occident a nourri les espoirs de l’Ukraine de devenir membre de l’OTAN, même s’il était clair qu’il ne défendrait pas l’Ukraine. En ce sens, les Ukrainiens ont-ils été trompés ?

VI : L’Ukraine n’a jamais reçu de plan d’action pour l’adhésion, mais seulement la possibilité théorique d’adhérer un jour ou l’autre. Malgré les promesses d’adhésion, l’OTAN n’a jamais eu le désir de se battre pour l’Ukraine. Aujourd’hui, des Ukrainiens meurent. À tout le moins, ces promesses envers l’Ukraine étaient extrêmement irresponsables.

JB : Sous Petro Porochenko, président de l’Ukraine de 2014 à 2019, l’adhésion à l’OTAN a été incluse comme objectif dans la constitution de 2019. Comment l’OTAN est-elle devenue une question aussi importante dans la politique ukrainienne ?

VI : Les politiciens ne se sont jamais intéressés à ce que les Ukrainiens pensent réellement de l’OTAN. La demande d’adhésion a été présentée par le président Viktor Iouchtchenko après la « révolution orange » de 2004. Elle a été soutenue par George W. Bush et, en 2008, il a été décidé au sommet de Bucarest que la Géorgie et l’Ukraine rejoindraient l’alliance.

À l’époque, environ 20 % des Ukrainiens étaient favorables à l’adhésion à l’OTAN. Après l’Euromaïdan, la Russie a annexé la Crimée et la guerre a éclaté dans le Donbas, ce qui a conduit une partie de la population à considérer l’OTAN comme une protection contre la Russie. Dans le même temps, les sondages n’étaient plus réalisés en Crimée et dans le Donbas, les régions les plus prorusses du pays. L’année dernière, grâce à la crainte de voir les troupes russes se masser le long de la frontière, le soutien à l’adhésion à l’OTAN a dépassé les 50 %. L’invasion actuelle a changé les attitudes, même dans les régions prorusses du sud et de l’est du pays. Cependant, la déception à l’égard de l’OTAN augmente en même temps.

JB : Les résultats possibles de la guerre comprennent la partition du pays (c’est-à-dire l’imposition d’un régime pro-russe répressif à l’Est tandis que l’Ouest devient une base extérieure nationaliste de l’OTAN), l’occupation de toute l’Ukraine par la Russie ou la défaite complète de la Russie. Une Ukraine multinationale et multiethnique pourrait-elle survivre ?

VI : Vous avez décrit un scénario probable en cas de division du pays, mais tout dépend du déroulement de la guerre. La défaite de Poutine signifierait probablement la déstabilisation et l’effondrement du régime russe au pouvoir, dont l’Ukraine pourrait tirer parti et reconquérir même le Donbass et la Crimée.

À la suite de l’attaque et de la destruction, il y a une grande haine envers les Russes. Je crains que la langue russe ne soit encore plus réprimée dans la sphère publique que ce n’était le cas après les lois adoptées par Porochenko. Le pays multiculturel dans lequel je suis né est probablement perdu à jamais.

Il est possible qu’un jour la réconciliation ait lieu. Après tout, la Pologne et la France travaillent en étroite collaboration avec l’Allemagne au sein de l’UE, même si l’Allemagne a causé d’énormes souffrances à l’ensemble de l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais cela nécessiterait des changements politiques très importants en Russie même.

JB : Avant même l’invasion, vous avez écrit qu’elle pourrait déstabiliser la Russie elle-même. Quelles seront les conséquences de la guerre et des sanctions pour le régime de Poutine ?

VI : Si le régime veut s’adapter aux défis militaires, économiques et politiques, des changements radicaux dans l’ordre social et politique seront nécessaires. L’État russe fonctionne actuellement selon le principe du capitalisme de patronage kleptocratique, dans lequel une petite élite s’enrichit. Toutefois, il ne sera pas possible de maintenir le régime pro-russe dans certaines parties de l’Ukraine uniquement par la répression, et la résistance des Ukrainiens pourrait encourager l’opposition en Biélorussie et en Russie — surtout si les soldats russes continuent de mourir — et même au Kazakhstan et dans toute la sphère d’intérêt russe.

Étant donné que l’instabilité ne sera pas atténuée par des politiques néolibérales orthodoxes, l’historien de l’économie Adam Tooze a émis l’hypothèse que le régime tentera de mener une sorte de politique néokeynésienne pour améliorer la vie des citoyens et ainsi acheter leur soutien. Après les deux guerres mondiales, nous avons assisté à une expansion significative des droits des travailleurs afin d’éviter les soulèvements des masses qui avaient fait de grands sacrifices pendant la guerre.

La réorientation de la Russie vers les pays non occidentaux sera également un problème. Moscou est moins isolé qu’il n’y paraît à l’Ouest, mais à part dépendre d’une Chine plus développée, une telle réorientation ne sera pas facile à concilier avec les identités européennes des Russes, des Biélorusses et des Ukrainiens. La Russie aura également besoin d’un projet idéologique beaucoup plus cohérent pour expliquer à la population le but de toutes ces souffrances. Le fait qu’une grande partie de la société russe ne comprenne pas l’invasion de Poutine est un symptôme de l’absence d’un tel projet, un projet qu’aucun des pays de l’après-Seconde Guerre mondiale n’a réussi à mettre en œuvre.

JB : L’invasion a également semé la confusion dans la gauche intellectuelle, habituée à blâmer l’Occident pour presque tous les problèmes du monde. Les gauchistes ukrainiens Taras Bilous et Volodymyr Artiukh ont critiqué ce qu’ils appellent « l’anti-impérialisme pour les idiots » de la gauche occidentale dans des lettres ouvertes. Selon vous, quel serait le point de vue correct de la gauche ?

VI : J’ai personnellement écrit contre les interprétations simplistes de l’Euromaïdan, qu’une partie de la gauche occidentale a considéré à tort comme un coup d’État soutenu par l’Occident, tout comme les républiques séparatistes du Donbas ont été considérées comme des États proto-socialistes, alors qu’en réalité elles sont les marionnettes d’un régime russe très peu socialiste. Mais discuter de la culpabilité des gauchistes occidentaux en tant qu’idiots utiles de Poutine en ce moment est très dommageable pour la gauche. Le débat sur la sous-estimation de l’impérialisme russe est important, mais il ne doit pas être mené dans des moments de fortes émotions et en utilisant le chantage moral.

L’invasion va faciliter une forte vague de droite, qui réduira considérablement l’espace de la gauche en Europe de l’Est et de l’Ouest. Nous ne devons pas nous désarmer et nous ouvrir aux attaques de la droite. La grande majorité de la gauche européenne condamne l’impérialisme russe et comprend que l’invasion mène au désastre, tout comme l’invasion américaine de l’Irak.

La gauche a besoin d’arguments offensifs. Nous ne devons pas accepter d’interdire les discussions sur la complicité de l’OTAN et du régime post-Maidan en Ukraine, sur les raisons de la non-application des accords de Minsk, ou sur les relations OTAN-Russie. Cela signifierait une capitulation — en particulier en Europe de l’Est, où, dans l’ère du néo-maccarthysme qui s’annonce, il pourrait ne plus être possible d’avancer des arguments de gauche, même élémentaires, sans être accusé d’être un espion russe.